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Peut-on être féministe et se réjouir de la Fête des mères ? Les sites marchands ont leur réponse…
©Ben STANSALL / AFP

Bonne fête maman

Aux Etats-Unis, la fête des mères est la troisième plus importante de l'année en termes de dépenses. Des cadeaux qui, bien souvent, serviront à célébrer leur émancipation...

Sophie Bramly

Sophie Bramly

Sophie Bramly  est créatrice d'un site  d'un site destiné à éveiller ou combler la sexualité féminine, Second Sexe, et ancienne productrice chez MTV. Elle est aussi mère de deux enfants.

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Atlantico : Aux Etats-Unis, la fête des mères se classe troisième des fêtes annuelles en matière de dépenses, selon des données de la National Retail Federation.  Certains de ces milliards seront consacrés cette année à des cadeaux qui prétendent célébrer "l'autonomisation" des femmes, et leur "Empowerment", avec des slogans "Be yourself" sur des t-shirts par exemple.  Peut-on y voir un détournement des luttes sociales à visée exclusivement marketing ?

Sophie Bramly : Il y a effectivement un détournement mercantile de la lutte des femmes. Le marketing, une des facettes les plus fascinantes du capitalisme, convoite de plus en plus les revenus des femmes au point où l'agencement des grands magasins est calculé pour faire dépenser toujours plus aux femmes, où on ne cesse de trouver des nouveaux besoins pour les femmes (bars à ongles, crèmes pour les cils, it bags, etc.).  Et maintenant, comme une ironie suprême, on encourage les femmes à acheter des produits qui les aideraient à gagner de la confiance en elle grâce à des slogans d'empowerment prometteurs, dont les prix sont parfois plus que ridicules (Dior a vendu des t-shirts à slogans féministes à 500€). Les femmes représentaient un marché juteux (avec des revenus de 19% inférieur aux hommes, les femmes représentent pour les multinationales un marché deux fois supérieur à ceux de l'Inde et la Chine réunies) et maintenant c'est le féminisme lui-même qui est devenu un produit de plus à vendre aux femmes. On peut penser que cela amplifie le mouvement, donne à plus de femmes l'opportunité de s'affranchir, mais il y a avant tout quelque chose d'obscène à transformer un engagement en produit marchand et à rendre toute relative l'indépendance économique des femmes. 

La récupération commerciale de la récente libération de la parole des femmes montre-elle que finalement, l'image de la femme continue à engendrer des clichés? Hier la mère exemplaire, aujourd'hui la femme qui doit se libérer : pourquoi cette image est-elle toujours tronquée? 

Les images de l'homme et de la femme sont une suite continue de stéréotypes, où ni l'un ni l'autre n'ont à gagner tant ils sont anxiogènes. Mais nous sommes dans un monde d'images où il faut coller à une représentation idéale de soi, à une vie idéale, et un énorme pourcentage de la population se plie à ces stéréotypes sans  en avoir pleinement conscience. Les images sont toutes construites pour des besoins mercantiles (vendre toujours plus de rêve), et concernant les femmes, il y a toujours un paradoxe, une hésitation, une difficulté entre se libérer économiquement et plaire au meilleur géniteur possible.  On martèle sans cesse un modèle et peu de voies alternatives existent pour amplifier d'autres types de pensées, proposer des alternatives au sytème où elles restent soumises malgré les avancées des dernières décennies. 

Au final selon vous, peut-on se revendiquer féministe et se réjouir de la fête des mères au vu de ces dérives ? Comment redonner du sens à cette fête ?

Il n'y a rien de féministe à se réjouir de la fête des mères et ses dérives. Par ailleurs, être femme, être féministe, ne veut pas dire être mère. La fête des mères, comme toutes les autres grandes fêtes, sont avant tout devenues celles de la consommation. A-t-on besoin de célébrer les mères, les pères, les grands-parents et tout l'arbre généalogique par des cadeaux à dates fixes ? Ce n'est pas mon avis. 

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