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Pourquoi les personnes charismatiques comptent autant sur votre état d'esprit au moment où vous les écoutez que sur l'image qu'elles renvoient (et tous ces enseignements scientifiques sur les personnes "magnétiques")
©Reuters

Charisme, mode d’emploi

Dès lors que le charisme est utilisé pour manipuler les autres afin de parvenir à ses fins, ce trait de personnalité devient dangereux. Un mécanisme psychologique bien connu des chercheurs.

Pascal Neveu

Pascal Neveu

Pascal Neveu est directeur de l'Institut Français de la Psychanalyse Active (IFPA) et secrétaire général du Conseil Supérieur de la Psychanalyse Active (CSDPA). Il est responsable national de la cellule de soutien psychologique au sein de l’Œuvre des Pupilles Orphelins des Sapeurs-Pompiers de France (ODP).

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Atlantico : Les personnes charismatiques savent et aiment attirer l'attention sur elles par leur attitude, leur prise de parole. Quel est le processus psychologique qui explique cette faculté à se mettre en avant pour un individu ? Pourquoi cherchent-elles autant à se distinguer des autres ? 

Pascal NeveuCe qui est caractéristique chez la personnalité charismatique, c’est sa capacité à faire en sorte que nous restions "marqués" par la rencontre avec elle ou lui. D’ailleurs, nous avons tendance à parler d’un don inné, alors que le charisme peut s’acquérir via des exercices de communication. C’est le cas en politique. Des études précisent qu’un tiers des électeurs choisissent leur candidat uniquement en fonction de leur image.

On retrouve dans la vie du charismatique trois éléments psychologiques : tout d’abord un désir de séduction important qui tire son origine d’une enfance malmenée (par exemple, Bill Clinton qui a fuit la violence de son beau-père en embrassant de longues études et un parcours politique qui l’a amené à la Maison Blanche), le désir de compenser une défaillance narcissique (par exemple, Fabrice Lucchini qui était un simple "petit" coiffeur avant de devenir l’immense acteur), et la nécessité identitaire d’être vu (le cas d’un enfant, issu d’une grande fratrie, qui deviendra un grand présentateur télé, ou un comique...).

Le charismatique utilise donc tous les outils de communication afin de se faire voir : discours, ton de la voix, affect, gestuelle, attitude, actes…

Notre cerveau est alors happé par celle ou celui qui montre un comportement qui se détache du lot. Le charismatique ne se fond pas dans le paysage. Au contraire, il s’en distingue immédiatement, en captivant notre attention, en faisant vibrer en nous un très fort capital sympathie.

C’est parce qu’il s’agit presque d’une question de survie que la personne charismatique maîtrise les recettes qui lui apporteront sa drogue préférée : le regard, l’intérêt et la non-indifférence face au plus grand nombre de personnes possibles.

Qu'est-ce que ce besoin d'exister des personnes charismatiques révèle de notre société ? Doit-on toujours se différencier pour exister et éviter d'être ainsi perdus dans la masse ? 

Être et exister passe par un jeu de singularisation de celle ou celui que nous sommes. Nous sommes tous des êtres uniques auxquels on reconnaît des qualités et défauts, des compétences… sans pour autant porter ce label "charismatique". C’est nous qui reconnaissons l’autre comme porteur d’un charisme.

Les études démontrent que nous retrouvons davantage de personnes charismatiques dans des périodes plus troubles et sombres de notre Histoire. Elles sont alors "identifiées", "reconnues" comme porteuses d’espoir et redonnant du sens et de la confiance à notre vie. C’est d’ailleurs l’étymologie grecque qui rappelle son sens théologique. Le charisme est une faveur, un don accordé à un individu par l’Esprit saint.

Le sociologue Max Weber décrivait le charisme comme étant "la croyance en la qualité extraordinaire d'un personnage, qui est, pour ainsi dire, doué de forces ou de caractères surnaturels ou surhumains , ou tout au moins en dehors de la vie quotidienne, inaccessible au commun des mortels ; ou encore qui est considéré comme envoyé par Dieu ou comme un exemple, et en conséquence considéré comme un "chef" ". Voyez l’effervescence autour d’Hitler, élu par la population, et pourtant un des plus grands psychopathes du 20ème siècle ! Voyez Jean-Paul II et sa popularité mondiale, le Général de Gaulle, Gandhi, Mère Thérésa… autant de personnalités dont le culte est encore vénéré et dont l’évocation fait ressortir en nous des ressentis et sentiments très forts.

Comment l’expliquer ? Les organisations animales et humaines ont toujours reconnu leurs leaders, auxquels ils se soumettent volontiers, via une relation de domination/soumission. La psychanalyse le reconnaît à travers le mécanisme de transfert qui fait que nous projetons inconsciemment sur autrui des ressentis, des qualités, des valeurs positives ou négatives… qui ne sont pas en relation totale avec la réalité, issus des relations que nous avons vécues principalement avec nos parents ou substituts parentaux. Prenons l’exemple des enseignants auprès desquels nous nous sommes également développés et structurés. Plus une société va mal, plus elle aura besoin de trouver et reconnaître son supposé "sauveur", une sorte de figure parentale protectrice à laquelle nous accordons toute notre confiance.

Se révéler charismatique peut-être bien souvent un avantage pour différents aspects de notre vie. Dans quelle mesure cela peut devenir dangereux pour la vie en communauté de vouloir être au-dessus du lot ? 

Le charisme amène une certaine popularité, rend plus lumineux, plus visible celle ou celui qui devient un leader. Donc il augmente les chances de succès et de sélection dans un monde de compétition (emploi, séduction…). Pas étonnant qu’on évoque le charisme de certains hommes politiques, d’artistes, mais aussi de gourous à la tête de sectes.

Le charisme galvanise et amplifie le jeu des manipulateurs, des tyrans… qui jouent sur cette corde, jusque là toute puissance de certains. Car la personne charismatique nous "hypnotise" ! Des études, en utilisant l’IRM fonctionnelle, ont permis de regarder dans notre cerveau les zones activées, et celles "éteintes" lorsque nous sommes face à de telles personnes. Le résultat montre que notre cortex préfrontal est moins sollicité (zone de la réflexion, du raisonnement analytique et du jugement), tandis que l’amygdale (sorte de cerveau émotionnel) et les zones impliquées dans la rêverie, le plaisir et les souvenirs anciens sont très sollicitées. Autrement dit, le principal danger est l’abaissement de notre regard critique face à une personne charismatique. Un peu comme l’amour qui rend aveugle.

Mais ce désir permanent d’être aimé, de plaire et de ne pas laisser indifférent, s’il est mal mesuré, peut amener l’inverse : devenir soudain insupportable, dès qu’une certaine arrogance pourra être perçue, ressentie par celles et ceux qui étaient les premiers "fans". La chute de la personne charismatique sera d’autant plus violente et définitive.

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