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Des scientifiques envisagent de placer un pare-soleil géant dans le ciel pour lutter contre le dérèglement climatique
©Reuters

Atlantico Green

Plusieurs scientifiques de pays en développement plaident pour que ces nations prennent le leadership de la recherche en géo-ingénierie solaire.

François Gervais

François Gervais

François Gervais est physicien, spécialiste de thermodynamique et professeur émérite à l'Université François-Rablais de Tours. Il est l'auteur de L'innocence du carbone aux éditions Albin Michel (2013).

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Atlantico : Dans la revue Nature, plusieurs scientifiques de pays en développement plaident pour que ces nations prennent le leadership de la recherche en géo-ingénierie solaire. Que pensez-vous de leur appel ?

François Gervais : La problématique n'est pas nouvelle. Déjà en 2006, Paul Crutzen suggérait l'envoi d'aérosols dans l'atmosphère pour diffuser le rayonnement solaire et le renvoyer vers l'espace sans qu'il échauffe la Terre. Lors d'éruptions volcaniques, les aérosols envoyés dans la haute atmosphère provoquent effectivement un refroidissement momentané : –0,5°C pendant un an lors de l'éruption du Pinatubo en 1991, jusqu'à –5°C par endroits durant les 3 ans qui ont suivi l'éruption du Tambora en 1815 selon les documents de l'époque. Le choix de l'aérosol envisagé dans l'article de Nature est pour le moins surprenant. À l'instar de toute molécule composée d'au moins deux atomes différents, le dioxyde de soufre est un gaz à effet de serre... Son effet refroidissant dans la haute atmosphère pourrait être supérieur à son effet réchauffant mais cela resterait à prouver non pas seulement avec un modèle mais en conditions réelles.

D'un point de vue technique, où en est l'ingénierie solaire à l'heure actuelle ? Peut-on déjà imaginer la mise en place de mesures concrètes dans l'atmosphère terrestre ou la stratosphère ?

Si l'expérience n'a pas été mise en œuvre à grande échelle jusqu'à présent, c'est que de nombreux scientifiques craignent à juste titre que cela revienne à jouer aux apprentis sorciers compte-tenu de multiples conséquences possibles et incontrôlables. Par ailleurs, plusieurs articles d'astronomes indiquent que le Soleil pourrait s'acheminer vers une sieste aux alentours de 2030, par suite d'une panne de taches solaires, comme lors du dernier petit âge glaciaire appelé Minimum de Maunder sous le règne de Louis XIV. Mieux vaudrait donc temporiser. 

Des mesures de ce type auraient-elles une vraie chance de contrecarrer le dérèglement climatique ?

"Dérèglement climatique" qui se substitue à "changement climatique", lui-même ayant remplacé dans l'accord de Paris (50 occurrences) "réchauffement climatique", gagnerait à être étayé par des publications scientifiques se recoupant dans des revues internationales à comité de lecture – ce n'est pas le cas – et non pas seulement par des opinions médiatisés assorties de conditionnels. Le climat obéit à des lois chaotiques au sens mathématique du terme comme l'a montré Edward Lorenz dès 1963. Avec la même "règle", on obtient des résultats excessivement différents et donc un résultat imprédictible.[1] Faut-il tenter de contrecarrer le réchauffement de 0,4°C observé depuis 1945 par le Hadley Center britannique, hors fluctuations naturelles El Niño, début de l'accélération des émissions de CO2 ? Oui si l'on en croit les projections des modèles de climat virtuel repris par le GIEC. Le problème est qu'ils ne sont pas vraiment étayés par le climat réel comme le montrent les figures 1(a) de la box TS.3, la figure TS.9(a) et la figure 11.25b issues du propre rapport AR5 du GIEC (version anglaise) dont j'ai été expert reviewer. Par ailleurs, en dépit de 40 % des émissions de CO2 durant cette période, la température mesurée par satellite n'a pas bougé dans la basse stratosphère (vers 17 kilomètres d'altitude) depuis 1993, année de retour à la normale après l'éruption du Pinatubo. Si l'on s'en tient non aux modèles de climat virtuel mais à l'observation du climat réel, il ne semble donc pas y avoir urgence, d'autant que de nombreux articles scientifiques récents concluent à une sensibilité climatique plus de trois fois inférieure[2] à celle retenue par le GIEC et les modèles de climat. La sensibilité climatique est l'échauffement de la Terre en cas de doublement du taux de CO2 dans l'air. Ce taux augmente à l'heure actuelle de 0,5 % par an. Évitons de jouer aux apprentis sorciers. Mieux vaut laisser la stratosphère vierge de toute pollution anthropique au dioxyde de soufre.        



[1] www2.ucar.edu/atmosnews/perspective/123108/40-earths-ncars-large-ensemble-reveals-staggering-climate-variability

[2] notrickszone.com/50-papers-low-sensitivity/

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