Cette guerre des nerfs entre Washington et Téhéran sur la question du nucléaire<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
International
Cette guerre des nerfs entre Washington et Téhéran sur la question du nucléaire
©Reuters

Qui perd gagne ?

Le Président de la République Islamique d'Iran, Hassan Rouhani, a menacé Donald Trump mardi dernier de reprendre son programme nucléaire si les Etats-Unis venaient à sanctionner l'Iran une nouvelle fois.

Thierry Coville

Thierry Coville

Thierry Coville est chercheur à l’IRIS, spécialiste de l’Iran. Il est professeur à Novancia où il enseigne la macroéconomie, l’économie internationale et le risque-pays.
 
Docteur en sciences économiques, il effectue depuis près de 20 ans des recherches sur l’Iran contemporain et a publié de nombreux articles et plusieurs ouvrages sur ce sujet.
Voir la bio »
Milad Jokar

Milad Jokar

Milad Jokar, chercheur associé à l'IPSE (Institut Prospective et Sécurité en Europe), enseigne la géopolitique moyen-orientale à l'EM Normandie. 

Voir la bio »

Atlantico : Le Président de la République Islamique d'Iran, Hassan Rouhani, a menacé Donald Trump mardi dernier de reprendre son programme nucléaire si les Etats-Unis venaient à sanctionner l'Iran une nouvelle fois. Le président iranien a affirmé que son homologue américain Donald Trump n'était « pas un bon partenaire ». De son côté Ali Khameney, Guide suprême de la révolution islamique a déclaré "Ceux qui sont au pouvoir aux Etats Unis (...) souffrent encore de l'illusion de diriger le monde. Ils parlent comme s'ils étaient les dictateurs du monde !" (...) "mais si vous êtes un état puissant, alors allez diriger votre propre pays", en référence aux événements de Charlottesville. Assiste-t-on à une nouvelle étape dans l'opposition entre Iran et Etats Unis ? 

Thierry Coville : Je crois que l’Iran tient toujours à l’accord sur le nucléaire. Mais on voit que c’est une réponse des dirigeants iraniens aux nouvelles sanctions. Ces derniers respectent l’accord, et tout le monde - dont l’agence internationale de l’énergie atomique - le confirme. Tous signataires et partenaires reconnaissent l’action de l’Iran. Mais l’idée est - et on voit bien la stratégie des Etats-Unis - de pousser l’Iran à la faute, et de sortir à l’accord. En fait, l’Iran rappelle que si il n’y a pas d’accord, il y aura des radicaux voudront aller vers un Iran nucléaire. C’est une réponse aux nouvelles sanctions des Etats-Unis, mais c’est également une réponse coordonnées car on voit très bien, avec le nouveau gouvernement de Rohani, il y a une stratégie de la part de ce dernier de renforcer ses relations avec les religieux et notamment le guide suprême Ali Khamenei. Donc l’idée de l’Iran est de montrer que ses dirigeants tiennent à l’accord, mais de dire aux Etats-Unis qu’il y a des limites aux sanctions qu’ils peuvent supporter. Il faut quand même rappeler que l’esprit de juillet 2015 était que l’Iran réduise son programme nucléaire, en échange d’une levée des sanctions.

Milad Jokar : Ce qu’a dit Rohani n’est rien de nouveau. C’est une réponse aux multiples attaques de Donald Trump par rapport à l’accord sur le nucléaire, qu’il menace de déchirer depuis le début de sa campagne. Ce qu’a dit Rohani, dans le contexte d’un discours au parlement, dans le cadre du vote de confiance des ministres, a effectivement rappelé que le président Trump accuse l’Iran d’avoir violé l’esprit de l’accord, malgré que l’AIEA a confirmé que l’Iran respectait l’accord. Ce que fait Rohani est qu’il adresse un discours fort, comme n’importe quel autre président, où il dit que si les Etats-Unis veulent sortir de l’accord, l’Iran est prêt à reprendre son programme nucléaire en très peu de temps. Ce qu’il dit n’est vraiment pas nouveau. Je pense qu’il y a eu quelques erreurs d’interprétation de ce que Rohani a réellement dit. Celui-ci a utilisé le conditionnel.

Quels sont les véritables moteurs de ce retour à une menace nucléaire ? S'agit il d'une simple provocation, ou faut il y voir une véritable intention, pouvant être guidée aussi bien par l'hostilité de l'administration Trump à l'égard de Téhéran, que par l'aboutissement du programme nord coréen ?

Thierry Coville : Non, c’est juste une réponse aux nouvelles sanctions. L’Iran tient à rester dans le cadre de l’accord sur le nucléaire, mais rappelle que, sans, rien n’empêchera le pays à reprendre son programme nucléaire. Ils sont toujours signataires du traité de non-prolifération. Mais il faut se rappeler que lors de la signature de cette accord, il y avait des radicaux qui étaient contre et qui pensaient que c’était faire trop de concession aux occidentaux. Il n’y a pas de changement de stratégie de l’Iran, mais c’est une réponse adaptée aux nouvelles sanctions américaines.
Milad Jokar : Je n’utiliserai pas le terme de menace. C’est vraiment de la rhétorique pour faire passer le message que personne n’a intérêt à ce que Donald Trump sorte de l’accord sur le nucléaire. Le message est également adressé à l’Union Européenne qui a des intérêts et qui a affiché sa volonté de rester dans le nucléaire tout comme l’Iran. Cependant Donald Trump a en permanence menacé de déchirer le “pire accord qu’il n’ait jamais vu”, pour le citer. Dans ce contexte là, Rohani répond qu'il n’y a aucun intérêt à sortir de l’accord, et que si ça se passe l’Iran reprendrait son programme nucléaire. Aujourd’hui, Rohani cherche à attirer les investisseurs étrangers pour faire en sorte de redresser davantage l’économie iranienne tout en respectant l’accord sur le nucléaire.

Quelles sont les réactions à attendre de la part de Washington ? Jusqu’où peut aller cette séquence ? Avec quelles conséquences pour les équilibres régionaux ? 

Thierry Coville : C’est la grande question. On ne voit pas trop la stratégie des Etats-Unis. A part de dire que l’Iran est méchant, et qu’il est à l’origine de tous les problèmes. La décision de Trump de s’allier derrière l’Arabie Saoudite ne fait qu’augmenter les tensions dans la région. Il n’y qu’à voir les problèmes entre l’Arabie Saoudite et le Qatar. L’Iran est quand même présent sur toutes les théâtres d’opérations de la région : en Irak, en Syrie, en Afghanistan. Quel va être le résultat de cette stratégie de diabolisation extrême? Car dès qu’on attaque l’Iran, il y a un réflexe nationaliste où tous les courants s’allient face à une menace extérieure.
Milad Jokar : Il y a une deadline qui approche. En octobre, le président Trump va devoir, à nouveau, confirmer que l’Iran est en accord ou pas sur le nucléaire. Il est vraisemblable que l’Iran respectera une 8ème fois l’accord selon l’AIEA. Maintenant, ce qui en ressort, c’est que Trump veut faire en sorte que l’Iran sorte de l’accord sur le nucléaire. Chose à laquelle les Iraniens ont répondu “nous ne tomberons pas dans le piège, et nous resterons fidèles à l’accord”. Si Donald Trump veut sortir de l’accord, le tort sera sur les épaules des Etats-Unis. Par rapport à la politique régionale dans le Moyen-Orient. Il est essentiel de maintenir des relations économiques et diplomatiques avec l’Iran pour faire en sorte de restructurer une région qui a besoin de se solidifier d’un point de vue économique. Par rapport à sa position géostratégique, l’Iran reste un pilier car elle est au centre de la route de la Soie, qui est la stratégie de la Chine, et a toujours été, historiquement, un moteur économique de la région.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !