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Sidaction : pourquoi un vaccin même imparfait améliorerait déjà beaucoup la situation
©Reuters

Santé

Les vaccins mis à l'étude pour lutter contre le sida se sont pour l'instant tous avérés être des échecs, ou du moins n'ont pas les vertus curatives, mais restent protecteurs, comme dans le cas du RV144 développé par un laboratoire thaïlandais ou le HVTN702 conçu par des chercheurs sud-africains.

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Les vaccins mis à l'étude pour lutter contre le sida se sont pour l'instant tous avérés être des échecs, ou du moins n'ont pas les vertus curatives, mais restent protecteurs, comme dans le cas du RV144 développé par un laboratoire thaïlandais ou le HVTN702 conçu par des chercheurs sud-africains. Mais on semble tarder, par précaution (ou autres raisons), et les prévisions parlent pour l'instant de possibles vaccins en 2020 ou 2021. Faut-il penser qu'un vaccin imparfait serait mieux que l'absence de vaccin telle que nous la connaissons aujourd'hui ?

Stéphane Gayet : L’infection par le virus VIH est l’infection virale qui est sans aucun doute la plus complexe et la plus difficile à combattre. Elle met les chercheurs en échec étant donné que l’on ne sait toujours pas la guérir actuellement.
Il est utile de rappeler les données chiffrées : 37 millions de personnes vivent aujourd’hui dans le monde en étant infectées par le virus VIH. Il n’existe ni vaccin, ni traitement curatif, mais seulement un traitement inhibiteur. Ce traitement inhibiteur ou trithérapie est l’association de trois médicaments antirétroviraux qui inhibent la réplication du virus VIH sans l’éliminer. Ce traitement doit être poursuivi toute la vie, car si on l’arrête, on constate un rebond de l’infection virale dans les deux à huit semaines qui suivent cet arrêt. En effet, le virus reste latent dans plusieurs réservoirs viraux qui se constituent très tôt après le début de l’infection et que le traitement est incapable d’éradiquer. On les trouve dans la moelle osseuse hématogène, les ganglions lymphatiques et autres organes immunitaires, l’intestin, le système nerveux central et même les organes génitaux. Ces réservoirs de virus sont le siège d’une inflammation chronique.
Or, sur les 37 millions de personnes infectées par le virus VIH dans le monde, seulement 15 millions sont sous traitement antiviral triple, ce qui représente 40 % des sujets qui nécessiteraient d’être traités. En effet, le sida est une épidémie mondiale (pandémie) et trop peu de pays ont une couverture thérapeutique d’au moins 80 % des personnes infectées (ce qui est le strict minimum nécessaire pour espérer contrôler la pandémie). On estime ainsi que, pour cinq nouveaux cas d’infection par le virus VIH dans le monde, seulement trois personnes commencent un nouveau traitement antiviral efficace.
Non seulement le coût de la trithérapie antirétrovirale est important financièrement (traitement non curatif : à prendre à vie), mais les effets secondaires gênants ne sont pas rares, obligeant alors à un changement de combinaison thérapeutique ; de plus, un petit nombre de personnes traitées développent des « comorbidités non sidéennes », telles que des cancers ou des pathologies de la personne âgée.
Il est également utile de rappeler ce que l’on appelle un vaccin : c’est une préparation antigénique qui est administrée, soit en prévention primaire (vaccin préventif : vaccin « vrai »), c’est-à-dire avant le premier contact avec l’agent infectieux ; soit en prévention secondaire (vaccin « thérapeutique »), c’est-à-dire après le premier contact avec l’agent infectieux et donc après le début de l’infection. Il faut préciser que la très grande majorité des vaccins utilisés en médecine sont des vaccins préventifs (« vrais » vaccins).
La PrEP n’est pas un vaccin, mais une chimioprophylaxie antirétrovirale, comparable à celle que l’on prend pour se protéger du paludisme (http://www.atlantico.fr/node/2015504). Cela fait des décennies qu’on nous annonce un vaccin contre le VIH, avant de déchanter. Car le virus VIH (en réalité, les virus VIH) est un véritable virus antivaccin : il s’attaque au système immunitaire qui est justement celui sur lequel une vaccination s’appuie et il change sans cesse, ce qui ne permet pas d’avoir une cible antigénique précise. De fait, l’essai de vaccination mené en Thaïlande et appelé RV144 n’a entraîné qu’une réduction de 30 % des infections à VIH après plusieurs années, ce qui est un échec. Deux autres essais sont en cours : l’essai HVTN702 mené en Afrique du Sud (résultats attendus en 2021). Cet essai prend en compte les résultats obtenus avec l’essai RV144 et son échec. Le deuxième essai en cours est mené dans cinq pays de la partie sud du continent africain (Afrique australe). Il est appelé HVTN705-HPX2008 ou « Imbokodo ». Il est différent des deux précédents, car il utilise, non pas une souche de virus VIH locale, mais une mosaïque antigénique fabriquée en laboratoire à partir de plusieurs souches, ce qui est une innovation.
Toutefois, on commence sérieusement à douter que la victoire contre le virus VIH soit de nature vaccinale à proprement parler, pour les raisons évoquées. Un vaccin considéré aujourd’hui comme efficace doit avoir un taux d’efficacité d’au moins 65 à 70 %. Un vaccin efficace à 30 % ne peut pas être utilisé, et cela pour de multiples raisons. Certains scientifiques pensent cependant qu’une efficacité de 55 ou même de 50 % serait déjà bonne à prendre. Il faut savoir que le vaccin thaïlandais RV144 avait commencé avec une efficacité de 60 %, mais qu’elle a chuté à 30 % dès la deuxième année. Les avis sont bien sûr partagés, mais les personnes qui estiment que l’on pourrait utiliser à grande échelle un vaccin efficace à seulement 50 % contre le virus VIH sont en nette minorité, sachant que ce taux d’efficacité risque fort de baisser avec le temps comme dans le cas thaïlandais.

Quelles sont les conditions sine qua non pour qu'un tel vaccin soit acceptable ?
Les vaccins sont aujourd’hui des médicaments sur la sellette. Dans les pays industrialisés et tout spécialement en France, ils sont stigmatisés et dénigrés, à tel point que des mouvements antivaccins puissants et dynamiques se sont constitués. On reproche aux vaccins un manque d’efficacité et des effets secondaires gênants et même graves. Mais on va aussi jusqu’à remettre en question l’intérêt même de la vaccination.
Dans les pays en développement, les problèmes posés sont différents. La qualité de la fabrication des vaccins et les conditions de leur transport et leur stockage sont discutées. Il existe aussi des produits contrefaits, parfois totalement inefficaces. La traçabilité des administrations vaccinales et le suivi des populations vaccinées sont de plus difficiles et de qualité incertaine.
Toujours est-il que l’on attend aujourd’hui d’un vaccin un taux d’efficacité supérieur à 70 %, un rapport bénéfice sur risques très favorable, une bonne stabilité physico-chimique, une commodité et une sûreté d’administration, ainsi qu’une efficacité prolongée dans le temps. Aucun candidat vaccin anti VIH n’a jusqu’ici répondu à ces critères. Mais attendons les résultats des deux études en cours. Faudra-t-il faire une exception en matière de vaccin anti VIH, c’est-à-dire être moins exigeant qu’avec les autres vaccins antiviraux ? Ce n’est pas du tout certain. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) est fort prudente et vraiment évasive au sujet d’éventuels vaccins contre le sida.
Mais nous disposons actuellement d’outils médicamenteux (non vaccinaux) efficaces : la trithérapie antirétrovirale pour les personnes infectées (à prendre à vie), la PrEP pour les personnes non infectées, mais à risque de contamination (à prendre pendant une période variable) et le TasP pour les personnes infectées risquant de contaminer d’autres personnes (période variable également). Aucun de ces trois traitements n’est un vaccin à proprement parler : ce sont des chimiothérapies antivirales.
3. Qu'en est-il des vaccins thérapeutiques ? Quels avenirs ont-ils ?
La vaccination thérapeutique - au contraire des chimiothérapies antivirales - stimule la réponse immunitaire à l’infection virale : c’est une vaccination authentique, car elle cible le système immunitaire. Des résultats prometteurs ont été obtenus chez l'animal et chez l'homme. On a utilisé chez l’homme un virus vecteur d’antigènes, en l’occurrence un cytomégalovirus (CMV), pour préparer un vaccin anti VIH : c’est ce virus CMV (virus très peu pathogène) qui va apporter aux cellules immunitaires les antigènes utiles du virus VIH. On a, de cette façon, réussi à induire la formation, la multiplication et la stimulation de cellules lymphocytaires spécifiques de type T CD 8 « effectrices », c’est-à-dire des cellules actives dans la défense immunitaire. Elles ont permis de réduire le nombre de cellules réservoirs de virus VIH (cellules qui sont le siège de la latence virale). Car il faut détruire les cellules réservoirs de virus pour détruire les virus. Mais cette thérapeutique ne fonctionne qu’à la condition que ledit vaccin thérapeutique soit administré assez tôt après le début de l’infection par le virus VIH. Toujours est-il que ces vaccins thérapeutiques ont donc un intérêt certain.
Dans le même ordre d’idées, on a également obtenu des succès thérapeutiques avec des anticorps neutralisants bispécifiques qui détruisent les cellules sièges d’une infection virale VIH latente, ainsi qu’avec des anticorps neutralisants à large spectre (poly-spécifiques) qui inhibent les virus circulant dans le sang (virémie).
Ainsi, les traitements de demain contre le virus VIH seront nécessairement des traitements combinés : ils associeront plusieurs outils thérapeutiques, étant donné la complexité du virus et de son infection. Il s’agira probablement d’agents d’inversion de la latence virale (LRA), de vaccination thérapeutique, d’immunothérapie, voire de thérapie génique. C’est dire que le combat contre le virus VIH sera encore long. Et quelle sera la place de la vaccination dans ce combat : probablement pas prépondérante. Mais qui sait ? On n’a pas fini de parler de recherche en matière d’infection à virus VIH.

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