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Les lumières… et les ombres du macronisme selon Edouard Philippe
©PHILIPPE WOJAZER / AFP / POOL

Confidences

Durant les journées parlementaires de LREM qui se sont déroulées ce mardi 11 septembre à Tours, le premier ministre s'est exprimé devant ses troupes et a tenu à mieux expliquer la politique du gouvernement -dans un contexte d'un rentrée pour le moins difficile - notamment en s'essayant à offrir une définition du macronisme.

Maxime Tandonnet

Maxime Tandonnet

Maxime Tandonnet est essayiste et auteur de nombreux ouvrages historiques, dont Histoire des présidents de la République Perrin 2013, et  André Tardieu, l'Incompris, Perrin 2019. 

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Atlantico : "Un projet clair. Celui d’une France de l’émancipation et des solidarités réelles. Celui d’une France puissante dans une Europe forte. Celui d’une France à la hauteur des défis que nous devons relever". Mais aussi des "transformations" menées durant cette première année du quinquennat  (dédoublement des classes de CP et de CE1, réforme de l’apprentissage, Parcoursup, la loi logement…). Pas de doute pour Edouard Philippe, le macronisme est avant tout un projet politique et idéologique. En dépit d'une définition générique, en quoi le premier ministre a-t-il raison dans sa définition du macronisme ?

Maxime Tandonnet : Qu'est-ce que le "macronisme"? En vérité, il y a bien un discours ou un message caractéristique qui s'attache à cette personnalité: attachement inconditionnel au système de Bruxelles, une forme de libéralisme autour de la valorisation de l'esprit "start up", une reconnaissance du multiculturalisme, une vision "sans frontières" des choses, un dépassement de l'Etat-nation. Le macronisme se définit comme l'anti-populisme et fustige le "nationalisme" qu'il qualifie de lèpre. Il est le premier à réclamer des sanctions contre les Etats qui n'acceptent pas les quotas d'immigration.  Sa vision idéologique est conforme à l'air du temps, à l'idéologie dominante dans les élites du monde occidental: le libre arbitre individuel, l'argent roi, le culte de l'apparence, de la modernité et de la jeunesse, la mobilité planétaire de préférence aux racines et au peuple conservateur. A cet égard, le macronisme est davantage une idéologie que le sarkozisme ou le hollandisme qui se voulaient deux formes de pragmatisme et prétendaient à un ancrage dans la réalité de la France profonde: d'où l'"héritage chrétien" de Sarkozy ou l'attachement au terroir corrézien, dans une tradition radicale, chez Hollande. Le macronisme semble s'affranchir de ce besoin d'un ancrage.

La rentrée d'Emmanuel Macron donne l'impression que les Français ne croient plus en l'action gouvernementale mais un sondage IFOP pour Atlantico illustre une perception plus nuancée. 55% pensent que la France aura été transformée en profondeur d'ici 2022 et 45% estiment que ces transformations seront plutôt positives. Ajoutons à cela que 40% des électeurs PS pensent que le quinquennat d'Emmanuel Macron aboutira à des avancées pour la France. Si la philosophie du macronisme semble être en partie acceptée par la population, n'est ce pas la personnalité même du président qui pose un problème aux Français ? 

Oui, ce sondage est intéressant. Il montre que les Français ne sont pas des gaulois réfractaires au changement, qu'ils ont conscience de l'évolution du monde et de la nécessité de faire évoluer les structures économiques et sociales du pays. Sur les retraites, les statuts, le temps de travail, une majorité des Français savent que l'immobilisme n'est pas possible dans une époque de transformations aussi profondes. Cependant, la psychologie collective est un phénomène complexe et contradictoire. Les Français sont sans doute prêts au changement, à la condition d'un long travail d'explication et de préparation des esprits. Cependant, ils ne supportent pas ce qu'ils ressentent comme une injustice. A tort ou à raison, l'opinion s'est persuadée que les retraités avaient été défavorisés par les mesures fiscales du gouvernement (CSG, etc). Ce sentiment a été conforté par des déclarations leur demandant "un effort". Le message selon lequel le pouvoir politique touchait aux anciens, aux parents, aux aînés qui ont cotisé toute leur vie, a été dévastateur dans l'opinion. En outre, certaines expressions prononcées depuis l'étranger, comme celle de "gaulois réfractaires", ont renforcé le sentiment d'un chef de l'Etat représentatif des élites dirigeantes opposées au peuple, amplifiant cette impression de rupture entre "France d'en haut" et "France d'en bas".

En quoi Emmanuel Macron est-il, paradoxalement, la faiblesse du macronisme ?

En mai et juin 2017, il fallait une immense naïveté pour penser qu'un "nouveau monde" allait remplacer "l'ancien". Toutes les conditions d'une grave impopularité étaient réunies: une élection par défaut avec un niveau d'adhésion initiale très faible – 12% du corps électoral au premier tour –, l'inexpérience, l'absence d'ancrage de terrain et de soutien d'une force politique enracinée, les ambiguités d'un discours fondé sur le renouvellement alors que l'entourage venait pour l'essentiel de socialistes ayant retourné casaque. Le macronisme était avant tout un style, une image de modernité, de jeunesse, de dynamisme et surtout de renouveau d'un système politique rongé par les affaires et la corruption. L'expression de "nouveau monde" se substituant à "l'ancien monde", a été sa marque de fabrique. Or rien n'est plus terriblement fragile qu'un pouvoir fondé sur l'image. Cette image de pureté et de nouveau monde a été balayée par l'affaire Benalla. Soudain, l'opinion a eu le sentiment que rien n'avait changé. Les pratiques du clanisme, du copinage, de la dissimulation, n'avaient jamais cessé. Le retour de bâton est violent.  

Au fond, tenter de définir le macronisme, n'est-ce pas une erreur stratégique qui recentre inéluctablement le projet du gouvernement sur le personnage d'Emmanuel Macron ? Ne faudrait-il pas opter une réflexion sur la définition de la République En Marche elle-même ?

Il me semble que ce sujet, essentiel, dépasse la question du "macronisme". Il touche à la conception même du pouvoir politique qui prévaut en France. Nous vivons dans une période de personnalisation du pouvoir à outrance. La vie publique n'existe plus qu'à travers l'image médiatique d'un personnage présenté le détenteur des clés du destin national. Il faut y voir le fruit de la politique spectacle, mais aussi du déclin de la culture politique. Le culte de la personnalité sert à couvrir la disparition du débat d'idées et de la notion d'intérêt général. Il est la forme exacerbée du nihilisme contemporain. Cette personnalisation à outrance repose sur une illusion. Dans le monde moderne, le président ne dispose en aucun cas, à lui seul, d'une capacité à régler les problèmes des Français. Elle porte en elle sa propre destruction: la sublimation d'un homme surmédiatisé fait de lui le réceptacle naturel des frustrations et des angoisses collectives d'un peuple. C'est ainsi que l'adoration d'un jour devient le lynchage du lendemain et la chute inévitable dans l'impopularité, qui entraîne la perte de confiance et aggrave l'impuissance. Une réflexion sur la République en Marche ne servirait à rien, dès lors que ce courant n'est que le fruit éphémère de la grande illusion de mai-juin 2017. Ce qu'il faut, c'est réfléchir à une refondation profonde de la démocratie et de la vie politique française, pour retrouver les fondements de l'action collective, de la vérité, du gouvernement, de la responsabilité devant la Nation.

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