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Avec l’explosion de l’assistance vocale, il n’y a pas que la SNCF ou Siri qui vont devoir trouver leur voix
©REUTERS/Robert Galbraith

Défi

C’est l’une des tendances majeures des nouvelles technologies, révélée lors du dernier Consumer Electronic Show de Las Vegas : l’avènement des assistants vocaux.

Michaël Boumendil

Michaël Boumendil

Michaël Boumendil est à la fois l’un des meilleurs spécialistes français de la marque et l’un des créateurs de musique les plus diffusés de France.

On lui doit notamment la signature musicale de la SNCF, celle de Castorama ou d’Aéroport de Paris.

A l’étranger, on le connait pour son travail pour Coca-Cola ou comme compositeur de la célèbre musique des téléphones Samsung.

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Le directeur de la recherche-marchés de la Consumer Technology Association (CTA), Steve Koenig, a expliqué à Las Vegas que le marché de la commande vocale n’était pas seulement en hausse, mais en pleine « explosion ». Quelle est l’ampleur exacte du phénomène ?

Mickael Boumendil : Dans le monde des applications et de l’interaction entre la marque et ses clients, la prochaine révolution - déjà entamée - sera bien vocale. La voie tracée par Amazon, Google ou Apple ne laisse planer aucun doute : météo, comptes bancaires ou menu sushi seront bientôt consultés et commandés à la voix. Et le succès d’Alexa ou de Google Home est avant tout le succès de la relation audio. L’Association américaine CTA prévoit que 43,6 millions d'enceintes connectées seront vendues aux Etats-Unis cette année, soit une progression de 60% par rapport à 2017 et ainsi atteindre un chiffre d’affaires de 3,8 milliards de dollars.

Sur la seule côte ouest des Etats-Unis, plus de 6 000 applications ont d’ores-et-déjà engagé des développements informatiques visant à intégrer une assistance vocale. La tendance est identique en France. Il faut dire qu’il est simple de constater combien les interactions par le biais d’un échange audio sont fluides et évidentes : Besoin de vérifier une recette de cuisine ou de connaitre un itinéraire ? Il suffit de poser la question à haute voix.

En quoi ces innovations concernent-elles les marques et leur identité ?

Toutes ces applications sont très enthousiasmantes pour les marques, mais ces dernières ont tout intérêt à ne pas se laisser enivrer par ces innovations et du même coup passer à côté du véritable enjeu de ces interactions vocales. Bien sûr, il est essentiel de travailler les aspects fonctionnels telles l’audibilité et l’intelligibilité de la voix, la fluidité de l’expression et la pertinence du vocabulaire choisi par l’intelligence artificielle pour répondre au consommateur. Mais ces paramètres, s’ils sont essentiels, sont tout à fait insuffisants. Demain, la voix de l’assistant vocal de la marque deviendra un marqueur stratégique, identitaire et donc durable. En réalité, la question qui se pose dés aujourd’hui est celle de l’identité vocale de la marque – et elle pourrait rapidement prendre le pas sur son identité visuelle.

Dans les années 80 et 90, les marques ont développé des serveurs vocaux interactifs tous azimuts. Pas une marque sans un habillage téléphonique, mais toutes ressassant les Quatre Saisons de Vivaldi ou l’Adagio d’Albinoni. Résultat : une perception globalement négative qui a fini par nuir à la fidélisation des consommateurs – alors que c’était bien l’objectif de ces supports. Pour lutter contre ce problème, rien n’a alors été aussi efficace que les travaux visant à doter la marque d’une empreinte audio différente, d’une identité sonore, d’un territoire musical qui échappait à la banalité et ramenait l’auditeur au territoire où elle était légitime. Et bien sur à trouver la voie qui marché avec ces éléments.

Comment expliquez-vous cette importance de la relation via une simple voix, à fortiori quand il s’agit de la  voix d’une machine ?

Les neurosciences nous montrent que lorsqu’il écoute Siri, l’assistant vocal qui équipe les Iphones d’Apple, l’utilisateur ne peut s’empêcher de projeter sur le drôle de personnage « un état mental ». Le ton de la voix de Siri, son timbre, son élocution rassemblent des données que l’utilisateur interprète émotionnellement. L’application crée alors une interaction homme-machine tout à fait particulière, où les sensations et l’affect ont au moins autant d’importance que les informations cartésiennes fournies par l’intelligence artificielle du logiciel. Les neurosciences nous apprennent ainsi que la prosodie (la production vocale d’où naissent le ton, la modulation, la durée et le rythme des sons) d’une voix, fusse-t-elle celle d’une machine, n’est jamais du seul registre fonctionnel, mais laisse aussi une empreinte émotionnelle.

Aujourd’hui, la voix d’Alexa, l’assistant vocal développé par le géant Amazon, est assez synthétique et sans grande personnalité... Peu importe : elle est quasiment seule sur le marché. Mais dans peu de temps, elles seront des milliers. Dans la confusion et la pollution vocale, les marques qui gagneront la bataille de l’attention et de l’engagement seront celles qui auront trouvé LEUR voix.

Le timbre dont elles se doteront deviendra identitaire. La diction, le rythme et pourquoi pas l’accent, deviendront leur signature. Ce que cette voix projettera sur la marque sera finalement, pour celui qui l’entendra, la meilleure façon de comprendre qui elle est et quelles sont ses intentions.

Concrètement, comment les marques devraient-elles, selon vous, utiliser la voix pour « renforcer leur identité » ?

Le défi de l’identité grâce à la voix est excitant, mais le risque de devenir inaudible dans la cacophonie est tout aussi grand. L’assistant vocal va devenir pour les marques un signe indispensable de leur identité, à condition de savoir ne pas parler de la même voix et que chaque marque trouve la sienne pour murmurer à l’oreille de ses clients.

Il va falloir aux marques comprendre que dans ce monde de plus en plus sonore, leur voix pourrait devenir leur meilleur - ou leur pire - ambassadeur. Concrètement, une bonne identité vocale est celle qui interagit intelligemment avec les autres outils identitaires, et en premier lieu avec l’identité sonore. C’est avec cette dernière que les interactions seront les plus fortes. Nous savons aujourd’hui mesurer ces synergies et optimiser les complémentarités. Si demain la signature musicale d‘une marque trouve un prolongement pertinent et enrichissant dans la voix qu’elle aura adoptée, sa puissance pourrait en être décuplée et sa capacité d’émergence et son empreinte mémorielle considérablement amplifiée.

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