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Le travail, une espèce en voie d'extinction
©NICOLAS ASFOURI / AFP

Bonnes feuilles

Ce livre à la fois joyeux et érudit, accessible et savant, balaie les illusions d’hier. Ses analyses rigoureuses et pleines d’humour revisitent les fables et les récits mythologiques. Contre le relativisme, il propose une nouvelle morale universelle, celle du « Moi d’abord, moi d’accord ». Extrait de "Le bel avenir de l'humanité" de Yves Roucaute aux éditions Calmann-Levy. Extrait 1/2

Yves Roucaute

Yves Roucaute

Yves Roucaute est philosophe, épistémologue et logicien. Professeur des universités, agrégé de philosophie et de sciences politiques, docteur d’État en science politique, docteur en philosophie (épistémologie), conférencier pour de grands groupes sur les nouvelles technologies et les relations internationales, il a été conseiller dans 4 cabinets ministériels, Président du conseil scientifique l’Institut National des Hautes Etudes et de Sécurité, Directeur national de France Télévision et journaliste. 

Il combat pour les droits de l’Homme. Emprisonné à Cuba pour son soutien aux opposants, engagé auprès du Commandant Massoud, seul intellectuel au monde invité avec Alain Madelin à Kaboul par l’Alliance du Nord pour fêter la victoire contre les Talibans, condamné par le Vietnam pour sa défense des bonzes.

Auteur de nombreux ouvrages dont « Le Bel Avenir de l’Humanité » (Calmann-Lévy),  « Éloge du monde de vie à la française » (Contemporary Bookstore), « La Puissance de la Liberté« (PUF),  « La Puissance d’Humanité » (de Guilbert), « La République contre la démocratie » (Plon), les Démagogues (Plon).

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Les métiers aliénants, ceux de la routine, seront supprimés. Reproductibles, ils sont programmables. La voix qui répétait l’ordre, le regard qui se fixait sur le processus productif, la conscience qui devait s’abstraire d’elle-même pour se concentrer sur des procédures imposées, tout ce vieux monde s’effondre.

Le robot industriel est déjà en pleine explosion : soixante-neuf mille en 1978, quatre millions en 2017, dix millions en 2020. Il remplacera, avec les logiciels, les humains soumis à la pénibilité du travail. Depuis l’Unimate de General Motors, en 1960, le robot a déjà aboli le travail à la chaîne dans la soudure, la peinture, l’assemblage. Il le remplace dans le nettoyage, l’emballage, le rangement, la manutention. Il protège dans les secteurs du nucléaire ou de la chimie. Dirigé aujourd’hui à partir d’un logiciel commandé par un humain, demain à partir d’une intelligence autonome, il prendra en charge toutes les activités de routine de l’industrie et du commerce.

Le travail un peu plus qualifié est balayé tout autant. À quoi serviront les chauffeurs quand voitures et bus se conduiront tout seuls ? Et les garagistes quand il n’y aura plus ni incidents, ni accidents, ni entretiens nécessitant des humains ? Emplois d’infirmiers, d’ambulanciers, de cadres administratifs ? Logiciels et robotique feront l’affaire. À la façon de l’hôtel Henn-na à Tokyo, les robots seront réceptionnistes, bagagistes, personnels de service, personnels de maintenance, de surveillance. Des services assurés dans la politesse et la bonne humeur, « bonjour madame, merci monsieur », ce qui mettra à l’heure de l’exquise politesse japonaise.

Les cadres échapperont-ils à la révolution ? D’où vient pareille illusion ? Dans le monde de l’industrie, les logiciels permettront de produire et d’ajuster le calendrier de maintenance en fonction des données collectées directement sur les équipements, pour éviter pannes et manque à gagner. L’analyse informatique des data permet déjà d’optimiser les cycles de production complexes des usines. Dans le grand commerce, sans humains, les logiciels permettront de disséquer les données collectées en magasin sur le comportement des consommateurs et, grâce à l’apprentissage automatique, de réorganiser pour booster les ventes, optimiser la gestion des stocks, aider au développement stratégique. Robots et drones deviendront les moyens de distribution. Les sous-traitants seront remplacés. Les informations du marketing seront traitées avec l’intelligence artificielle, devenue outil stratégique. Loin d’échapper à la moissonneuse, les premiers métiers fauchés seront ceux où l’analyse abstraite et quantitative est centrale, remarque justement Kai-Fu Lee, ancien vice-président de Google, actuel PDG de Sinovation Ventures. Métiers de l’analyse financière, de l’assurance, de la banque, partout où la relation intersubjective n’est pas une obligation, les logiciels rendront l’emploi superflu ; partout où le contact est une obligation, avec un robot idéal, construit selon les désirs des consommateurs, il disparaîtra tout autant. Accorder un crédit selon l’évaluation des risques : les systèmes d’expertise numériques le pourront. Gérer un fonds ? Récupérer des créances ? Les logiciels de Sidetrade peuvent déjà s’en occuper. Qui se plaindra si le gouverneur de la FED ou du FMI est remplacé par un ordinateur ? Ils éviteront les pressions psychologiques des lobbys et autres pouvoirs et ils agiront à la vitesse de la lumière, voire, un jour peut-être, à une vitesse supraluminique grâce à des ordinateurs quantiques, sur la masse monétaire et la vélocité de sa circulation.

Croit-on les professions libérales moins touchées ? Seul le versant créatif de leurs activités restera. Des commissaires aux comptes aux experts-comptables, l’intelligence artificielle laissera les seules activités de conseils. La prospection imaginative des architectes et des urbanistes explosera, mais les programmes informatiques généreront seuls des centaines de projets différents en 3D.  Avocats et professions judiciaires ? La plupart de leurs activités deviendront inutiles à court terme, emportées par le flot des jugements automatisés. À moyen terme, hors le crime, il ne restera plus que l’arbitrage et la médiation. À long terme, les instances de justice seront non professionnelles et circonstancielles. Médecins ? Intelligence artificielle, logiciels et robotique vont transformer les métiers et les liquider sur leur versant « travail ». J’y reviendrai.

La fin du travail n’est même pas l’annonce de l’expansion d’un tiers-secteur « solidaire », « post-marchand », voire « post-capitaliste » dont rêvent les gauches issues du xixe siècle. Ce monde devant nous restera marchand et individualiste, et il le sera de plus en plus. C’est le travail lui-même qui est en voie d’extinction.

Extrait de "Le bel avenir de l'humanité" de Yves Roucaute aux éditions Calmann-Levy

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