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Partagez-vous les caractéristiques des personnalités à fort potentiel ?
©Flickr/IsaacMao

Testons !

Par peur de l'erreur de recrutement, les entreprises sont friandes de tests de potentiel. En admettant que leurs critères soient pertinents, les hauts potentiels sélectionnés sont-ils forcément de futurs leaders ?

Pascal Neveu

Pascal Neveu

Pascal Neveu est directeur de l'Institut Français de la Psychanalyse Active (IFPA) et secrétaire général du Conseil Supérieur de la Psychanalyse Active (CSDPA). Il est responsable national de la cellule de soutien psychologique au sein de l’Œuvre des Pupilles Orphelins des Sapeurs-Pompiers de France (ODP).

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L'un des tests les plus populaires dans les entreprises américaines est l'indicateur de type Myers-Briggs, qui classe les gens selon différents styles de pensée, tels que «introversion / extraversion» et « penser / ressentir ». Selon une nouvelle recherche, six traits constitueraient une personnalité « à fort potentiel » : curieux, consciencieux et compétitif, ajustement/adaptation au stress, acceptation de l'ambiguïté et approche du risque. En quoi ces critères sont-ils nouveaux? Quelle est leur pertinence ?

Ce test, plus communément appelé le MBTI est tiré des travaux de Carl-Gustav Jung et reconnu comme un indicateur typologique.

Il est particulièrement utilisé en recrutement et orientation dans les sociétés de culture anglo-saxonne où on a quantifié 10000 MBTI passés chaque jour aux Etats-Unis, soit plus de 3 millions de tests par an !

Un véritable marché pour les sociétés rémunérées pour les faire passer.

Peut-être dans un premier temps puis-je décrire ce test.

Il s’agit de 89 questions avec un choix à deux réponses pour la plupart.

Exemples :

- Choisissez entre les mots suivants celui qui vous correspond le mieux : 1) fabriquer  2) créer

- Préfèreriez-vous être considéré comme : 1) une personne ingénieuse 2) une personne pratique

- …

Ce test qui dure approximativement 30 minutes a pour objectif de mettre en évidence nos préférences fondamentales en fonction de quatre dimensions, définies chacune par deux pôles opposés.

1.     Orientation du sujet : Extraversion / Introversion

2.     Mode relationnel : Perception / Jugement

3.     Modalités de perception : Sensation / Intuition

4.     Critères de jugement : Pensée / Sentiment

En le confrontant aux quatre grands types de personnalité que Jung distingue (type sensation, type intuition, type pensée, type sentiment)  le MBTI permet de créer des combinaisons et des typologies telles que Administrateur, Protecteur, Créatif, Perfectionniste, Praticien, Conciliateur, Idéaliste, Concepteur, Pragmatique, Convivial, Communicateur, Innovateur, Organisateur, Maternant, Animateur, Meneur.

Autrement dit, nous sommes alors reconnus ainsi, et enfermés dans des cases.

Les études montrent qu’un grand nombre de candidats « testés » se retrouvent dans des catégories neutres du fait de l’opposition des choix proposés.

La nouvelle étude permettrait de repérer si nous sommes curieux, consciencieux et compétitif,  si nous possédons les qualités les plus mystérieuses de « réglage élevé », d’« acceptation de l'ambiguïté » et d’« approche du risque »…

Cela ferait de nous une personnalité « à fort potentiel » qui nous mènerait loin dans la vie !

Autrement dit, le MBTI est mort ! Vive le HPTI (High Potential Trait Inventory) !

Sauf que même si 9 entreprises sur 10 utilisent ce test, les résultats en sont très contestés car les questions portent une forte orientation sur la position de leadership.

En fait, ne soyons pas aveugles, cette étude permet seulement de tenter sortir du grenier ce test réducteur en inventant et défendant de nouvelles catégories.

En admettant les critères de définition des hauts potentiels, ceux-ci sont-ils forcément de futurs leaders ?

Aucunement.

En moyenne les tests psychologiques classiques ne sont pas fiables au delà de 73%, et surtout face à des questionnaires d’opposition face auxquelles des personnes « préparées » sauront répondre en fonction du poste (il existe un grand nombre d’ouvrages décrivant ces tests et donnant les réponses).

Il est d’autres raisons pragmatiques.

D’une part car les nouveaux critères ne préjugent nullement du comportement face à une mise en situation qui mêle intellect et affect.

D’autre part que veut dire « haut potentiel » ?

A l’époque du QI, il a été démontré le chiffre important d’échec scolaire des surdoués, qu’on dénommait déjà hauts potentiels (plus de 10% n’ont pas leur baccalauréat)…

Puis on a inventé le QE (Quotient Emotionnel)… Et bien évidemment tout le monde se fait tester… et tombe dans le mirage de compétences voire de potentiels, que la vie ne réalise pas.

Car ces tests peuvent être à la fois être un révélateur/levier pour certains, mais également un « cliché psychique » dévastateur pour d’autres qui se jugeront inférieurs, quand ce n’est pas le devenir d’un mégalomane ou tyran, d’un « élu/reçu », sans oublier celle ou celui qui dès lors d’un échec s’effondrera ayant fantasmé ce qu’est un « haut potentiel » !

Ce qualificatif « haut potentiel » est effrayant.

Une personne portant ces nouvelles caractéristiques floues existe-t-elle pour en faire un leader ? Non, je ne pense pas.

Un leader est une personne qui est capable d’écouter beaucoup d'opinions différentes, d’entendre des arguments complexes et les comprendre de manière proactive, au lieu de les simplifier car plus vous êtes haut placé dans une position de leadership, plus important est le processus décisionnel.

Car quelle place pour l’imprévu ? Que faire d’une personne hyper consciencieuse, d’une autre qui sait gérer sans la moindre émotion une situation stressante, d’une personnalité qui n’est pas curieuse… ?

Comment concilier le paradoxe entre des comportements normés et catégorisés, et la demande de « forte personnalité » que l'on recherche chez les dirigeants ?

C’est justement la limite de cette nouvelle catégorisation que propose la formule 2018 de ce test.

Finalement le vrai « haut potentiel » serait le médian des qualités requises, car capable d’allier de manière mesurée ses connaissances afin de prendre une décision juste et magistrale.

Nous sommes amplis de clichés, d’archétypes qui nous font penser et dire que le meilleur dirigeant est celui portant une « forte personnalité ».

Qu’est-ce ? : un charisme ? un sale caractère ? un humaniste ?...

Nous sommes tous incapables de le définir…

Aussi nous le recherchons et nous sommes capables de créer des tests enfermants, catégorisants qui nous sommes, sans guère de possibilité de sortir de cette case assignée quasiment à vie, et au fil du temps, fort du label des Ressources Humaines, en laquelle nous finissons par croire que c’est ce que nous sommes ou ne sommes pas.

En attendant combien d’usurpateurs auront pris la place de ces leaders par vanité, par opportunisme et connaissance de ce qu’on attend ?

Combien de vrais et bons leaders n’auront pas été reconnus car ayant échoué en un test réducteur dans son fond et pire sa forme, se posant d’autres questions que celles d’opposition… Car un leader doit rester dans la réunion, la conciliation, les solutions, et non l’opposition.

Une nouvelle fois les Etats-Unis ont le talent et le « haut potentiel » de nous présenter un test « amélioré ».

Une fois encore je me permets de répéter que « haut potentiel » est le qualificatif des « surdoués »… et que le test QI est à prendre en considération avec tant d’autres paramètres…

Tant de parents ont fait tester leurs enfants… avec quelles incidences ?

Il en serait de même maintenant avec les « futurs élites ? ».

Je n’y crois guère.

Michel Serres disait « L’intelligence, c’est l’imprévisible ! »

Et elle ne peut pas passer par des tests réducteurs non fiables.

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