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"Don Carlos" : Fermez les yeux, vous serez au nirvana...
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Attendu comme l'un des grands événements culturels de l'année, le "Don Carlos", proposé à l'Opéra de Paris-Bastille, est desservi par sa mise en scène et sa scénographie mais il est heureusement repêché par une distribution et une direction musicale exceptionnelles. Alors, il suffit de se laisser porter sans trop regarder...

Dominique Poncet pour Culture-Tops

Dominique Poncet pour Culture-Tops

Dominique Poncet est chroniqueuse pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).
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OPERA
« DON CARLOS » 
DE GIUSEPPE VERDI 
MISE EN SCENE: KRZYSZTOF WARLIKOWSKI 
A L’OPERA DE PARIS- BASTILLE
INFO & RESERVATIONS
OPERA DE PARIS
PLACE DE LA BASTILLE
75012 –Paris
Tel : 0892289090
www.operadeparis.fr
En alternance jusqu’au  11 novembre
RECOMMANDATION : EXCELLENT
THEME
Créé en français  à Paris en 1867, d’après la tragédie éponyme de Schiller, Don Carlos est l’opéra le plus monumental de Verdi. Joué, comme ici, dans l’intégralité de ses cinq actes, il dure plus de quatre heures.
Son histoire se situe dans l’Espagne du XVIème siècle, écrasée sous le joug de l’Inquisition. Le roi Philippe II vient de monter sur le trône, mais sans le panache  et la hauteur de vue de son père, Charles Quint. Pour faire la paix avec la France, il a consenti à ce que son fils, Don Carlos, épouse Elisabeth de France, la fille de Henri II. Les deux jeunes gens  se rencontrent et tombent amoureux. 
Mais, par une étrange et injuste volte face, Philippe II décide d’épouser lui-même la belle Elisabeth. La tragédie est en place, qui va s’amplifier  par l’intrusion de la politique et des jeux de pouvoir  dans cette affaire de cœur.  
Passionnelles, religieuses, politiques…Des batailles de tous ordres vont faire rage. Carlos mourra; son meilleur ami, Posa aussi.
Sur scène,  outre à un drame d’amour, on aura assisté, par un jeu d’arrière-plans, à un épisode  terrible de l’Histoire d’Espagne, celui de la répression sanglante de la Flandre qui, attirée par le protestantisme, s’était révoltée contre son très catholique  pays souverain.
POINTS FORTS
- L’œuvre d’abord. Pour cette fresque titanesque et spectaculaire, qui, sur fond d’intolérance religieuse,  mêle raison d’Etat, dérèglements du cœur, amitié et  trahisons en tous genres.
Verdi a composé une musique sans précédent dans son œuvre. Une musique certes, dans sa manière habituelle, riche, variée, somptueuse, mais ici, en plus, et pour la première fois, sombre, sépulcrale même, qui semble avant tout  « dictée par le religieux », selon l’expression du chef Philippe  Jordan. Quelle splendide et impressionnante partition !
- L’événement de ce Don Carlos est qu’il est donné en français, dans sa version initiale, montée très rarement pour  des questions de durée. C’est d’ailleurs une version  qui n’existe pratiquement pas en CD, puisque la plupart des chefs l’ont enregistrée en italien, amputée de son acte un.
- A production exceptionnelle, distribution sensationnelle. L’Opéra de Paris n’a pas lésiné, qui a convoqué sur son plateau les plus brillants interprètes du moment. Et d’abord, dans le rôle titre, le plus grand des ténors actuels, Jonas Kaufman. S’il se ménage un peu, sans doute à cause de ses récents problèmes de cordes vocales, le chanteur allemand reste d’une  musicalité et d’une subtilité de jeu sans partage.  
Face à lui, la soprano bulgare Sonya Yoncheva campe une superbe Elisabeth. Timbre somptueux, aigus magnifiques, elle met la salle à ses pieds, à l’instar d’ailleurs du français  Ludovic Tézier. Il faut dire que dans son personnage de Posa, le baryton, projection impeccable, présence scénique forte et phrasé parfait, mérite tous les éloges. Avec sa belle ligne de chant, le Philippe II d’Ildar Abdrazakov prend aussi sa part de succès, tout comme la Princesse Eboli de la mezzo Elina Garanča dont la tessiture impressionnante n’a sans doute pas fini d’enthousiasmer les publics.
-Autre grand triomphateur de la soirée, le chef, Philippe Jourdan. Sa baguette, toute en souplesse, clarté, grâce, fluidité  et précision tire  le meilleur de l’orchestre, des chanteurs et des chœurs.  C’est sans aucun doute l’un des meilleurs directeurs musicaux actuels.
POINTS FAIBLES
En ce qui concerne  la mise en scène et la scénographie, quelle déception !
Dans un décor laid et glacial, de bois  pour son fond et ses côtés, de métal pour la cage mobile qui va servir successivement de cachette, de  prison et  de salle d’escrime ( On se demande pourquoi, ici, des escrimeuses !),  le polonais Krzyztof Warlikowski  a conçu une mise en scène sans audace, qui va sans cesse à contre sens de ce qui est écrit dans le livret. Et quelle froideur  pour une œuvre aussi tumultueuse !  Sa vision n’est même pas transgressive, ce qui, au deuxième  degré, aurait pu réjouir les amateurs, elle est seulement inexistante, vaine et triste. Sa direction des chanteurs suit le mouvement : elle est d’une platitude inimaginable, venant d’un metteur en scène qui méritait, il n’y a pas si longtemps, qu’on le porte aux nues.
EN DEUX MOTS
Depuis que ce Don Carlos avait été programmé dans cette version française si rarement donnée, et avec cette distribution  rassemblant le meilleur du chant lyrique, ce spectacle était annoncé  comme un événement, non seulement français, mais international.  Le patron de l’Opéra de Paris, Stéphane Lissner, peut respirer. Porté par des interprètes hors catégories, un orchestre au plus haut de sa somptuosité et aussi des chœurs  au meilleur de leurs voix,  ce spectacle comble, comme  c’était attendu, les oreilles  des mélomanes. Alors, au diable le décor et la mise en scène ! Pour atteindre le nirvana, il suffit de fermer les yeux et de se laisser porter.
UN EXTRAIT
« Drame politique mêlé à un drame amoureux sur fond de drame religieux, interrogation sur le pouvoir et la figure du père, l’intrigue de Don Carlos s ‘ouvre sur une dimension métaphysique inhabituelle tout en manipulant les codes, les thèmes et les scènes-types du genre : arrière-plan et personnages historiques, fastes de la représentation, fanatisme religieux…décors et costumes magnifiques où la réalité reconstituée dépasse le merveilleux » ( Hervé Lacombe, musicologue).
LE COMPOSITEUR
Né le 10 octobre 1810 à le Roncole (province de Parme) dans un milieu simple mais relativement aisé, Giuseppe Verdi est un musicien précoce. Il a tout juste onze ans quand on le nomme organiste de l’église de Busetto. Grâce à un négociant en spiritueux qui devient son mécène et dont il épousera plus tard la fille en première noce, il part approfondir ses études musicales à Milan. Il n’a pas vingt ans quand la Scala lui commande son premier opéra. Oberto lui vaut un succès qui l’encourage à persévérer  dans le lyrique, pour lequel, d’ailleurs il n’arrêtera plus de composer, exception faite de la période qu’il lui fallut pour surmonter l’épreuve de la disparition de sa femme et de leurs deux enfants. En 1842, son Nabucco, d’une véhémence vocale sans précédent, connaît un triomphe. On en donnera 65 représentations, un record absolu dans l’histoire de la Scala.
Après Attila et Macbeth, il se retrouve sans rival. En 1851, Rigoletto qui sera le premier volet de ce qu’on appellera  plus tard sa trilogie populaire (avec le Trouvère et la Traviata) assoiera encore sa notoriété, qui deviendra planétaire. Suivront , entre autres, Un Bal Masqué (1859), Don Carlos ( créé à Paris en 1867 ) , Aida (1871) et Falstaff ( 1893)..
Verdi, qui avait été élu député en1861, mourra à Milan le 27 janvier 1901, en léguant ses biens à la maison de retraite pour vieux musiciens qu’il avait fondé dans cette ville.

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