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Avis aux angoissés des achats de Noël : cadeaux surprise ou pas ? Voilà ce que disent les études scientifiques sur ceux qui font le plus plaisir
©Flickr / ahenobarbus

Bons conseils

Noël s'approche à grand pas, mais comme chaque année nous auront probablement tous tendance à acheter les cadeaux à la dernière minute. Pas de panique, voici quelques conseils qui vous aideront à vous décider plus efficacement.

Jean-Michel   Fourcade

Jean-Michel Fourcade

Jean-Michel Fourcade est docteur en psychologie clinique. Il est président de l'Association Fédérative Française des Organismes de Psychothérapie (AFFOP) et directeur de la Nouvelle Faculté Libre - NFL - Formation en psychothérapie intégrative.

il est l'auteur de plusieurs livres, dont "Les bio-scénarios, clés énergétiques du corps et de l'esprit" (2007).

Voir la bio »

Atlantico : Alors que le mois de décembre est synonyme de recherches d'idées de cadeaux pour les fêtes, plusieurs études montrent qu'il existe un décalage entre les attentes des "donateurs" et des "donataires". Ainsi, il apparaîtrait que la notion de surprise serait surestimée par les donateurs qui penseraient faire autant plaisir qu'avec un cadeau explicitement "commandé". Comment expliquer un tel décalage, et comment expliquer cette tendance des donateurs à toujours vouloir faire "plus" ?

Jean-Michel Fourcade : Le comportement du donateur suit un certain nombre de règles :

•      le meilleur cadeau est celui qui surprendra le donataire. En cela il confirme les recherches sur « comment vous rendre inoubliable » que nous avons évoquées il y a peu.

•      un cadeau doit tenir compte des goûts de celui qui le recevra mais ne pas lui poser de questions sur ses goûts montre qu’on les connait et qu’on lui porte un véritable intérêt

•      quand on fait un cadeau il doit avoir une valeur financière approximativement équivalente à celle des cadeaux déjà reçu de la personne à qui on fait le cadeau

•      on n’offre pas de l’argent

•      il vaut mieux faire un cadeau que l’on peut remettre matériellement

à celui à qui on le destine plutôt qu’un cadeau dont la réalisation se fera à un autre moment et ailleurs (concert, billets pour la visite d’une exposition, voyage)

De la même façon le comportement du donataire doit lui aussi respecter un certain nombre de règles :

•      on ne demande pas

•      on ouvre le paquet du cadeau en présence de celui que vous fait un cadeau, on apprécie toujours le cadeau que l’on vous fait et on remercie chaleureusement

•      le cadeau que l’on fera en retour – éventuellement dans d’autres circonstances - devra avoir la même valeur financière approximative.

Depuis l’Essai sur le don de Marcel MAUSS nous savons que les cadeaux  entrent dans un circuit d’échanges entre les individus ou les groupes et qu’ils se font selon des règles précises portant autant sur leur valeur économique que sur leur valeur symbolique. La langue anglaise qui fait correspondre aux français « offrir un cadeau » les mots « gift exchange » est immédiatement consciente l’aspect sociologique qu’ont les règles qui organisent l’échange des cadeaux.

Les règles qui s’imposent aux donateurs comme aux donataires telles que nous venons de les décrire sont analysées par les chercheurs américains de Carnegie Mellon University et d’Indiana University comme existantes dans l’ensemble de la population des donneurs et des donateurs.

En réalité l’examen de ces règles montre qu’elles sont issues des règles de conduite de la société  aristocratique européenne :

•      les relations fondées sur le code de l’honneur obligent à ne pas humilier en donnant un cadeau d’une valeur supérieure économiquement à celui que l’on a reçu. Cette règle est l’inverse de la règle qui organise les échanges de cadeaux dans le Potlatch des tribus nord-américaines où l’on devait donner toujours plus que ce que l’on avait reçu

•      dans le monde aristocratique on ne fait pas des échanges d’argent

•      les rapports entre les individus doivent être conformes à des règles et non à des sentiments

Les recherches montrent que l’utilité dans le durée du cadeau qu’il a reçu est l’élément principal de satisfaction chez le  donataire. Cet « utilitarisme » est caractéristique d’une société dominée par les valeurs de l’idéologie et de la pratique de la philosophie libérale du XIXe siècle. Les comportements qui en résultent jusque dans notre vie quotidienne la plus intime (amitié et cadeau) nous paraissent universels et naturels. Alors que, en quelque sorte, les donateurs suivent des règles aristocratiques tandis que les donataires ont des comportements utilitaristes (le plaisir est dans l’utilité, dit BENTHAM)

Peut-on en déduire que la recherche absolue de la surprise par les donateurs ressemble plus à une volonté de reconnaissance qu'à une volonté de faire plaisir au donataire ?

Ily a un peu des deux. La volonté de reconnaissance correspond à l’envie d’être celui qui fait le meilleur des cadeaux que reçoit le donataire. Comme je viens de le décrire, la volonté de faire plaisir existe chez le donateur mais les critères sur lesquels est évalué le plaisir ne sont pas les mêmes chez le donateur qui retient les critères de type aristocratique et chez le donataire pour qui le plaisir est dans l’utilité.

Donc si on vous propose de vous faire un cadeau, demandez seulement et clairement la chose dont vous avez envie au lieu d’entrer dans les négociations tortueuses de la bienséance aristocratique.

Si vous voulez faire un cadeau à quelqu’un demandez-lui ce qu’il aurait aimé s’acheter pour lui-même ; ne jouez pas à l’expert psychologue qui sait mieux que l’autre ce qui va lui faire plaisir ; ainsi vous vous épargnerez, lorsque l’heureux bénéficiaire de votre inoubliable cadeau l’ouvrira en votre présence, ses réactions de déception, de colère retenue ou de souriante et fausse satisfaction. 

Quels sont les autres biais pouvant toucher ce moment de l'échange des cadeaux ? Quels sont les comportements les plus fréquents, qui pourraient nous échapper, et pouvant révéler des intentions différentes de celles qui sont affichées ? 

Si les règles qui organisent les échanges de cadeaux sont principalement d’ordre sociologique, il est aussi intéressant d’examiner le cadeau du point de vue de la personnalité de celui qui offre et de celui qui reçoit.

Cela nous fait entrer dans les types de personnalités, depuis les comédies de PLAUTE, en passant par les Caractères de LA BRUYERE, jusqu’aux travaux sur la caractérologie de FREUD et, plus récents, de BERGERET.

L’avare dira : « je te fais cadeau de la moitié de ma pomme » et le prodigue « est-ce que la moitié de mes économies te ferait plaisir ». La personnalité orale vous demandera de lui prouver votre amour en prenant en charge les frais de voyage en plus de ses frais de séjour, tandis que la personnalité paranoïaque s’efforcera de cacher qu’elle se demande ce que vous voulez lui prendre lorsque vous lui faites un cadeau.

Une histoire de cadeaux

 Dans la petite ville de province où habitaient mes parents je voyais chaque année au moment du 1er janvier les familles de la bourgeoisie, principalement des professions libérales (médecins, avocats, notaires, experts-comptables etc.) s’adresser les uns les autres des cadeaux ayant une double fonction amicale et professionnelle, sous forme de boîtes de chocolat. Tout au long de la journée du 1er janvier les livreurs venus des trois confiseurs de la ville sonnaient chez les uns et les autres pour livrer la boîte de chocolat que Monsieur et Madame X offraient à Monsieur et Madame Y.

Chaque famille recevait ainsi une dizaine ou plus de ces boîtes et en expédiait à son tour par porteur privé une dizaine ou plus à de familles « amies ». Le stock des boîtes reçues servait à fournir les boîtes expédiées, et donc en réalité, réexpédiées. Même si les enfants s’opposaient à la réexpédition totale des boîtes, la plupart d’entre elles faisait dans la journée du 1er janvier le tour de la ville.

Comme les boîtes proposées par les confiseurs avaient une diversité relative, il arrivait que ma mère s’exclame en recevant la nième boîte de chocolat du 1er janvier : « mais cette boîte est celle que j’ai adressée ce matin à Madame Untel ! » Les enfants en concluaient de cette boite devait rester à la maison pour être mangée…

Ce rite social de la bourgeoisie française est de même nature que la circulation des coquillages-cadeaux dans les îles d’Océanie.

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