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La Reconquista, une entreprise géopolitique complexe
©Salvador Martínez Cubells - Artflakes

Bonnes Feuilles

Extrait de "1064, Barbastro", par Carlos Laliena Corbera et Philippe Sénac, NRF Essais (2/2).

Pour affirmer leur autorité, calmer les prétentions nobiliaires et étendre leurs domaines, c’est vers le milieu du XIe siècle que les souverains s’engagèrent plus fermement dans la guerre contre les musulmans, donnant ainsi naissance à ce que l’historiographie qualifie de reconquista.

Cette lutte demeura longtemps timide et même périlleuse, comme le montre la mort du roi Alphonse V de León devant Viseu en 1028. Les offensives chrétiennes s’affirmèrent dans les années 1040-1050. En 1045, Garcie de Navarre s’empara de Calahorra dans un climat d’exaltation religieuse qu’évoquent plusieurs documents dans lesquels le roi déclare avoir arraché la ville « des mains des païens » et l’avoir restituée aux chrétiens ». Ce fut une victoire importante, non seulement parce que le contrôle de cette cité permettait de menacer Tudèle et Saragosse, mais surtout parce que le souverain navarrais perçut à partir de cette date les tributs versés par l’émir de Saragosse dont il céda le dixième à l’église de Santa María de Nájera. Vers la même date, Raimond Béranger Ier soumettait à tribut les taifas de Saragosse, de Lérida et de Tortose, et le vicomte Arnau Mir de Tost s’emparait de la forteresse d’Ager. Quelques années plus tard, vers 1048, le comte Ermengol III d’Urgel faisait donation des parias provenant de l’Hispania à la cathédrale d’Urge tandis qu’Arnau Mir s’engageait à verser au monastère de Saint-Pierre d’Ager la dixième partie des terres qu’il allait conquérir entre la Noguera et le río Cinca. Raimond Béranger Ier s’empara peu après des forteresses de Camarasa et de Cubells, au nord de Lérida. Passé cette date, les seigneurs catalans orientèrent leurs offensives vers la Ribagorce et c’est également pour progresser dans cette région que Ramire Ier d’Aragon s’entendit au printemps 1054 avec le comte de Barcelone Raimond Béranger Ier afin de coordonner avec lui ses actions ou d’obtenir sa neutralité. Vers 1055, il occupa la moyenne vallée du Cinca avec la forteresse d’Abizanda, mais les défenses musulmanes de Naval et de Graus mettaient un frein à ses ambitions. 

La lutte contre les taifas s’amplifia au cours des années 1057-1058, lorsque se développèrent simultanément les campagnes de Ferdinand Ier dans le nord du Portugal et celles des comtes catalans dans la vallée de l’Èbre. Profitant de la faiblesse de la taifa de Badajoz en guerre contre celle de Séville, Ferdinand Ier s’empara de Lamego en 1057, puis de Viseu en 1058. L’émir al-Muzaffar de Badajoz obtint la paix moyennant le versement annuel de 5 000 dinars. Ferdinand Ier conquit ensuite Gormaz et Berlanga à la fin de l’année 1058, menaçant ainsi la vallée du río Jalón, Saragosse et le nord de la taifa de Tolède. Face à cette situation, les souverains des taifas s’acquittèrent de tributs à son profit et au détriment du roi Sanche IV de Navarre. Ce fut une perte considérable pour ce dernier puisque la « vieille paria » de Saragosse, comme l’appellent plusieurs documents postérieurs, s’élevait à 12 000 dinars. La disparition d’une telle rentrée d’or provoqua évidemment des tensions et Sanche IV dut affronter un premier soulèvement nobiliaire en 1061, comme l’indique un document dans lequel il remerciait les moines de San Salvador de Leire d’avoir prié pour lui lors des tensions qu’il eut avec les seniores de sa patrie.

Il reçut ensuite l’aide de Ramire Ier et lui céda vers 1062 Sangüesa, dans la vallée du río Aragón, en échange d’un serment de fidélité et d’une aide militaire. Pour insister sur le climat guerrier qui s’affirmait alors, il convient enfin de rappeler que c’est pendant cette même période que le roi Ferdinand Ier multiplia ses attaques contre les taifas de Tolède, de Séville et de Badajoz.

La première attaque, pendant l’été 1062, affecta principalement la vallée du río Henares et elle ne s’acheva que lorsque l’émir al-Ma‘mûn accepta de s’acquitter d’un tribut. La deuxième survint en juillet 1063 pour soumettre al-Mu’tadid de Séville au régime des parias. La troisième offensive frappa le Nord du Portugal. Après s’être rendu en pèlerinage à Saint-Jacques-de-Compostelle, Ferdinand Ier s’empara de Coimbra en juillet 1064, l’année même où Barbastro fut attaquée. En somme, la pression exercée par les chrétiens contre les taifas ne cessait de croître, et la politique menée par Ramire Ier d’Aragon en constitue un bon exemple, même si ce n’est qu’après 1050, une fois réglées les tensions qui l’opposaient à ses frères, qu’il s’engagea dans une politique d’expansion territoriale. 

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