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Affaire Grégory : les enquêteurs résoudront-ils le mystère en misant sur le sentiment de culpabilité ?
©D.R.

Justice

Pour en savoir plus et enfin résoudre l'affaire du petit Gregory, les enquêteurs vont miser sur le sentiment de culpabilité de certains acteurs de l'affaire. Une technique qui a fait ses preuves.

Jean-Michel   Fourcade

Jean-Michel Fourcade

Jean-Michel Fourcade est docteur en psychologie clinique. Il est président de l'Association Fédérative Française des Organismes de Psychothérapie (AFFOP) et directeur de la Nouvelle Faculté Libre - NFL - Formation en psychothérapie intégrative.

il est l'auteur de plusieurs livres, dont "Les bio-scénarios, clés énergétiques du corps et de l'esprit" (2007).

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Atlantico : Plus de 30 ans après les faits, l'affaire Gregory Villemin refait l'actualité par le biais de nouvelles auditions, et autres mises en examen, par les autorités compétentes. Les personnes en charge du dossier comptent notamment sur le besoin "d'avouer" que pourraient exprimer les auteurs des faits. Mais s'agit il réellement d'un besoin ? 

Jean-Michel Fourcade : Il n'y a pas de "besoin d'avouer" simple.

Avouer c'est reconnaître une faute que l'on a commis soi-même ou une faute que quelqu'un d'autre - un individu, un groupe, une organisation - a commise et dont on a connaissance et qui n'a pas été avouée par l'auteur.

Notre vie psychologique est le lieu de forces puissantes et contradictoires qui peuvent nous pousser à dire ce que nous savons ou, au contraire, à le cacher, à constituer un secret. Aussi bien les individus se construisent avec ce qu'ils montrent d'eux-mêmes que ce qu'ils cachent. Mais aussi chaque famille, chaque génération vis à vis de la suivante a ses secrets petits ou grands. Il en est de même pour les organisations et pour les entités nationales.

Quels sont les facteurs qui pourraient pousser une personne à ressentir un tel besoin ? S'agit il plus de ressorts culturels, religieux, que de ressorts psychologiques ?

"J'ai ressenti le besoin d'avouer"...Paradoxalement ce sont les mêmes rouages psychologiques qui poussent à ne pas dire et qui poussent à avouer.

Tout d'abord, si on ne dit pas, si on cache c'est que cela concerne une faute, une transgression d'une règle écrite ou non - et dans ce cas c'est souvent la règle d'un groupe ou la norme sociale - d'une Loi - du délit au crime - ou d'un interdit majeur de la civilisation - meurtre, anthropophagie, inceste. Nous avons cela inscrit par l'éducation en nous (S. Freud), sauf chez les personnalités psychopathes, et nous nous jugeons nous-mêmes.

Lié à cela, nous cachons pour que notre image aux yeux des autres ne soit pas salie, abimée, pour que notre place sociale ne soit pas détruite ou rétrogradée, pour garder l'estime de nos amis, de ceux que nous aimons et dont on est aimés.

Nous cachons pour ne pas porter atteinte à la réputation de notre famille, de notre clan, de notre groupe professionnel, de notre groupe religieux, politique, syndical dont nous avons reçu ou dont nous attendons une protection.

Transgresser - et nous nous jugeons nous-mêmes - fait naître en nous la CULPABILITE. Le sentiment de culpabilité existe de façon interne, que nous avouions ou pas la faute. 

Avouer ou pas une faute fait naître la HONTE vis à vis des autre. (V. de Gaulejac). Mais la honte est moins douloureuse quand elle reste secrète, ce qui pousse à ne pas avouer ou reconnaître la faute.

Transgresser la règle de ne pas trahir sa famille par l'aveu du crime de l'un des siens peut créer une CULPABILITE plus grande que celle de cacher le crime commis par lui et en être ainsi le complice. De plus le partage d'un secret renforce le sentiment de solidarité, sinon de supériorité. Mais la culpabilité d'être complice demeure tout au long des années - L'oeil [de Dieu] était dans la tombe et regardait Caïn - et le juge intérieur demeure.

La culpabilité et la honte s'accompagnent d'angoisse, ce qui a des effets psychologiques et somatiques destructeurs.

Quel est l'effet produit par un aveu ? Aussi bien pour les familles des victimes que pour le coupable ? 

L'aveu libère...

Au plan religieux, l'aveu fait sur le lit de mort libère de la culpabilité de la faute de ne pas avoir dit la vérité. Si la contrition l'accompagne, cela fait un pêché de moins avant de paraître devant son créateur...

Là où la règle de ne pas trahir le clan avait été plus forte que la culpabilité de mentir aux juges, de faire passer la Loi du clan avant la Loi sociale ou religieuse, avec le temps la possibilité de tout avouer peut être vécue comme libératrice, soulager la conscience.

"Faute avouée est à moitié pardonnée"...pas seulement par les autres heureux de connaître enfin la vérité et ayant un coupable pour fixer leur colère, puis, plus tard éventuellement, leur pardon et soulagés par la peine que paye le coupable. Faute avouée est à moitié pardonnée par celui qui était torturé par une culpabilité augmentée si le temps a changé en lui la hiérarchie des règles à respecter. De plus, en avouant il rétablit une estime de soi que la honte détruisait.

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