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L'utilisation de Facebook par les ados dépend des revenus de leurs parents... et voilà pourquoi c'est problématique
©ARUN SANKAR / AFP

Déterminisme

Alors que seulement un tiers des enfants issus de familles à revenu élevé utilisent Facebook, préférant les "stories" de Snapchat et les photos d'Instagram, une plus grande proportion des adolescents issus de milieux défavorisés utilise toujours la plate-forme.

Michael Stora

Michael Stora

Michael Stora est l'auteur de "Réseaux (a)sociaux ! Découvrez le côté obscur des algorithmes" (2021) aux éditions Larousse. 

Il est psychologue clinicien pour enfants et adolescents au CMP de Pantin. Il y dirige un atelier jeu vidéo dont il est le créateur et travaille actuellement sur un livre concernant les femmes et le virtuel.

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Atlantico : Une étude du think tank américain Pew Research Center évoque un lien entre le déterminisme social et l'utilisation des réseaux sociaux. Pourquoi certains adolescents se détournent-ils de Facebook ? En quoi le niveau de vie influence-t-il le choix de l'utilisation de tel ou tel réseau social ? 

Michaël Stora : C’est assez compliqué. On sait très bien que cela fait un moment qu’on a observé un mouvement qui fait que les adolescents quittent Facebook ou ne s’inscrivent pas sur Facebook parce que c’est le réseau de leurs parents. Un adolescent qui va bien est un adolescent qui a besoin, d’une certaine manière, de se séparer du regard parental, qui sur Facebook peut être un regard surveillant. Une hypothèse pour l’expliquer serait de considérer que les adolescents issus de milieux favorisés sont d’autant plus déjà eux-mêmes dans ce souhait d’échapper au regard parental alors que des adolescents issus de milieux défavorisés se retrouvent eux-mêmes dans des relations déjà à la base leur permettant moins de s’autonomiser. Mais peut-être est-ce aussi lié au fait que les jeunes de milieux défavorisés ont moins de choses à montrer. Malheureusement, quand on regarde la façon dont les adolescents s’exposent. Sur Snapchat ou Instagram, on est souvent dans un monde qui va bien, idéalisé, de la représentation du bien-être, de l’argent, du luxe. Des choses qu’on peut plus difficilement montrer évidemment quand on vient d’un milieu défavorisé.  C’est peut-être ce qui leur fait préférer Facebook à Instagram, qui est un réseau social très tyrannique en termes de valeurs financièrement plus élevé.

Une autre différence significative vient de la façon dont les adolescents utilisent Facebook. Ainsi, les enfants à faible revenu utilisent Facebook pour rester en contact avec leurs réseaux, trouver du soutien et prendre de l'avance. Tandis que ceux issus d'un milieu plus aisé l'utilisent plus comme des "entrepreneurs", pour faire du réseautage. Qu'en déduire de l'impact de ces réseaux sociaux chez les deux groupes d'adolescents ?

Issu d’un milieu favorisé, on est plus formaté à devenir entrepreneur malheureusement. Et les réseaux sociaux vont être une sorte de simulation de soi pour bien se vendre. Mais en même temps, ce qu’on propose c’est une image de soi ; c’est soi avec des belles voitures, des jolies filles-garçons, des « objets » propre à un certain niveau de vie. La question du luxe est très présente. Pour les jeunes défavorisés, Facebook est plus perçu comme un espace de coopération, d’entraide, d’échange et en cela Facebook est plus pratique que Snapchat ou Instagram, qui ont plus fonction de vitrine.  On est moins dans un espace de relais, d’informations, de vidéos… on est moins apparent. Facebook n’est pas un réseau d’image pure. La question de l’image est centrale, et paradoxalement les jeunes défavorisés sont peut-être plus tyrannisés par cette question-là. Evidemment c’est schématique. Il y a des jeunes de milieux défavorisés qui comptent sur les réseaux pour porter leurs ambitions. J’ai travaillé dans des secteurs où l’on retrouve des jeunes qui veulent être footballer, rappeur, youtubeur… mais aucun ne veut être ouvrier fraiseur. Aujourd’hui, ils sont confrontés à la réalité, même si quelques-uns réussissent à s’en sortir en s’appuyant sur les réseaux sociaux. J’ai ainsi rencontré un jeune homme qui avec son smartphone est devenu un grand influenceur photographe sur Instagram.

On est donc dans un espace où il est possible de réussir, mais que dans la plus grande majorité, c’est difficile.

Doit-on supposer que cette différence d'appréciation de Facebook puisse se reporter sur les autres réseaux sociaux selon vous ?

Les valeurs sont comme je l’ai dit un peu différentes. Facebook est utilisé par toutes les couches sociales. Mais c’est un réseau de vieux et perçu comme tel. L’étude est sur ce point étonnante en ce qu’elle montre que Facebook n’est plus suivi de la même manière par la nouvelle génération, il faudrait plus de données pour pouvoir comprendre les mécanismes en action.

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