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Les hommes abandonnent, les femmes s’accrochent : quand les marathons révèlent les caractères face aux situations d’inconfort extrême de la vie
©Filckr

"Sexe faible" ?

Une étude a montré que les femmes ont mieux supporté les conditions extrêmes du dernier marathon de Boston que les hommes.

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Atlantico : L'édition 2018 du marathon de Boston, qui figure parmi les plus compétitifs, s'est déroulée cette année dans des conditions extrêmes, dues au froid glacial et à une forte pluie. Or une étude révèle que les femmes ont mieux supporté ces conditions que les hommes ; dont le taux d'abandon a été supérieur. Comment expliquer leur plus forte persévérance au plan physique ?

Stéphane Gayet : Toutes les cellules du corps (plus de 10.000 milliards) de la femme ont un génome de type féminin, c'est-à-dire porteur des gonosomes (chromosomes sexuels) X et X (23e paire de chromosomes), alors que toutes celles du corps de l'homme en ont un de type masculin, c'est-à-dire porteur des gonosomes X et Y. Cette différence génotypique entre l'homme et la femme est à l'origine des différences phénotypiques nombreuses qui existent entre les individus des deux sexes. Car le rôle des gonosomes ne se limite pas à la détermination des caractères sexuels primaires (organes génitaux internes et externes) et secondaires (pilosité, masse musculaire, largeur du bassin, développement des seins, largeur du larynx…). Il existe une différenciation sexuelle du corps et du cerveau, qui commence dès la naissance et s'accentue de façon phénoménale à la puberté.

L'étude des différences qui existent entre le corps et le cerveau de la femme et ceux de l'homme est particulièrement complexe, car il est difficile de faire abstraction des idées reçues, des habitudes sociétales, ainsi que des influences culturelles et sociales. Il est réducteur et même assez simpliste de tout attribuer aux concentrations respectives des hormones sexuelles chez la femme et chez l'homme. Certes, les concentrations beaucoup plus fortes des hormones mâles chez l'homme expliquent pour une bonne part son agressivité, sa tendance à la surestimation de ses capacités et son goût pour la prise de risques. Mais ce n'est là qu'un aspect psychologique parmi beaucoup d'autres.

Sur le plan somatique, le volume et la force musculaires supérieures de l'homme (en moyenne) sont une évidence sur laquelle il n'y a pas lieu d'insister. Sur le plan épidémiologique (fréquence et répartition des maladies), c'est déjà plus intéressant. Incontestablement, certaines maladies sont plus fréquentes chez l'homme que chez la femme et inversement, sans que ces différences ne puissent être expliquées uniquement par des intoxications, des professions ou des habitudes de vie qui ne sont pas les mêmes dans les deux sexes.

Le cerveau de la femme et celui de l'homme diffèrent (différenciation sexuelle du cerveau), et il faut voir ces différences comme une riche et heureuse complémentarité. Aujourd'hui, nous avons à notre disposition des techniques performantes qui permettent de faire des explorations fonctionnelles du cerveau et qui ont transformé nos connaissances neuroscientifiques. Lors d'un test cognitif chez une personne volontaire, les zones cérébrales qui s'activent ne sont pas exactement les mêmes selon qu'il s'agit d'une femme ou d'un homme. Lors de certains tests, la femme active davantage de zones gouvernant les fonctions psychiques supérieures que l'homme (réponse plus réfléchie chez la femme, plus automatique ou instinctive chez l'homme), alors que c'est le contraire lors d'autres tests. Cette approche différente pour analyser une situation donnée et y répondre chez la femme et chez l'homme est pleine d'intérêt, mais répétons que ces études sont complexes à mener et elles se heurtent au courant de pensée selon lequel la femme et l'homme auraient le même cerveau, ce qui est anatomiquement et physiologiquement erroné.

Pour revenir à la course d'endurance, il faut déjà préciser que la femme, dotée d'une puissance musculaire plus faible constitutivement, a besoin en général de plus d'entrainement que l'homme. Il y a une sélection qui s'opère naturellement : les femmes qui se préparent à une épreuve de course d'endurance ont selon toute vraisemblance un caractère particulièrement volontaire et pugnace.

Quels sont les facteurs psychologiques qui expliquent leur plus forte capacité à ne pas renoncer ? Quels sont les facteurs qui influencent la prise de décision chez les femmes ?

Il est possible que, d'une façon générale, les femmes aient plus de volonté que les hommes, mais c'est bien délicat à montrer et la volonté est multifactorielle. Dans presque toutes les sociétés, les femmes sont catégorisées comme appartenant au "sexe faible" : cette notion commune fait qu'elles ont comme une revanche à prendre sur les hommes, comme si elles devaient prouver qu'elles sont fortes elles aussi. La seconde place que les hommes leur imposent dans la vie professionnelle et politique y contribue sans aucun doute : elles doivent se battre en permanence pour réussir, plus que les hommes. C'est probablement à l'origine d'une combativité féminine qui s'exprime dans des circonstances telles que celle-ci. Il est d'usage de dire et fréquent de lire que la femme supporte mieux des conditions physiques très pénibles que l'homme. Cela est rapporté dans des sociétés peu industrialisées où beaucoup de tâches physiquement difficiles incombent aux femmes. Le courage des femmes dans l'épreuve et la douleur est souvent mis en avant. La grossesse et l'accouchement comportent des périodes pénibles et douloureuses qui fortifient la femme ("ce qui ne tue pas rend plus forte"), ce qui peut être un élément d'explication.

C'est également à travers la maternité et le rôle de premier plan de la femme dans les soins donnés aux enfants que l'on attribue fréquemment un sens de la responsabilité plus développé chez la femme que chez l'homme. Ce qui se retrouverait dans un sens de l'engagement qui est souvent considéré comme plus fort chez la femme. Les femmes seraient nettement moins volages que les hommes.

Les capacités intellectuelles des adolescentes seraient en moyenne les mêmes que celles des adolescents. Plusieurs études scientifiquement menées ont en effet montré qu'il n'y avait pas de différence significative entre l'aptitude aux sciences mathématiques, physiques et chimiques entre les filles et les garçons. En revanche, on constate que les adolescentes réussissent souvent mieux que les adolescents lors des tests et examens de la scolarité, ainsi qu'aux concours. Or, la puberté de l'adolescente commence plus tôt que celle de l'adolescent et s'achève également plus tôt. Le cerveau est le siège d'une profonde transformation pendant la puberté, on peut parler de révolution psychique. Les adolescentes deviennent mûres avant les adolescents, et elles font souvent preuve avant eux d'une forte détermination, d'une ardeur à réussir, à l'école comme dans tout ce qu'elles entreprennent. Elles conservent fréquemment une avance sur les garçons dans leur développement mental. Cette maturité particulière des jeunes femmes et ce sens affirmé des responsabilités font qu'elles ont une aptitude généralement supérieure aux hommes à décider. Il faut y voir plus un désir d'avancer, d'évoluer, de progresser qu'un désir fort de s'affirmer qui est davantage le fait de l'homme.

Comment expliquer que les femmes parviennent mieux à gérer leurs ressources sur la durée et à s'adapter au contexte ?

Bien sûr, toutes ces considérations sont à envisager avec précautions et à relativiser. Ce sont les employeurs, les recruteurs, les directeurs des ressources humaines qui nous apprennent, de par leur expérience, les différences qu'ils ont observées entre les comportements des femmes et ceux des hommes. On attribue souvent aux femmes un sens plus élevé de l'organisation que chez les hommes. Une plus grande aptitude à se projeter dans l'avenir proche ou plus lointain, à envisager différentes hypothèses ou options leur est parfois attribuée. C'est probablement à rapprocher de leur sens accru des responsabilités : laisser le moins de choses possible au hasard, contrôler le plus possible les phénomènes clés de l'existence.

Dans la grande majorité des foyers, les femmes gèrent les réserves alimentaires et les provisions en général. C'est encore leur côté prévoyant, responsable et organisé qui s'exprime. Cela se retrouve dans une course d'endurance. Alors que l'homme, fort de sa virilité et fier de sa force physique, a plus souvent tendance à se surestimer que la femme (effet des androgènes ou hormones mâles), la femme est habituellement plus discrète et plus prévoyante. Elle évalue plus justement l'épreuve et sait économiser ses ressources pour tenir jusqu'au bout. C'est exactement la fable de Jean de La Fontaine "Le lièvre et la tortue". Il se trouve que le lièvre est un mot masculin, la tortue un mot féminin.

Ces différentes expériences et études mettant en lumière les différences psychologiques et comportementales entre les femmes et les hommes n'ont pas fini de nous en apprendre sur le sujet. Il faut bien admettre que la femme et l'homme sont différents sur beaucoup de points, mais qu'aucune ou aucun des deux n'est supérieure ou supérieur à l'autre. La richesse de la différenciation sexuelle, c'est la complémentarité.

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