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Pourquoi il faut en finir avec la catastrophisme climatique (et en revenir à la raison)
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Réchauffement

Pour Jean Jouzel, climatologue et glaciologue français, le réchauffement climatique s'accompagnera de glissements d'incendies ravageurs, de coulées de boue destructrice... Une perspective effrayante que ne partagent pas tous les experts.

Frédéric Decker

Frédéric Decker

Météorologue - Climatologue à MeteoNews et Lameteo.org

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Atlantico : Vous déclarez que Jean Jouzel se trompe quand il dit avec un "catastrophisme démeusuré" que nous devons nous attendre à des inondation et des coulées de boue, des incendies ravageurs et des vagues de chaleurs faisant grimper le thermomètre entre 50 et 55 degrés. Pourquoi est-ce que cela est improbable scientifiquement selon vous ? Quelles sont les raisons qui vous poussent à penser le contraire ? Jean Jouzel n'essaye-t-il pas d'intéresser les gens à des problématiques qu'ils ignorent ? 

Frédéric Decker : Pas forcément qu’il se trompe, mais qu’il tombe dans l’excès, au même titre que le GIEC ou que Al Gore pour exprimer les effets du réchauffement climatique. Pour moi, il s’agit d’une grosse erreur de communication de sa part. Entendons-nous bien. Je ne nie pas le réchauffement climatique, bien au contraire. J’insiste sur le fait qu’il existe, qu’il est mesuré à l’échelle globale depuis une quarantaine d’années quasiment en continu (mais avec un net ralentissement sur ces 15-20 dernières années en dehors de 2015 et 2016 réchauffées par El Nino), et de façon discontinue depuis le début du 20e siècle, avec même une phase de rafraichissement, jamais mise en avant, de la fin des années 40 à la fin des années 70. Depuis, ça s’est réchauffé rapidement et fortement. Les quelques énergumènes qui pensent qu’il n’y a pas de réchauffement du tout vivent avec des oeillères…

Concernant les dires de Jean Jouzel, il n’a pas faux sur toute la ligne. Les inondations et coulées de boue notamment risquent encore de s’aggraver. Mais cela n’a rien à voir avec le « changement climatique » ou les gaz à effet de serre émis par l’homme. C’est à cause de l’homme : le bétonnage intensif des agglomérations un peu partout dans le monde aggrave forcément ces phénomènes, l’eau ou la boue ne pouvant plus s’infiltrer naturellement dans le sol. Idem avec les feux de forêts : outre les causes naturelles telles que la foudre, les causes humaines sont toujours plus nombreuses avec une démographie qui s’emballe : plus de monde pour plus de négligences (mégots ou allumettes jetées dans une végétation desséchée), plus de feux accidentels (étincelles émises par des machines agricoles par exemple) et bien évidemment plus de feux intentionnels, déclenchés par des pyromanes.

Climat, climatologie et météorologie sont des matières différentes, mais elles sont évidemment intimement liées. Les dires de Jean Jouzel me semblent improbables car la climatologie des 40 dernières années, et ce malgré une très nette et rapide hausse du thermomètre mondial, ne collent pas aux prédictions catastrophiques, ni même aux annonces faites à la fin des années 80 ou dans les années 90 pour aujourd’hui.

En dehors des inondations aggravées par le bétonnage, les phénomènes violents tels que les cyclones, les tempêtes ou encore les tornades n’augmentent pas en nombre dans le monde. Les statistiques sur 50 à 100 ans ne montrent pas de hausse particulière, mais quelques variations faiblardes à la hausse ou à la baisse. Les typhons sont plus nombreux dans notre monde réchauffé en Asie du Sud-est, le nombre de cyclones est plus ou moins stable dans l’Atlantique, en baisse dans l’océan Indien. Le nombre de tornades aux Etats-Unis est stable également. Les deux dernières années, très chaudes dans le monde, ont été étonnamment calmes dans ce domaine, notamment aux Etats-Unis, cible privilégiée des tornades.

Quant aux 50 à 55 degrés annoncés par Jean Jouzel chez nous en France dans un laps de temps aussi court (d’ici 30 à 60 ans seulement), cela ressemble plus à de la science fiction qu’à de la science. En dépit du réchauffement climatique, les extrêmes de températures varient peu. Bien sûr, des records de chaleur tombent plus souvent que des records de froid. Mais les extrêmes absolus finalement n’explosent pas comme le GIEC et même le « commun des mortels » pourrait l’imaginer. Les pics de froid sont un peu moins bas de nos jours, les pics de chaleur quant à eux sont plutôt stables, un peu à l’image de ceux des années 40 (décennie chaude) ou du début du siècle dernier ou encore de la fin du 19e siècle. Puisque Jean Jouzel parle de la France, un exemple concret : les 40 degrés restent difficilement atteignables sur le tiers nord, y compris à Paris. D’après les données météo de Météo-France, ce seuil a été atteint et légèrement dépassé en 1947 seulement (frôlé en 2003 et 2015), tandis que l’observatoire de Paris (bien avant Météo-France) avait vu le thermomètre atteindre ce seuil deux fois seulement, en 1720 et 1765. Avec un telle régularité sur 300 ans, il parait extrêmement peu probable que le record parisien prenne 10 degrés en seulement 30 à 60 ans.

Concernant cette problématique du climat à inculquer à la population, les présenter uniquement en tombant dans le catastrophisme comme l’a fait Jean Jouzel, c’est très anxiogène et largement exagéré dans un environnement déjà difficile dans d’autres domaines. Pourquoi en faire des tonnes en annonçant le pire, alors que les précédentes périodes chaudes de l’histoire ont plutôt apporté du mieux à l’être humain, que ce soit durant l’Optimum médiéval (entre 800 et 1300), durant l’âge de bronze… Même en admettant que le thermomètre grimpe de 2 degrés d’ici 2100, les effets ne seront pas que négatifs, loin de là. L’homme et la nature s’adapteront, comme ils l’ont toujours fait malgré des bouleversements climatiques parfois brutaux et importants. Notre mode de vie actuel, sédentaire et connecté risque peut-être de perturber ces adaptations futures, quels que soient les changements climatiques à venir. Accuser la population du réchauffement climatique, c’est un peu fort. Il y a en revanche d’autres problématiques environnementales à traiter de toute urgence, notamment en terme de pollution maritime, fluviale, terrestre, entre autres nombreux exemples, totalement indépendantes du phénomène de réchauffement climatique.

Vous évoquez le cas de Philippe Verdier, ancien présentateur de la météo sur France 2 qui a été évincé suite à la publication de son livre "Climat Investigation". La position du GIEC est-elle si fragile qu'il ne faut pas laisser s'exprimer ceux qui vont à son encontre ? Pour quelles autres raisons, toutes formes de débats sur le climat sont éludés en France ? Est-ce le cas à l'étranger ? 

La position du GIEC est claire et nette depuis maintenant près de 30 ans, depuis sa création. « Le monde se réchauffe, le réchauffement s’emballe, c’est une catastrophe ». Le GIEC a été créé en 1988 sous la pression de Margaret Thatcher et Ronald Reagan pour établir un consensus mondial sur l’expertise climatique. Déjà des enjeux politiques et économiques… Ce fut rapidement chose-faite… Ce consensus me parait aberrant, alors que la science appelle forcément au débat. Dans le cas du climat, c’est aujourd’hui impossible. Il y a d’un côté la « vérité absolue » du GIEC et les « mensonges » de tous les autres. Leur position est-elle fragile ? Non, pas jusqu’à présent puisque la phase de réchauffement se poursuit, malgré un net ralentissement depuis 15-20 ans en dehors du pic de chaleur de 2015 et 2016 sous El Nino.

On l’a vu, le livre de Philippe Verdier a dérangé jusqu’aux plus hautes sphères politiques françaises. Suite à cela et au fameux « connards » attribué aux climato-sceptiques par Nathalie Kosciusko-Morizet, une liste des climato-sceptiques aurait été « commandée » et réalisée pour leur interdire l’accès aux médias. Nous sommes pourtant dans le pays de la « liberté, égalité, fraternité » où l’on peut tout dire haut et fort. Cela ne s’attribue visiblement pas du tout à la science du climat.

Je ne suis sûr de rien et pas assez informé à ce sujet, mais cela doit être le cas également dans d’autres pays.

Cette phase de réchauffement peut-elle encore être réversible ? L'argument qui dit que le développement économique lié à l'essor de l'industrie dans les XIXe et XXe siècle qui a aggravé la phase de réchauffement climatique tient-il toujours ? 

Je n’ai pas la prétention de dire que je détiens la vérité, loin de là. Il y a énormément d’inconnues dans la machine climatique terrestre qui expliquent d’ailleurs les échecs des modèles climatiques du GIEC et d’ailleurs. Le ralentissement des 15 à 20 dernières années n’était absolument pas prévu. Heureusement que le phénomène El Nino a « sauvé les meubles » en quelque sorte pour le GIEC, permettant au réchauffement récent de redémarrer temporairement…

Je ne sais pas si le réchauffement actuel va perdurer ou non. Il peut se poursuivre, ou stagner comme en ce moment sous forme d’un « plateau ». Le thermomètre mondial pourrait même repartir à la baisse, en raison de phénomènes naturels complexes susceptibles de rafraîchir l’atmosphère, tels que l’activité solaire, irrégulière, des cycles océaniques complexes qui n’ont pas encore livré tous leurs secrets… sans compter d’éventuelles et imprévisibles éruptions volcaniques de très grande ampleur, pouvant faire chuter brutalement le thermostat mondial.

Concernant le parallèle entre l’essor démographique, économique, industriel et le réchauffement climatique, c’est compliqué. Après un pic de chaleur assez remarquable dans les années 40, le thermomètre a perdu 0,3 à 0,4 degrés les 30 années suivantes, jusqu’en 1980, avant de repartir à la hausse. Ces trente années correspondent pourtant au « boum » démographique et industriel. Et le temps de latence de l’atmosphère est rapide, il n’est pas de trois décennies…

L’homme a probablement un rôle dans le réchauffement moderne (1980 à aujourd’hui), mais il est extrêmement difficile à quantifier. Cela fait ou devrait faire débat d’ailleurs dans le monde scientifique. Le GIEC a d’ailleurs fini par admettre qu’il y avait une petite part naturelle. Un progrès ! Pour ma part, je n’ai aucune certitude à ce sujet. Le doute fait partie de la science et doit, de ce fait, amener au débat. C’est ce débat qui doit être ré-instauré dans la recherche climatique. 

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