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Journée mondiale de la Polio :  cette maladie que l’on pensait disparue réapparaît sous une nouvelle forme dans les pays occidentaux
©RIZWAN TABASSUM / AFP

Vaccination

Une maladie paralysante semblable à la polio vient d'infecter un nombre important de personnes aux Etats-Unis cet automne. Les autorités sanitaires sont en alerte.

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Atlantico : Comment se fait-il que des épidémies de polio se propagent encore ?

Stéphane GAYET : Le mot poliomyélite signifie une atteinte inflammatoire (suffixe ite) de la substance grise (polio) de la moelle épinière (myelos). Dans le système nerveux central, on distingue en effet la substance grise - qui contient les corps cellulaires (c’est-à-dire la partie principale ou centrale) des neurones (cellules nerveuses qui produisent et gèrent les influx nerveux) - de la substance blanche qui contient les axones (fibres nerveuses) des neurones myélinisés (dont l’axone est entouré d’une gaine de myéline). Tous les axones ne sont pas myélinisés : la gaine de myéline (couleur blanchâtre) protège les axones qui en bénéficient et accélère nettement la vitesse de propagation de l’influx nerveux.
Au sens large, une poliomyélite antérieure aiguë (PAA) désigne une atteinte inflammatoire aiguë de la corne (substance grise) antérieure (motricité) de la moelle épinière. Les atteintes de la corne antérieure de la moelle épinière provoquent une paralysie flasque (les membres ne sont plus commandés et n’ont plus de tonus). Une paralysie flasque est le plus souvent plus handicapante qu’une paralysie tonique. L’infection par le virus de la poliomyélite aiguë (poliovirus) se traduit dans seulement 0,5 % des cas par une paralysie flasque aiguë (PFA) irréversible qui touche différentes parties du corps de façon assez aléatoire. Parmi les sujets atteints de PFA au cours d’une PAA, 5 à 10 % ont une paralysie des muscles respiratoires qui provoque la mort à moins d’une assistance respiratoire à vie. La SLA (sclérose latérale amyotrophique) est une poliomyélite antérieure progressive et irréversible. Le syndrome de Guillain et Barré ou polyradiculonévrite aiguë démyélinisante se traduit par une PFA qui est réversible car les corps cellulaires de neurones ne sont pas détruits (peuvent être en cause : une bactérie du genre Campylobacter ou un virus). Le poliovirus n’est donc pas le seul agent pathogène en cause dans les PAA, mais par convention quand on parle de PAA, on désigne celle due au virus de la polio. Pour les autres agents infectieux, on parle plutôt de PAANP, ce qui signifie PAA non due au poliovirus.
Le virus de la PAA comporte trois variants ou sérotypes 1,2 et 3. Il appartient au genre des Entérovirus qui sont de très petits virus grossièrement sphériques, d’un diamètre de l’ordre de 2 à 3 cent millièmes de millimètre. Ces virus ont une forte résistance sur les plans tant physique que chimique, ce qui permet leur persistance de longue durée dans les matières fécales et dans l’eau qu’elles ont contaminée, eau qui est dès lors une source fréquente et même essentielle de contamination par eux. Le virus de l’hépatite A (HAV ou VHA) et les virus du rhume (rhinovirus) appartiennent à des genres proches de celui des Entérovirus.
Le vaccin trivalent contre la PAA est très efficace et totalement sûr dans sa forme inactivée (vaccin non répliquant) ; il est recommandé en France à raison d’un rappel vaccinal tous les dix ans en association avec les vaccins contre la diphtérie et le tétanos.
Toutefois, l’épidémie qui sévit actuellement aux États-Unis d’Amérique n’est pas exactement due au virus de la polio, mais à un virus très proche de celui-ci. Car le genre des Entérovirus contient quatre groupes A, B, C et D. Le poliovirus appartient au groupe C ; dans l’épidémie des États-Unis, il s’agirait d’un autre entérovirus du groupe C, ou bien du groupe D. Mais le vaccin antipoliomyélitique ne protège que contre la PAA(P) et non contre les PAANP. Or, la PAANP due à un entérovirus non poliomyélitique est assez rare et il n’existe pas encore à ce jour de vaccin contre son ou ses virus. Sachant que ces Entérovirus sont assez résistants sur les plans physique et chimique, ils persistent dans l’eau et les épidémies sont difficiles à juguler en l’absence de vaccin. Mais cet épisode n’est pas nouveau : les premiers cas sont apparus en 2014 et entre août 2014 et septembre 2018, 386 cas de paralysie flasque aiguë (PFA) également appelée myélite flasque aiguë sont survenus aux États-Unis. Il s’agit donc d’une nouvelle maladie émergente. Il paraît évident que l’on ne finira jamais de découvrir de nouvelles maladies infectieuses.

Atlantico : Pourquoi les Etats-Unis sont-ils particulièrement touchés ?

Étant donné que cette épidémie n’est pas exactement due au poliovirus, mais à un virus très proche de celui-ci et cependant non ciblé par la vaccination antipoliomyélitique, on est en fait incapable de connaître les vraies répartition géographique et fréquence de cette maladie qui est une maladie émergente.
Car la poliomyélite antérieure aiguë (PAA), celle qui est couverte par la vaccination, est bien présente dans plusieurs pays du monde.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a entrepris de longue date un plan d’éradication de la poliomyélite antérieure aiguë grâce à la généralisation de la vaccination.
En 1988, l’incidence de la poliomyélite antérieure aiguë (PAA) était de plus de 350 000 cas estimés par an. En 1994, grâce à la généralisation de la vaccination, le continent américain (36 pays) a été certifié exempt de poliomyélite, suivi en 2000 par la région dite du Pacifique occidental (37 pays et territoires, dont la Chine) et, en juin 2002, par l’Europe (51 pays). Les souches sauvages (souches naturelles) de sérotype 2 du poliovirus ne circulent plus depuis 1999 et aucun cas associé à celles de sérotype 3 n’a été rapporté depuis novembre 2012. Il faut préciser que l’expression de « souches sauvages » est utilisée par opposition avec les « souches vaccinales », qui sont des souches modifiées (mais pas génétiquement : simple sélection de souches mutantes non pathogènes, cependant infectieuses et immunogènes), ainsi qu’avec les « souches recombinantes » qui sont des souches hybrides (elles résultent de recombinaisons spontanées chez l’homme entre une souche vaccinale et une souche qui est sauvage mais non poliomyélitique : autre entérovirus que le poliovirus).
En fin de compte, on considère que les seules souches sauvages de poliovirus encore en circulation dans le monde seraient des souches de sérotype 1. La région de l’Asie du Sud-Est a été certifiée exempte de poliomyélite en mars 2014 (11 pays dont l’Indonésie et l’Inde). L’initiative de l’OMS a donc permis de faire diminuer l’incidence de la poliomyélite de plus de 99 % et elle est aujourd’hui d’une centaine de cas par an (101 cas notifiés en 2015). Mais la maladie reste toutefois endémique que dans deux pays : l’Afghanistan et le Pakistan.
Cependant, il est essentiel de préciser que la surveillance clinique (reposant sur les signes et les symptômes des personnes) de la polio repose sur le repérage et l’enregistrement des cas de paralysie flasque aiguë (non réversible) ou PFA. Or, précisément cette épidémie aux États-Unis donne un tableau de PFA tout à fait similaire à celui de la polio. Il est donc tout à fait probable que certains cas de PFA soient liés à ces Entérovirus non poliomyélitiques, ce qui contribue à fausser le dénombrement de cas de polio. Car aux États-Unis, l’identification virale des cas de PFA est la règle, mais ce n’est pas le cas dans tous les pays en raison du coût et des difficultés techniques.

Atlantico : Quel public est particulièrement vulnérable à la polio ?

La poliomyélite antérieure aiguë touche principalement les jeunes enfants. Avant l’ère de la généralisation vaccinale, cette maladie frappait plus de 600 000 enfants chaque année dans le monde. Aujourd’hui, grâce à la généralisation vaccinale, le nombre de cas de polio notifiés chaque année dans le monde est un peu supérieur à 100. Mais ce nombre est probablement une sous-estimation de la réalité comme c’est le cas habituellement.

Atlantico : Avec la défiance contre les vaccins en France, la polio pourrait-elle revenir ?

Le vaccin contre la polio ne fait pas partie des vaccins dont les Français se méfient le plus. À part les très rares cas de poliomyélite aiguë vaccinale dus à une mutation d’une souche vaccinale en souche pathogène, c’est un vaccin très sûr. Il faut insister sur le fait que les souches vaccinales utilisées en France sont des souches inactivées, en d’autres termes il ne s’agit pas de souches infectieuses (souches ne se répliquant pas). Ce vaccin injectable est de ce fait sûr, mais il est nettement plus coûteux ; il n’expose pas au risque de polio dite vaccinale. Au contraire, dans la plupart des pays du monde, c’est le vaccin infectieux qui est utilisé (vaccin oral) : il est à la fois beaucoup moins cher, plus commode à administrer (voie orale) et d’efficacité plus longue (souche infectieuse, c’est-à-dire qui est répliquée par les cellules de notre corps). Mais ce vaccin infectieux est bien sûr à l’origine de souches dites recombinantes qui font l’objet d’une surveillance spécifique et dont on ne connaît pas encore l’impact sur la santé publique.

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