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L'un des fondateurs des neuro-sciences a identifié les 6 défauts psychologiques qui empêchent les gens talentueux de réaliser leur potentiel
©Reuters

Feignant ou souffrant ?

Définies par le neuroscientifique Santiago Ramon y Cajal, les "maladies de la volonté" représentent les afflictions pathologiques pouvant freiner le talent chez certaines personnes, et sapper l'envie de travailler et de se surpasser.

Pascal Neveu

Pascal Neveu

Pascal Neveu est directeur de l'Institut Français de la Psychanalyse Active (IFPA) et secrétaire général du Conseil Supérieur de la Psychanalyse Active (CSDPA). Il est responsable national de la cellule de soutien psychologique au sein de l’Œuvre des Pupilles Orphelins des Sapeurs-Pompiers de France (ODP).

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Atlantico :Tout d'abord, quelles sont ces "maladies de la volonté"? S'appliquent-elles toujours dans nos sociétés actuelles?

Pascal Neveu : Il faut tout d’abord rappeler que Santiago Ramon y Cajal est mondialement connu et reconnu par la communauté médicale et scientifique suite à sa découverte des neurones et surtout des connexions synaptiques, ce qui lui vaudra un prix Nobel de médecine en 1906.

Il a effectivement décrit et publié sur ces « maladies de la volonté » en 1897. Freud, lui-même médecin neurologue, allait publier son « Interprétation des rêves » en 1900, après avoir publié sur l’hystérie en 1895… donc dans un contexte scientifique de très grandes recherches neurologique et psychologique.

Cajal en décrivait 6 types, que je me permettrai de résumer ainsi :

1) les contemplateurs : de fins observateurs de la nature et des phénomènes de vie, jamais capables de créativité et de progrès scientifiques,

2) les bibliophiles et polyglottes : des hommes de culture et de science capables de toute conversation mondaine, mais incapables de s’adapter à leur temps et de réagir aux émotions ; en résumé : une sorte de wikipedia,

3) les mégalomaniaques : des hyperactifs egocentrés ne rêvant qu’à leur carrière et la récompense de leurs actes et réussites, mais en tant que rêveurs et contemplatifs, ne menant pas leurs projets à terme,

4) les « gadgetomanes » : des toxicomanes, sorte de « Géo Trouvetou » des nouveaux outils, instruments, en rupture totale avec la société, tellement obsédés par leurs recherches avant-gardistes, qu’ils restent illuminés par leurs pensées, se marginalisant face à un groupe qu’ils s’imaginent ne pas le comprendre,

5) les inadaptés : s’excluant du groupe dès le début de leur scolarité car soit en décalage d’avec les autres, soit développant une nonchalance qui ne pousse pas à aller vers eux, ils multiplient les échecs, cultivant ainsi une insatisfaction épuisante pour eux et les autres ;

6) les théoriciens : penseurs philosophes qui limitent leur pensée à leur propre personne et n’aboutissent donc jamais à rien, car ne faisant que remplacer d’autres théories, sans rien découvrir.

Même si finalement à l’échelle de l’humanité c’était avant-hier… Il s’agit là de la description subjective d’une société d’il y a 120 ans, sans aucun rapport avec notre modernité, qui, en peu de temps, est passée du train à vapeur au voyage sur la lune, sans oublier la bombe nucléaire et internet !... A une époque où Marie Curie n’était pas entrée au Panthéon et le couronnement de la Reine d’Angleterre n’était pas retransmis en Mondovision !

Donc bien évidemment que Cajal réviserait ces approximations. D’autres scientifiques ont d’ailleurs écrit par la suite sur le sujet, ramenant leurs réflexions sur un terrain neurologique.

Sommes-nous tous atteints par ces maladies, ou ne représentent-elles qu'une part faible de la population ? Comment distinguer la simple fainéantise, de la réelle pathologie ?

Il est impossible de quantifier les « malades » de la volonté.

Ce qui intéresse les chercheurs et les psys, c’est de savoir pourquoi la dynamique d’une action est stoppée dans son développement, freinée, ou empêchée dès le début.

Actuellement, loin de Cajal, la « maladie de la volonté » est appelée l’aboulie.

Elle se caractérise par une inhibition intellectuelle et physique :

. procrastination

. difficulté voire impossibilité de concentration

. souffrance psychologique liée à la conscience de ces blocages, et les troubles d’interaction sociale en conséquence (notamment commentaires de l’entourage)

Dans les formes extrêmes l’aboulique se laisse mourir de faim.

Ce qui me semble être le plus intéressant quand on réfléchit à la motivation c’est l’axe : attente-récompense.

Récompense physiologique, psychique, narcissique, identitaire…

Cela nous rapproche de la théorie des pulsions qui se décrit via un mouvement dynamique.

Car la pulsion se comprend sous ces 4 aspects :

. La Poussée : c’est l’aspect dynamique, moteur de la pulsion, en quelque sorte la motivation

. Le But : c’est la satisfaction de la pulsion, en quelque sorte le plaisir

. La Source : c’est l’excitation interne, en quelque sorte le désir

. L’Objet : c’est ce en quoi et par quoi la pulsion peut atteindre son but. C’est l’aspect le plus important de la pulsion

La pulsion tend à être satisfaite de la manière la plus directe et rapide possible.

En résumé, la motivation principale est la satisfaction d’un plaisir imaginé, stimulant le désir. C’est alors que la poussée va accompagner la motivation via un objectif décidé.

Je ne sais comment définir un fainéant à partir d’un seul critère qui s’appelle la motivation. Il existe en revanche des personnes qui sont dans des satisfactions très primaires, qui leur conviennent parfaitement car elles comblent « simplement » et surtout suffisamment leur identité. Nul ne peut s’autoriser à juger.

De l’individu qui va être hypermotivé car il souhaite se réaliser et s’affirmer dans son identité par désir de revanche car il était le vilain petit canard de l’école, ou de reconnaissance familiale car issu d’un milieu modeste… A la personne qui souhaite rester dans son « habitus » confortable, douillet, une sorte de zone de confort et qui donc vivra des motivations temporaires… Et ce dernier qui vivra une absence totale de motivation car tué dans son identité face au poids du Nom du Père qui lui réclame par exemple de faire prospérer l’ancestrale entreprise familiale…

Certains confondent motivation avec compétition et réussite… Ce qui change toute la donne psychologique.

Depuis Cajal, nos motivations ont évolué en même temps que nos modes de vie et notre philosophie de vie.

L’émergence des psychothérapies nous a ramené à repenser les essentiels de nos vies, de nos attentes, de nos réalisations… et donc de nos motivations… via une simple question « Pourquoi, et Pour Quoi, Pour Qui… je fais ça ?... »

L’introspection a donc repensé et hiérarchisé nos motivations.

Quels sont aujourd'hui les traitements disponibles pour ces maladies ?

Je ne connais aucune molécule psychostimulante qui aura une action contre la maladie de la volonté consciente, en dehors de la dopamine, pour les cas relevant d’un trouble neurologique décrit auparavant.

Dans les autres cas, ce sont des désinhibiteurs ou anxyolitiques agissant à court terme… altérant la conscience de l’acte accompli. Autrement dit, sans en tirer bénéfice, donc rendant l’acte nul… et ne catalysant pas la motivation future.

Bien sûr que nombre de coachs sont présents afin de stimuler face à des objectifs à atteindre. Ils sont des accompagnants efficaces face à des difficultés factuelles.

Seulement le manque de motivation « structurel » nécessite de questionner l’essence même de notre être : quels sont mes interdits, mes freins, mes craintes… face à l’échec mais aussi face à la réussite !

Certes nous ne sommes pas tous pourvus de la même « niaque », car notre singularité fait plus que notre originalité… notre identité ! Celle qui fait que certains seront plus motivés pour aller jusqu’au bout d’un projet qui leur tient à cœur pour des raisons qu’ils ignorent ou non…

Mais aussi parce que cela permet de nous positionner toutes et tous dans un chaînon relationnel de vie qui fait que les uns et les autres avons besoin de nos talents, exprimés à toute échelle.

Pour en revenir à Cajal : le megalo ne pourra pas se réaliser sans le bibliophile, qui apprendra certainement du théoricien…

Le meilleur remède pour la volonté est d’avoir déjà pensé les bénéfices pour autrui et envers soi-même de ce que je vais réaliser.

Bachelard écrivait : « ll faut que la volonté imagine trop pour réaliser assez ! »

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