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L'enfance d'Elon Musk, ou l’histoire d’un jeune sud-africain gauche et solitaire devenu l’industriel le plus audacieux d’Amérique
©Reuters

Bonnes feuilles

Elon Musk fait partie de ceux qui changent les règles du jeu. Largement considéré comme le plus grand industriel du moment, il porte l'innovation à des niveaux rarement atteints. A 46 ans, il a monté en quelques années une entreprise, Tesla, qui révolutionne l'industrie automobile, une autre, SpaceX, qui concurrence Arianespace. Il a auparavant bouleversé le marché des paiements avec PayPal. Son objectif ultime : coloniser Mars. Extrait de "Elon Musk", d'Ashlee Vance, aux Editions Eyrolles (1/2)

Ashlee Vance

Ashlee Vance

Ashlee Vance est un chroniqueur du monde des affaires américain.

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La première rencontre entre Elon Reeve Musk et le public remonte à 1984. Cette année-là, un journal professionnel sud-africain, PC and Office Technology, publia le code-source d’un jeu vidéo créé par lui. C’était un jeu spatial intitulé Blastar et inspiré de la science fiction. Il fallait 167 lignes de programme pour le faire fonctionner. À l’époque, les premiers utilisateurs d’ordinateurs étaient obligés de saisir des commandes pour obtenir le moindre résultat de leur machine. Sans s’imposer comme une merveille informatique, le jeu de Musk surpassait assurément la production de la plupart des gamins de 12 ans. L’article lui rapporta 500 dollars et donna un premier aperçu de son personnage. Étalé sur la page 69 du magazine, Blastar montrait que le jeune homme entendait se faire connaître sous un nom façon auteur de science-fiction, E.R. Musk, et que des visions de grandes conquêtes dansaient déjà dans sa tête. Comme l’expliquait brièvement le journal, « dans ce jeu, vous devez détruire un vaisseau spatial extraterrestre qui transporte une charge redoutable : des bombes à hydrogène et des machines à rayon status. Ce jeu utilise bien les sprites et les animations, et c’est pourquoi ce listing vaut d’être lu ». (Personne à ce jour, pas même sur l’internet, ne sait ce qu’est une machine à rayon status.)

Il n’y a rien d’étonnant à ce qu’un gamin nourrisse des fantasmes d’espace et de batailles entre le bien et le mal. Il est plus remarquable qu’il les prenne au sérieux. Tel était le cas du jeune Elon Musk. Au milieu de son adolescence, il mélangeait fantasme et réalité au point d’avoir du mal à les dissocier. Il en vint à considérer le sort de l’homme dans l’Univers comme une obligation personnelle. Si cela signifiait rechercher une technologie d’énergie plus propre ou construire des vaisseaux spatiaux pour étendre le rayon d’action de l’espèce humaine, il le ferait. Il trouverait comment faire. « J’ai peut- être lu trop de bandes dessinées dans mon enfance », admet Musk. « Dans les BD, on dirait qu’ils sont toujours à essayer de sauver le monde. Je me disais qu’on devrait essayer de l’améliorer, car l’inverse serait absurde.»

Vers ses 14 ans, Musk vécut une crise existentielle. Il tenta de la surmonter comme font beaucoup d’adolescents doués, en se tournant vers les textes religieux et philosophiques. Il tâta d’une poignée d’idéologies avant de revenir peu ou prou à son point de départ, en embrassant les leçons de la science-fiction tirées du livre qui l’a le plus influencé : Le Guide du voyageur galactique de Douglas Adams. « Il montre que l’une des choses vraiment difficiles est de savoir quelles questions poser », souligne Musk. « Une fois qu’on a trouvé la question, la réponse est relativement facile. J’ai fini par conclure que nous devrions en vérité aspirer à accroître le champ et les dimensions de la conscience humaine pour mieux comprendre quelles questions poser.» L’adolescent parvint alors à l’énoncé ultra-logique de sa mission : « La seule chose qui ait un sens est de lutter pour une meilleure clairvoyance collective.»

Certaines des raisons de sa quête de sens paraissent évidentes. Né en 1971, il a grandi à Pretoria, grande ville du nord-est de l’Afrique du Sud, à une heure de route de Johannesburg. Le spectre de l’apartheid a été présent pendant toute son enfance dans un pays souvent en proie à des tensions et à des violences. Noirs et Blancs s’affrontaient, ainsi que les Noirs de tribus différentes. Musk a eu 5 ans quelques jours après les émeutes de Soweto, au cours desquelles des centaines d’étudiants noirs trouvèrent la mort en manifestant contre les décrets du gouvernement blanc. Pendant des années, l’Afrique du Sud fut soumise aux sanctions imposées par les autres États en raison de ses politiques racistes. Musk eut le luxe de voyager à l’étranger pendant son enfance et put se faire une idée du regard des étrangers sur son pays.

Mais ce qui eut plus d’effet encore sur sa personnalité fut la culture afrikaner blanche, dominante à Pretoria et dans les environs. Elle célébrait les comportements hypermasculins et les costauds rugueux. Quoique relativement privilégié, Musk vivait en marginal : sa personnalité réservée et son tempérament de geek juraient avec les attitudes dominantes de l’époque. Il se sentait sans cesse renforcé dans l’idée que quelque chose dans le monde ne tournait pas rond et, presque depuis ses premiers jours, il mijotait d’échapper à son milieu, rêvant d’un endroit où sa personnalité et ses aspirations pourraient s’épanouir. Il voyait l’Amérique, dans sa forme la plus conventionnelle, comme une terre d’opportunités et le cadre où il aurait le plus de chances de réaliser ses rêves. Et c’est ainsi qu’un gamin sud-africain gauche et solitaire, qui parlait de « clairvoyance collective » avec la plus grande sincérité, est devenu l’industriel le plus audacieux d’Amérique.

Extrait de "Elon Musk" d'Ashlee Vance, aux Editions Eyrolles

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