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Sommet UE-Balkans : cette nouvelle déstabilisation de l’Europe qui se profile en ex-Yougoslavie dans l’indifférence générale
©LUDOVIC MARIN / AFP

L'autre Europe

A Sofia, ce 17 mai, se tient le sommet UE-Balkans, en présence notamment d'Emmanuel Macron. Le signe d'une situation qui devient de plus en plus explosive en ex-Yougoslavie, sur fond d'adhésion à l'Union européenne de certains pays.

Florent Parmentier

Florent Parmentier

Florent Parmentier est enseignant à Sciences Po et chercheur associé au Centre de géopolitique de HEC. Il a récemment publié La Moldavie à la croisée des mondes (avec Josette Durrieu) ainsi que Les chemins de l’Etat de droit, la voie étroite des pays entre Europe et Russie. Il est le créateur avec Cyrille Bret du blog Eurasia Prospective

Pour le suivre sur Twitter : @FlorentParmenti

 

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Atlantico : Le sommet Union Européenne - Balkans occidentaux se tient ce 17 mai à Sofia à Bulgarie, ​en présence notamment d'Emmanuel Macron. Alors que les Balkans semblent avoir été oubliés au cours de ces dernières années, de nouvelles tensions ont pu apparaître entre les différentes communautés formant la Bosnie Herzégovine. Quelles sont les racines de cette nouvelle crise ? 

Florent Parmentier : Alors que le Sommet UE – Balkans jette une lumière nouvelle sur la crise actuelle, il faut observer que celle-ci a des racines profondes et d’autres plus récentes. La construction des Etats-nations modernes dans une région par essence multicuturelle a conduit, à la chute de la Yougoslavie, aux affrontements les plus sanglants en Europe après la Seconde Guerre mondiale. Avec l’épuisement du système communiste, de vieilles rancœurs sont réapparues, des acteurs mafieux et des entrepreneurs politiques ont joué un jeu trouble, que les accords de Dayton (1995) n’ont pas permis de résorber ; au contraire, le pays, divisé entre une fédération croato-musulmane et la République serbe, ne dispose aujourd’hui que d’institutions dysfonctionnelles. La partition reste de fait une constante du pays depuis les accords.

Comment caractériser la crise actuelle ? Il y a certes les tensions que nous venons d’évoquer, mais également des manifestations depuis six semaines, « justice pour David », du nom de David Dragicevic, jeune homme de 21 ans assassiné, dont le corps a été retrouvé à Banja Luka, la capitale de la République serbe. Ce mouvement social fragilise la position de Milovan Dodik, président de la République serbe, puisqu’elle illustre le souhait des citoyens d’aller vers un Etat de droit, contre la corruption, le népotisme et de l’arbitraire. Cette contestation peut donc l’inciter à durcir ses positions, sur l’OTAN comme sur les institutions centrales qui ne sont pas mieux considérées par les citoyens. 

​Alors que Serbie et Russie soutiennent Milorad Dodik et ses revendications, comment réagissent les européens ? Quelle est le niveau de menace pour l'UE en cas d’aggravation de la situation en Bosnie Herzégovine ? ​Quels sont les pays européens les plus impliqués sur ce dossier ? 

Tout d’abord, il faut se rappeler que Milorad Dodik était arrivé au pouvoir en 1998 avec la bienveillance des Américains et des Européens. Cela permet de relativiser la grille de lecture néo-occidentaliste qui voit la main de la Russie derrière chaque contrariété existant en Europe, du référendum catalan à l’essor de mouvements populistes, de droite comme de gauche, dans les élections récentes. 

La Bosnie est restée un champ d’influence entre les Européens, les Américains et les Russes, mais pas seulement ; la Chine vient de signer un accord important avec la Bosnie en matière de libéralisation du régime des visas ; dans la fédération croato-musulmane, la Turquie y chasse les partisans de Gülen, mouvement considéré comme terroriste par Ankara, tandis que les pays du Golfe y prennent leurs marques ; la radicalisation islamiste y concerne d’ailleurs une partie de la jeunesse, de manière importante si l’on compare par rapport à la population. 

Dans ce contexte, faut-il voir dans Milorad Dodik le cheval de Troie des Russes ? Il est vrai que la Russie conserve son intérêt pour la région, et s’avère par exemple au rapprochement entre la Bosnie et l’OTAN, ligne rouge également parmi les Serbes (de Belgrade comme de Banja Luka), et que Dodik souhaite lui-même chercher le soutien de Vladimir Poutine. L’Eglise orthodoxe reste par ailleurs un acteur important localement, mais inquiète du libéralisme politique européen. 

Face à cela, les pays européens restent divisés sur la politique à tenir en Bosnie ; certains Etats-membres peuvent se sentir proches des Serbes, sans pour autant favoriser une indépendance de la République serbe ; en effet, l’Espagne peut être contre l’indépendance du Kosovo et celle de la République serbe au nom du principe de souveraineté. La France, l’Allemagne, l’Italie, mais aussi la Hongrie, la Bulgarie ou la Roumanie garderont un œil précis sur ce dossier.

​Quels sont les enjeux de ce sommet dans ce cadre ? Quels sont les défis à relever par les dirigeants européens dans un contexte particulièrement houleux au plan international ? 

​La présidence bulgare de l’Union européenne organise un Sommet de Sofia pour stabiliser les Balkans occidentaux (Bosnie-Herzégovine, Serbie, Monténégro, Kosovo, Albanie, Macédoine), et leur offrir des perspectives. 

Comme souvent, l’Europe se heurte à l’écueil suivant : elle est prise entre des opinions publiques européennes qui ne souhaitent plus de nouveaux élargissements, et un appel des pays de la périphérie à faire partie de cette même entité politique. Si ce discours de l’élargissement a pu être tenu en Europe Centrale, on observe que les termes sont aujourd’hui beaucoup plus choisis. L’Europe cherche avant tout à exporter timidement son modèle et avancer ses intérêts économiques pour éviter d’importer l’instabilité et les menaces sécuritaires des pays concernés.

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