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Pesticides dans les paniers de course : il faut remettre les choses en place
©Reuters

Mise au point

La France a la main lourde avec les pesticides ? Fake news ! La jeune génération verra son espérance de vie en bonne santé diminuer d'une décennie ? Prédiction sans fondement. Il est temps de faire cesser la promotion de l'agriculture biologique par le dénigrement du conventionnel et des discours alarmistes sur les pesticides. L'agriculture biologique en utilise aussi, et pas qu'un peu, et ils contribuent à la protection de notre santé.

André Heitz

André Heitz

André Heitz est ingénieur agronome et fonctionnaire international du système des Nations Unies à la retraite. Il a servi l’Union internationale pour la protection des obtentions végétales (UPOV) et l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI). Dans son dernier poste, il a été le directeur du Bureau de coordination de l’OMPI à Bruxelles.

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Sous le titre « Pourquoi la France est la championne d’Europe de la présence de pesticides dans les paniers de course », Atlantico a récemment publié une analyse hautement anxiogène fondée sur le magnum opus annuel de l'Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (EFSA) sur les résidus de pesticides dans les aliments.

L'analyse est fausse dès le titre. Certains médias ont taxé la France de « mauvais élève » avec 6,4 % des échantillons testés dépassant les limites maximales de résidus (LMR) de pesticides, en compagnie de Malte (10,7 %), le Luxembourg (8,3 %) et les Pays-Bas (7,5 %). Cet énoncé suffit à démontrer que la France n'est pas « championne », n'en déplaise aux activistes anti-pesticides et aux thuriféraires du biobusiness.

En outre, ces chiffres sortent de nulle part. L'EFSA n'a colligé des chiffres ventilés par pays que pour les échantillons originaires de ces pays (et donc analysés par le pays en cause ou un autre), et ce, dans le cadre d'un programme coordonné d'analyse portant sur neuf produits végétaux et deux produits animaux. La France (43,1 %) se situe dans la moyenne européenne (43,9 %) pour les échantillons présentant des résidus au-dessus de la limite de quantification et en dessous de la LMR.

Le résultat est moins bon pour les dépassements de LMR (4,2 % au lieu de 2,4 %). Mais il faut se garder de toute interprétation hâtive. Ainsi, comme le note l'EFSA, le panier français a inclus 32 échantillons de tomates de Mayotte avec un excès de diméthoate, recueillis dans le cadre d'une opération de contrôle ciblée. Ôtez-les des données et les dépassements de LMR français tombent à 3,6 %. Ce n'est pas là une justification de la situation, mais une description des pièges que comporte cet exercice. En outre, 2016 a été une année catastrophique pour l'agriculture.

L'EFSA n'a pas « pointé du doigt l'usage excessif de pesticides dans l'agriculture française ». Pour cet usage, il faut s'en remettre à d'autres sources statistiques, portant notamment sur les tonnages de matières actives (MA). Il va de soi que la France, grand pays agricole, aura un tonnage bien supérieur à celui de Malte. Lorsqu'on rapporte les tonnages à l'hectare cultivé, la France s'est trouvée au neuvième rang en 2014 avec moins de 3 kg MA/ha, en compagnie de l'Allemagne, loin derrière Malte et Chypre avec leurs 10 kg ou encore les Pays-Bas et la Belgique (entre 5 et 6 kg).

La France est dans une situation très honorable compte tenu de l'intensité de son agriculture et, partant, de sa contribution à la souveraineté et la sécurité alimentaires française et européenne. Et mondiale : «Pour la paix, les producteurs de blé français sont comme des casques bleus» (Sébastien Abis, Institut de Relations Internationales et Stratégiques). Mais il est vrai qu'il y a des rêves de repli national, vers une « terre qui ne ment pas » cultivée par certains aspects « comme avant »...

Comme l'écrit M. Dufumier : « ...plus artisanal, moins industriel, plus diversifié, plus spécialisé et comme c'est plus exigeant en travail cela doit être correctement rémunéré. » Ou comme l'a dit Mme Christiane Lambert, présidente de cette FNSEA honnie par l'activisme : « Plus vert, c'est plus cher ! » Les gens pour qui la fin du mois commence le 3 apprécieront...

Certes, un litre de glyphosate n'est pas un kilo de cuivre (celui-ci est bien plus nocif pour l'environnement et la santé...). Pour certaines cultures, la conversion vers l'agriculture biologique aura pour conséquence d'augmenter les quantités de pesticides utilisées et les fréquences de traitement, ainsi que l'impact sur la santé et l'environnement, en tout cas par rapport à la lutte intégrée contre les ravageurs ou la culture raisonnée (c'est par exemple avéré pour la vigne) !

Car oui, il faut le souligner, l'agriculture biologique utilise aussi des pesticides, et certains ne sont anodins ni pour la santé, ni pour l'environnement, ni pour les abeilles. On ne peut donc que s'étonner de voir que « l'objectif devrait être l'éradication totale de l'utilisation de ces produits ». Appelez Joséphine Ange Gardien...

Mais revenons aux pesticides dans les paniers de course. L'EFSA a pris soin de préciser dans son communiqué de presse que les risques alimentaires aigus (court terme) et chroniques (long terme) pour la santé des consommateurs « ont été jugés faibles ». En fait, les LMR sont fixées à des niveaux tellement sécuritaires qu'un gros consommateur d'une denrée particulière « à risque » succombera à une indigestion digne de La Grande Bouffe bien avant d'être confronté à un risque toxicologique.

Une partie des milieux activistes en sont conscients. Il faut donc un autre épouvantail.

Mais évoquer des liens entre pesticides et « maladies neurodégénératives comme l'alzheimer, parkinson ou encore les cancers hormonaux dépendants (sein, prostate...) » relève aussi de la gesticulation. Il y a certes de nombreuses études qui font état d'associations, certaines a priori sérieuses, souvent surmédiatisées et surinterprétées ; d'autres résultant d'acrobaties méthodologiques et statistiques, à l'image de cette étude sur des rats dont les photos abjectes ont fait le tour du monde ; voire de fraude caractérisée comme étudier des effets sur la santé de doses qui nécessiterait chez l'humain de boire du glyphosate au bidon.

Si ces allégations étaient crédibles, on constaterait des hécatombes chez les agriculteurs utilisateurs de pesticides, bien plus exposés que les consommateurs. Tel n'est pas le cas : les grandes cohortes française (AGRICAN) et états-unienne (AHS) montrent que les agriculteurs sont globalement en meilleure santé que la population générale.

Que faut-il alors penser de cette sinistre prévision : « nous savons que les prédictions concernant la jeune génération stipulent que cette dernière aura une espérance de vie en bonne santé d'une dizaine d'années inférieure aux générations d'avant » ? On aura bien du mal à les trouver ! Et encore plus de mal pour les prédictions qui incriminent les pesticides. Sauf, peut-être, chez les Philippulus. Que penser par exemple de « L'espérance de vie n'augmentera plus » publié en septembre 2010 dans le Monde par MM. Claude Aubert, André Cicolella, Laurent Chevallier (qui, du reste, ne mentionne pas les pesticides) ? Une année d'espérance de vie gagnée entre 2010 et 2015...

Nous avons du reste déjà une réponse de M. Dufumier : « Nul ne peut dire que c'est statistiquement avéré évidemment car nous n'avons pas encore le recul pour cela. » Des prédictions – un mot bien choisi ! – qui ne seraient pas statistiquement avérées sont du ressort des horoscopes de Madame Soleil... Et pour avoir le recul nécessaire, il faudrait avancer dans le temps...

Mais le sujet est trop important pour en rester à l'ironie. Les résidus de pesticides dans l'alimentation ne sont pas un problème de santé (et les produits bio ne sont pas meilleurs de ce point de vue). Les pesticides contribuent à rendre notre nourriture saine en réduisant par exemple les risques de mycotoxines cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques. Dire cela n'est pas incompatible avec dire qu'il faut les utiliser avec modération et à bon escient.

Il est temps de remettre les choses en place. La promotion de l'agriculture biologique par le dénigrement du conventionnel et des discours alarmistes sur les pesticides, ça suffit !

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