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Quand Sapiens a-t-il découvert le langage ? La génétique nous en donne une idée
©MANDEL NGAN / AFP

Bonnes Feuilles

Homo sapiens est décidément une drôle d’espèce. On le pensait apparu quelque part en Afrique de l’Est il y a 200 000 ans, et voilà qu’on détecte sa présence bien plus tôt, et sur tout le continent. Et il nous réserve bien d'autres surprises, à découvrir dans le dernier livre de Silvana Condemi et François Savatier, "Dernières nouvelles de Sapiens", publié chez Flammarion. Extrait. 1/2

Silvana Condemi

Silvana Condemi

Silvana Condemi est une paléoanthropologue, directrice de recherche au CNRS et responsable de la thématique paléo-anthropologie de l’UMR 7268-ADES.
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Mais quand est né le langage ?

Et si la génétique venait à notre aide pour évaluer cette ancienneté ? Depuis la fin des années 1990, nous connaissons au moins un gène jouant un rôle dans le contrôle du langage articulé : le gène FOXP2, parfois abusivement présenté comme « le » gène du langage. La version de ce gène présente chez le chimpanzé diffère de la nôtre. Nous savons par ailleurs que les Néandertaliens (350 000‐40 000 ans avant le présent) portaient la même version que nous. De cela, nous pouvons conclure que l’ancêtre commun de Sapiens et de Néandertal possédait notre version du gène FOXP2, qui est donc là depuis au moins 600 000 ans, époque à laquelle H. heidelbergensis, notre ancêtre commun, vivait.

Impossible de remonter plus loin dans le temps par les gènes. Néanmoins, étant donné la présence d’un mode de communication par le corps, lamain et les vocalises chez notre ancêtre commun avec les grands singes et l’existence d’une culture matérielle transmissible chez des australopithèques il y a plus de 3,3 millions d’années, il semble plausible de situer l’émergence d’une première forme de langage articulé avant le Lomekwien, autrement dit entre les ardipithèques et les australopithèques. Donc il y a entre 4 et 3,5 millions d’années. Ce n’est là qu’une conjecture, qui sera difficile à confirmer...

Les moulages de l’intérieur du crâne que réalisent les paléontologues sont toutefois susceptibles de nous y aider quelque peu. Les fossiles rattachés au genre Homo attestent, après 1,8 million d’années, d’une modification par rapport aux australopithèques (dont les derniers, les paranthropes, n’ont disparu qu’il y a 1,2 million d’années). Toutefois, le genre humain pourrait avoir un million d’années de plus, mais nous ne disposons à ce jour d’aucun fossile de crâne humain pour cette période.

Si, pour autant, nous nous enhardissons à considérer que la divergence constatée entre les formes crâniennes des australopithèques et des humains constatées vers 1,8 million d’années a évolué bien avant, alors que nous dit‐elle ? Elle traduit chez les représentants du genre Homo une asymétrie cérébrale qui, chez H. sapiens, est devenue particulièrement prononcée. La partie gauche de notre cerveau n’est en effet pas le reflet de sa partie droite et ce phénomène est ancien. L’examen de la surface corticale prouve en outre la présence, chez H. habilis, d’une aire de Broca.

Décrite dès 1861 comme l’aire motrice du langage articulé par le médecin et anthropologue Paul Broca (1824‐1880), cette aire est située sur le lobe frontal gauche du cortex cérébral. L’aire de Broca étant une structure importante du cortex, son évolution, comme celle de tout dispositif biologique complexe mettant en jeu le concours d’un très grand nombre de gènes, s’estime en centaines de milliers d’années, plutôt qu’en dizaines... Dès lors, nous constatons qu’au moins sur le plan des ordres de grandeur, l’hypothèse d’une évolution d’une sorte de protolangage chez des australopithèques avant l’apparition des premiers outils à Lomekwi – soit, au bas mot, 0,5 million d’années avant la mâchoire présumée de pré H. habilis LD 350‐1 – est à tout le moins plausible !

Extrait de Dernières nouvelles de Sapiens, par Silvana Condemi et François Savatier, chez Flammarion, 2018.

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