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Burn-out : du passage en clinique au difficile retour à la réalité
©KENZO TRIBOUILLARD / AFP

Bonnes feuilles

Il me prend dans ses bras, me dit que je ne suis pas obligée de rester, je peux attendre dans la voiture. Je crains la rencontre avec des gens que je ne veux pas voir. Avec des amis ou des relations, n’importe, je ne veux pas sentir leur regard posé sur moi, sur mon corps, mon changement. Je ne veux pas remarquer leur effarement, ni la compassion qu’ils auront pour mon homme, lui qui me porte et qui pourrait s’écrouler à tout moment. Extrait du livre de Anne-Véronique Herter, "Le cri du corps' aux éditions Michalon. 2/2

Anne-Véronique Herter

Anne-Véronique Herter a publié son premier roman, "Zou !" en 2014, suivi de "Prudence Rock" en 2017. Elle partage sa vie entre sa famille, son travail de relation clientèle et ses passions pour la Bretagne, la plongée et la littérature. 

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Les gens passent tout autour de moi. Ils ne s’arrêtent pas, me frôlent, ne me regardent pas. Certains marchent lentement, d’autres vite. Ils se promènent, ont quelques minutes pour acheter les fruits ou le fromage qui leur manquent. La musique de rue me cerne, les cris des vendeurs se mélangent au hurlement des enfants, aux rires de ceux qui profitent d’un petit rayon de soleil, attablés devant un petit blanc.

C’est bientôt Noël.

La vie m’oppresse. Je me tiens debout, droite comme la mort, au milieu du carrefour fermé aux voitures. La place du marché m’emporte dans sa vie, et moi, je voudrais m’enfuir. Sans m’en rendre compte, ma tête s’est abaissée, mes mains se sont placées sur mes oreilles, mes yeux se sont fermés. Je ne veux rien voir, rien entendre, rien comprendre. Je veux retourner dans ma chambre avec son drap en plastique, serrer Samwell et regarder les biches par la fenêtre. Chambre 305.

Dans ma mémoire, mes visages amis me sourient et me font signe. Myriam, Philippe, Clémentine, Valérie. Ils sont là, ils me disent de revenir, je ne peux pas.

Quelque chose me secoue.

Mon amour est là, près de moi.

– Qu’est-ce qui se passe? Tu as un malaise?

Il me prend dans ses bras, me dit que je ne suis pas obligée de rester, je peux attendre dans la voiture. Je crains la rencontre avec des gens que je ne veux pas voir. Avec des amis ou des relations, n’importe, je ne veux pas sentir leur regard posé sur moi, sur mon corps, mon changement. Je ne veux pas remarquer leur effarement, ni la compassion qu’ils auront pour mon homme, lui qui me porte et qui pourrait s’écrouler à tout moment.

Je suis rentrée depuis trois jours, je voudrais repartir. Je suis seule au milieu de la vie. Je dois reconstruire un monde nouveau, mais je ne sais pas le faire. Je vis comme à la clinique. Je me réveille à 8 heures, je prends mon petit déjeuner, je fais du sport aux mêmes horaires, le même jour, le même sport. J’ai acheté les mêmes yaourts. Je recrée mon quotidien pour me préserver du monde.

Je ne veux voir personne.

Je me confie toujours à Facebook. C’est comme un ami imaginaire à qui je peux tout dire ou presque. Mon roman va bientôt sortir, je partage mes sourires, mes espoirs. Je parle de ma progression. Je fais croire que je vais mieux. Mais quand mon corps me tire trop, je le maltraite, je l’insulte, je le dénigre. Je sais que je ne suis pas guérie, mais j’ai peur qu’on l’oublie. Je suis folle et malheureuse et pourtant, je souris. Les textes et les poèmes que j’écris disent à ma place ce que je suis, ce que je voudrais être.

Extrait du livre de Anne-Véronique Herter, "Le cri du corps' aux éditions Michalon 

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