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La grande muraille digitale de Chine est en train de se refermer sur le web chinois
©Reuters

Internet

Après l'interdiction des VPN, le gouvernement chinois resserre encore l'étau autour du cyberespace dans le pays. Dès le 8 octobre, les créateurs et modérateurs de groupes, pages de discussion sur les réseaux sociaux pourront être tenu responsables pénalement des contenus qui seront publiés, discutés.

Rayna Stamboliyska

Rayna Stamboliyska

Experte en gestion des risques et des crises, Rayna Stamboliyska travaille avec des entreprises et organisations internationales pour les aider dans leur développement. Son travail et parcours sont intimement liés au numérique, ses enjeux et sa gouvernance, autant au niveau international qu’à celui de l’individu.

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Atlantico : Est-ce que le contrôle complet du cyberespace chinois est un objectif envisageable et atteignable pour le gouvernement ?

Rayna Stamboliyska : Pour comprendre l'évolution probable de ces mesures, il faut d'abord comprendre le contexte chinois en la matière.

Le cloisonnement de l'Internet chinois commence dès 1996 avec les premières mesures et s'installe en 1998, lorsque le  Ministère de la sécurité publique inaugure le projet Bouclier doré. Ce dernier est ce que l'on nomme aujourd'hui le Grand Pare-feu chinois, un jeu de mots subversif autour de la Grande muraille. L'objectif du dispositif est d'avoir un filtre, opérant ainsi une sélection de contenu et bloquant l'entrée sur le réseau national de tout ce qui est considéré sensible politiquement.

Le Grand Pare-feu chinois a donc commencé par bloquer les adresses IP et les noms de domaines, puis c'était le tour du blocage par mots-clés. Je m'avance peut-être, mais c'est cet ensemble de restrictions qui a apporté les VPN au grand public. Un VPN permet de faire passer votre trafic Internet dans une sorte de tunnel et permet par ex. d'avoir accès à votre intranet d'entreprise de chez vous lorsque vous télétravaillez. Effectivement, les VPN étaient surtout utilisés par les grandes entreprises pour s'assurer que le trafic Internet de leurs employés est protégé et ne risque pas l'interception par un acteur malveillant. Bien sûr, le Grand Pare-feu chinois s'est adapté à cette tactique aussi et a commencé à bloquer les VPN...

L'escalade a continué mais la bataille est techniquement gagnée. C'est pourquoi nous assistons à cette avalanche législative dont la loi à laquelle vous faites référence s'ajoute. Il s'agit ainsi de criminaliser des usages et de rendre légalement responsables les fournisseurs de services Internet et applicatifs au sens large.

Quels enjeux politiques (rôle des dénonciations de corruption etc.) ?

Les enjeux politiques sont clairs : contrôler le contenu qui est disponible à la consommation par l'internaute sur le territoire national chinois. Lors d'un récent sommet du Parti communiste chinois, la notion de "sécurité idéologique" est amplement discutée comme objectif principal. Et cette "sécurité" implique la main-mise sur les opérations de toutes sortes d'entreprises, locales et internationales avec une représentation légale en Chine, publiques aussi bien que privées. Celles-ci ne se limitent pas les fournisseurs d'accès Internet, mais touchent plein de startups. 

La nouvelle loi qui vient d'entrer en vigueur exige l'abandon total de l'anonymat individuel et renforce la responsabilité légale des entreprises, lesquelles deviennent pénalement responsables pour les agissements de leurs clients. On se assiste ainsi à une extension du Grand Pare-feu : il n'est plus seulement à niveau national, mais emmure aussi les individus.

Des entreprises comme Apple se sont inclinées devant les exigences du gouvernement (antithèse du positionnement de Google) / quel risque pour une propagation de mécanisme de censure dans d'autres pays "autoritaires" ?

Il n'y a pas qu'Apple, il y a aussi Amazon... Le problème est que, comme je le disais, le Parti contrôle tout ou presque ayant trait à Internet. Ainsi par ex., les développeurs sont obligés d'obtenir des licences préalablement à tout travail de création d'applications.

Quant au risque de propagation, il ne faut pas se leurrer : ce genre de contrôle, probablement en moindre mesure ou en tout cas, différemment, existe déjà ailleurs. Les monarchies du Golfe, l'Iran, etc. ne sont pas spécialement permissifs non plus. Comme je le disais plus haut, ces contrôles sont le résultat d'années d'efforts répressifs. J'imagine que beaucoup souhaitent aller en ce sens mais il faut également une rigueur et une main de fer qu'heureusement peu semblent maintenir sur le long terme et avec suffisamment de discernement et d'anticipation.

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