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Comment la Chine et Donald Trump sont en train de redéfinir l’ordre mondial
©NICOLAS ASFOURI / AFP

Bras de fer

Lutte frontale avec la Chine, attaques contre l'OMC et la CPI, la politique étrangère de Trump s'attaque au multilatéralisme instauré depuis la Seconde Guerre Mondiale. Derrière la façade du rejet général, les Etats-Unis tentent de redéfinir les instances internationales pour raffermir leur position.

Barthélémy Courmont

Barthélémy Courmont

Barthélémy Courmont est enseignant-chercheur à l'Université catholique de Lille où il dirige le Master Histoire - Relations internationales. Il est également directeur de recherche à l'IRIS, responsable du programme Asie-Pacifique et co-rédacteur en chef d'Asia Focus. Il est l'auteur de nombreux ouvrages sur les quetsions asiatiques contemporaines. Barthélémy Courmont (@BartCourmont) / Twitter 

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Atlantico : Les Etats-Unis semblent se désintéresser des instances internationales telles que la CPI, mais est ce-ce vraiment le cas? N'essayent-ils pas au contraire de renforcer leur contrôle dessus ? 

Barthélémy Courmont : Plus qu’un désintérêt ou un désengagement, il s’agit en effet plutôt d’une tentative de redéfinition de structures qui sont jugées, à tort ou à raison, nuisibles à Washington. Le cas de la CPI est révélateur, mais on retrouve la même tendance avec l’UNESCO, ainsi qu’avec l’OMC. L’administration Trump cherche à mettre la pression, en usant de ses moyens financiers et de l’influence des Etats-Unis, pour contraindre des institutions à se réformer dans le sens souhaité par les dirigeants américains. C’est évidemment un contrôle renforcé qui est ici recherché, et donc une forme de révisionnisme par rapport à la nature mais aussi aux orientations prises par ces institutions. La prise de risque est cependant grande, et on voit notamment quelle fut la réaction des Etats-Unis à l’UNESCO, un retrait unilatéral qui a secoué l’organisation, mais ne l’a pas affectée au point qu’elle cède aux pressions américaines. Gare à la mise à l’écart volontaire donc si les autres grandes puissances restent unies.

En quoi le retrait US et l'implication chinoise dans ces institutions modifient-il les rapports internationaux ?

Le contexte est pour le moins révélateur d’une tendance: tandis que les Etats-Unis se retirent de manière unilatérale des instances internationales, la Chine met en avant une vision de la multipolarité basée sur la place centrale de ces institutions. En d’autres termes, plus Washington joue le mécontentement et l’agacement, plus Pékin se positionne comme le bon élève d’un système que la Chine n’a fait que rejoindre, progressivement. Là où de nombreux experts américains dénonçaient il y a quelques années le révisionnisme chinois, c’est sur cette question le statu quo que Pékin recherche. Cela a évidemment pour effet de renverser les rapports entre les deux puissances, au point de confirmer les allégations de transition de puissance, avec la Chine qui occupe une place de plus en plus importante, tandis que les Etats-Unis voient leur implication, et donc leur influence, diminuer. C’est précisément l’effet recherché par Pékin, et on note d’ailleurs qu’à chaque annonce tonitruante de l’administration Trump pour critiquer les équilibres en place succède une déclaration chinoise qui en vante les mérites. C’est assez logique en fait: face au risque d’un déclin relatif mais réel, les Etats-Unis sont tentés par une rupture, tandis que la Chine n’a aucun intérêt à perturber un équilibre qui lui est favorable.

Dès lors, comment imaginer la suite post-Trump ? Faut-il s'attendre à une poursuite de cette même politique ?

L’effet Trump est celui d’une forme de brutalité dans les annonces, avec pour objectif la recherche d’une négociation sur des termes plus favorables à Washington. On le retrouve sur les questions économiques et commerciales (les fameuses « guerres commerciales »), diplomatiques (soutien à Israël, gestion erratique du dossier nord-coréen, intransigeance face à l’Iran...) et stratégiques (critiques des alliés européens et asiatiques). C’est une méthode, qui contraste avec les années Obama et ne plait pas en Europe occidentale, mais dont il serait présomptueux de faire le procès trop rapidement. Ce style ne survivra peut-être pas à la présidence de Trump, et selon le résultat des mid-terms, il pourrait être disputé par le Congrès. Mais la réalité du rapport des Etats-Unis aux institutions internationales ne sera pas, quant à lui, transformé dès lors qu’un autre président succédera à Trump. Moins d’outrance (ou pas), mais toujours le même impératif de replacer les Etats-Unis au centre de l’échiquier, quitte à contester des instances qui ne lui permettent plus d’être au centre. Le temps d’une Amérique inquiète pour son avenir et en colère contre des institutions qu’elle voit comme une contrainte plus qu’un avantage a encore de beaux jours devant lui.

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