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Misophonie : si vous faites partie de ceux qui ne supportent pas les bruits de mastication, de respiration ou autres sons du quotidien, la science comprend désormais pourquoi
©Pixabay

Glurps

Une étude menée par des chercheurs de l'université de Newcastle s'est intéressée à ce que l'on appelle communément la "misophonie", soit l'énervement que produirait chez des individus certains sons (dont les bruits de mastication par exemple).

Philippe Vernier

Philippe Vernier

Philippe Vernier est Directeur de Recherche au Centre national de la recherche scientifique, et est le directeur de l’Institut des Neurosciences Paris-Saclay (CNRS Université Paris Sud).
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Une étude menée par des chercheurs de l'université de Newcastle s'est intéressée à ce que l'on appelle communément la "misophonie", soit l'énervement que produirait chez des individus certains sons (dont les bruits de mastication par exemple). Les chercheurs ont demandé à une quarantaine de personnes d'écouter divers sons, dont des bruits de mastication et de respiration forte, et se sont aperçus que, chez les sujets atteints de misophonie, les mêmes zones cérébrales s'activaient et l'on observait un emballement de l'activité cérébrale dans le lobe frontal et le cortex insulaire antérieur. Que contrôlent  ces zones dans le cerveau et quel lien établir entre l'activation de ces zones et la sensation d'énervement ?

  1. Philippe VernierCette étude est la première qui montre quelles sont les anomalies du fonctionnement cérébral associées à la pathologie misophonique. Elle a permis d’impliquer en premier lieu une hyperactivation du cortex insulaire inférieur - la région cérébrale qui nous permet d’orienter notre attention vers les évènements -, les stimuli qui surviennent dans notre environnement et qui sont les plus importants à considérer pour que nous puissions réagir de façon appropriée. Cette région du cerveau est aussi importante dans l’appréciation de nos sensations internes, de nos pensées quand elles sont tournées vers nous mêmes. 

Les auteurs de l’étude montrent aussi que, chez les patients misophoniques, le cortex insulaire inférieur est fortement connecté au cortex préfrontal médian, qui joue un rôle central dans la prise en compte du contexte des évènements vécus, sur la qualité bonne ou mauvaise que nous leur accordons (la valeur émotionnelle), et sur les réponses qu’il faut y apporter, ce que l’on appelle la prise de décision. Ainsi, les personnes victimes de misophonie ont une valeur très négative aux sons qui déclenchent leur réaction de rejet, de dégoût ou de colère, parce qu’ils sont interprétés comme étant dérangeants, agressifs, alors que ce même contexte sera perçu comme tout à fait neutre par une personne normale. 


Quel est l'intérêt concret de cette découverte ?

Ce travail est important parce qu’il est le premier à fournir les bases cérébrales précises, un fondement objectif, à un trouble souvent considéré comme une simple « manie » désagréable de la part des personnes qui en sont victimes. Il permet de montrer clairement que la misophonie est une maladie neuro-psychiatrique associée à des anomalies cérébrales identifiées et qui se développent probablement très tôt au cours de la vie des personnes misophoniques. Cette étude est donc très importante pour que cette maladie soit reconnue à sa juste place et que les patients misophoniques ne soient pas considérés comme des personnes désagréables ou présentant des lubies irrationnelles. 

Est-ce que cela ouvre des pistes de recherche à terme pour soigner cette pathologie ? Quelles pourraient être les pistes à l'étude qui permettraient d'atténuer cette anomalie cérébrale ?   

L’étude publiée par ces chercheurs anglais tend à montrer qu’il existe une anomalie dans la façon dont certaines structures cérébrales sont connectées les unes aux autres. Il s’agit très certainement d’un trouble qui se met en place très tôt au cours de la vie, mais on ne sait pas si c’est le symptôme d’un trouble plus général de l’attention à soi-même, ou si le trouble est restreint à la réponse à certains sons. A l’heure actuelle, il n’y a malheureusement pas vraiment de piste pour soigner les troubles misophoniques, en dehors d’une prise en charge psychologique et de thérapies comportementales classiques pour essayer d’atténuer l’effet des sons qui déclenchent la réaction aversive. Cette pathologie est souvent méconnue des médecins et même des psychiatres, et il est important que la misophonie soit effectivement reconnue comme une maladie, pour que les personnes qui en sont victimes puissent être correctement prises en charge. 

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