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Ne soyez pas inquiets pour le Qatar, son gaz lui vaut encore de nombreux alliés
©Lazy Sam

Realpolitik

Le premier risque pour le Qatar serait un blocage de ses exportations de pétrole et de gaz, mais les pays arabes seraient les premiers à en pâtir...

Stephan Silvestre

Stephan Silvestre

Stephan Silvestre est ingénieur en optique physique et docteur en sciences économiques. Il est professeur à la Paris School of Business, membre de la chaire des risques énergétiques.

Il est le co-auteur de Perspectives énergétiques (2013, Ellipses) et de Gaz naturel : la nouvelle donne ?(2016, PUF).

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Atlantico : Les sanctions décidées à l'encontre du Qatar par l'Arabie Saoudite, les Émirats Arabes Unis, le Bahreïn et l'Égypte vont-elles avoir un impact réel sur la production économique du pays ?

Stephan Silvestre : Les sanctions prononcées brutalement contre le Qatar par ses voisins consistent essentiellement en un blocus terrestre et des interdictions de survol de leurs espaces aériens. L’émirat n’est donc pas totalement asphyxié. Les principaux effets se font ressentir sur les importations, dans le secteur du BTP, qui est approvisionné par voie terrestre, ainsi que sur les biens alimentaires : le Qatar importe 40% de ses denrées de l’Arabie Saoudite. Les prix de l’alimentation vont probablement subir des hausses. En dehors de ces secteurs, les échanges entre le Qatar et ses voisins sont assez limités. Le plus grand risque pour Doha serait un blocage de ses exportations de pétrole et de gaz. Mais pour l’heure, elles ne sont pas menacées. Les exportations de gaz (essentiellement à destination de l’Asie) se font par méthaniers via le détroit d’Ormuz. Pour l’heure, aucun blocage du Golfe arabo-persique n’est prévu : les pays arabes seraient les premiers à en pâtir. Quant au pétrole, il sort surtout par l’oléoduc Dolphin, qui relie le Qatar aux Émirats Arabes Unis. Là aussi, à cette heure, aucun blocage de cet oléoduc n’est envisagé. 

Toutefois, si ce blocus se prolongeait, le Qatar en souffrirait. Premièrement parce que le ralentissement du BTP pourrait remettre en cause l’organisation de la coupe du monde football 2022. Ensuite, parce que l’accès du pays au crédit se durcirait et les taux d’intérêt d’emballeraient. C’est pour prévenir ce risque que les Qataris ont d’ores et déjà entamé des négociations. 

On a l'impression que le Qatar est cerné par ses adversaires. Sur quels alliés le Qatar peut-il malgré tout encore compter ? 

Le Qatar est un petit pays qui n’a guère les moyens de s’opposer à l’Arabie Saoudite et ses alliés. Il cherche à entretenir de bonnes relations avec l’Iran, mais cette position va devenir intenable face à son puissant voisin saoudien et il devra faire des choix. Doha a tenté de se rapprocher de la Turquie en 2014 en signant un accord de coopération militaire. C’est pourquoi Erdoğan a proposé sa médiation dans cette crise. Cette initiative diplomatique devrait aider l’émirat. Quant à la France, depuis longtemps proche de Doha, elle devrait rester en réserve de cette affaire pour éviter de s’aliéner les autres monarchies du Golfe. 

Le Qatar est un producteur majeur de GNL. Pourquoi est-ce que les enjeux qui entourent un pays gazier sont finalement assez différents de ceux d'un pays pétrolier ?

Le gaz naturel liquéfié est un véritable enjeu pour le Qatar, qui en est le premier producteur mondial. Le principal gisement se trouve dans le Golfe persique dans des eaux partagées avec l’Iran. C’est ce qui explique la prédisposition de Doha à dialoguer avec Téhéran. Bien sûr, cette proximité diplomatique hérisse le poil des Saoudiens. Cependant, l’exploitation du gaz naturel n’entre pas, ou très peu, en concurrence avec les voisins arabes, positionnés sur le pétrole. Par ailleurs, le marché du gaz naturel n’a pas réussi à se carteliser, contrairement au pétrole, au sein de l’OPEP. Le Qatar, avec la Russie, l’Iran, l’Algérie et quelques autres producteurs, a bien tenté de monter une organisation similaire, le GasExporting Countries Forum, mais cet organisme n’a jamais réussi à prendre le contrôle du marché, comme a pu le faire l’OPEP dans les années 1970. Le principal obstacle est l’abondance des réserves mondiales, encore amplifiée par les découvertes de gaz de schiste. Si ce cartel annonçait des quotas de production, les consommateurs n’auraient aucun problème à trouver de l’offre ailleurs, voire à basculer sur une autre ressource, ce qui est presque impossible avec le pétrole. 

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