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Réseau d'agents, contre-espionnage et chantage : Richelieu, un des pères du renseignement moderne
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Bonnes feuilles

Près de trente ans après la chute du Mur et la fin de la guerre froide, l’univers opaque des espions et agents secrets fascine de plus en plus. Or, la réalité s’avère souvent bien éloignée de la fiction. Cet ouvrage de référence offre un décryptage vivant et complet de l’univers du renseignement « vu de l’intérieur ». Extrait de "Dictionnaire du renseignement" d'Hugues Moutouh et Jérôme Poirot, aux éditions Perrin (1/2).

Hugues Moutouh

Hugues Moutouh

Hugues Moutouh, préfet, était conseiller spécial du ministre de l'Intérieur au moment de l'affaire Merah.

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Jérôme Poirot

Jérôme Poirot

Jérôme Poirot est l’ancien adjoint du coordinateur national du renseignement.

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« Quiconque a les yeux bandés ne saurait faire de bons choix. » Cette maxime attribuée à Richelieu souligne à quel point la quête d’informations était stratégique pour lui.

Né à Paris le 9 septembre 1585, Armand Jean du Plessis de Richelieu est issu d’une famille de bonne noblesse. Très jeune, il est promis à un destin militaire  : le métier des armes correspond à son caractère et il semble y prendre goût. Mais le retrait de son frère de Luçon en 1605 lui impose, pour que sa famille conserve l’évêché dont elle occupe le siège depuis vingt ans, d’entrer dans les ordres. Cet événement est alors une opportunité pour le jeune Richelieu de faire carrière au sein de l’Église de France.

Il est introduit dans le cercle des proches de Marie de Médicis et devient secrétaire d’État en 1616. Dès lors, il commence à utiliser les fonds de l’État pour créer un réseau d’agents et d’informateurs partout en France, si bien qu’il est accusé en 1618, dans le sillage de la reine mère, de complicité dans l’assassinat de Concini. Il doit quitter la France et s’établit alors en Avignon. Créé cardinal en 1622, il reste en marge du pouvoir jusqu’à son retour comme membre du Conseil des ministres en 1624.

Si Richelieu reste comme ayant développé dans le domaine militaire une armée de terre et une marine de guerre permanente, il n’en est pas moins, digne héritier de Machiavel, précurseur en matière de renseignement. Il fait ainsi vivre un réseau de renseignement efficace, ciblant les huguenots, n’hésitant pas à recourir à la force, au chantage, à l’intimidation ou à l’assassinat commandé.

Son génie réside, en particulier, dans l’utilisation d’un réseau d’agents au service de la politique étrangère de la France. Ennemi implacable des Habsbourg, il travaille à saper leurs efforts militaires et diplomatiques pendant la guerre de Trente Ans. Dans sa conception, l’espionnage est le moyen indispensable pour connaître son adversaire, déceler ses intentions, estimer la puissance de son potentiel militaire et compenser par là même une éventuelle faiblesse de moyens par la justesse des informations. Il dit même que « le secret est l’âme des affaires ».

C’est ainsi qu’il utilise, par exemple, un agent proche de l’empereur Ferdinand II pour discréditer son meilleur général, Albrecht von Wallenstein. Il y ajoute un système de contrôle du personnel d’ambassade, en doublant les « Grands » en poste par des secrétaires chargés de les surveiller. Partout en Europe, ses agents usent de leur activité de tailleur, de femme de ménage, de maître d’escrime ou de danse pour obtenir des informations. Il envoie même des moines et des nonnes comme agents à l’étranger.

Pour la mise en place des filières et des réseaux, le Cardinal est secondé par le père Joseph : François Leclerc du Tremblay, un moine capucin qui devient son confident le plus proche. Cette intimité avec Richelieu – éminence rouge – et la couleur grise de son froc valent au père Joseph le surnom d’« Éminence grise ». Richelieu l’emploie souvent comme émissaire et agent à l’occasion de tractations diplomatiques.

Le Cardinal s’appuie aussi sur un autre homme d’État particulièrement habile  : Claude Bouthillier, sieur de Fouilletourte, comte de Chavigny, et sur son fils Léon. L’ensemble des opérations de renseignement concernant l’Espagne est dirigé par le comte de Barrault, qui parvient à transmettre à Paris de précieuses informations, telles que des projets d’attaques de ports français, ou obtient des originaux des délibérations du Conseil d’État madrilène.

La nouvelle administration centralisée et efficace du renseignement qu’il a créée, qui s’investit dans la maîtrise de toutes les techniques du secret, utilise grandement les méthodes de dissimulation de l’information. Richelieu n’hésite pas à dire que « savoir dissimuler est le savoir des rois ». Il s’attache les services d’Antoine Rossignol, spécialiste en cryptographie, pour créer le « bureau de la partie secrète », premier service du chiffre en Europe.

La période des années 1630‑1632 marque aussi la première véritable institutionnalisation du contre-espionnage et de la sécurisation des frontières, en particulier grâce à la création d’intendants dans les places frontalières, qui constituent un instrument actif de surveillance du passage des hommes, des courriers et des rumeurs.

Richelieu dirige un État qui devient très puissant sous son influence, qui lui survivra et sera un élément fondamental de la monarchie absolue à partir de Louis XIII. De manière générale, le Cardinal est considéré comme l’un des fondateurs de l’État moderne.

Dans le champ du renseignement, il laisse, à sa mort le 4 décembre 1642, un service secret structuré, opérationnel et de grande valeur pour la France. Avec la mise en place de réseaux d’espionnage, l’installation d’une diplomatie secrète et d’agents d’influence, le contre-espionnage actif, la surveillance organisée des frontières, le contrôle des courriers ou encore le bureau du chiffre, nul doute que Richelieu a posé nombre d’éléments du renseignement moderne.

Olivier Brun

Extrait de "Dictionnaire du renseignement" d'Hugues Moutouh et Jérôme Poirot, aux éditions Perrin

"Dictionnaire du renseignement" d'Hugues Moutouh et Jérôme Poirot

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