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Mer de Chine : les propos de Tillerson, futur ministre des Affaires étrangères américain, risquent-ils de provoquer une guerre entre Pékin et Washington ?
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THE DAILY BEAST

La prise de position de Tillerson marque un changement radical dans la politique de Washington envers l'Empire du milieu. Mais jusqu'où chacun est-il prêt à aller ?

Gordon G. Chang

Gordon G. Chang

Gordon G. Chang est journaliste pour The Daily Beast.

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The Daily Beast par Gordon G. Chang

Vendredi 13 janvier, Pékin menace les Etats-Unis d’une "guerre à grande échelle" .

"Préparez-vous pour un affrontement militaire" écrit un quotidien chinois en anglais, le quasi officiel, Global Times dans un éditorial.

Pékin réagit, ainsi, durement après les remarques faites par Rex Tillerson (choisi par Donald Trump pour être son secrétaire d'Etat, le futur ministre des Affaires étrangères américain, qui devrait succéder à John Kerry) lors de son audition par les élus. "Nous allons devoir envoyer à la Chine un signal clair pour qu’elle stoppe la construction sur certaines îles et, deuxièmement, lui faire comprendre que nous ne l’autorisons pas, non plus, à accéder à ces îles," a-t-il déclaré devant la commission des Affaires étrangères du Sénat, le Senate Foreign Relations Committee, mercredi.

Tillerson a également dit que la militarisation de certaines îles par la Chine "ressemble à l’annexion de la Crimée par la Russie."

Les observateurs ont été surpris par les paroles de Tillerson, qui marquent un changement radical dans la politique américaine envers la Chine. Pourtant, son approche générale à l'égard de Pékin, malgré toutes les critiques de ces derniers jours, est la bonne.

La Chine a construit en posant du ciment sur les récifs de corail, un peu partout dans le sud de la mer de Chine, mais surtout dans les iles Spratleys et Paracel. Pékin a commencé au début de 2014 dans les Spratleys, dans la partie sud de cette zone, créant plus de 12 km2, sur et autour de sept récifs. L’amiral Harry Harris, commandant des forces américaines dans le Pacifique, parle de la création, par la Chine d’une "grande muraille de sable."

Ces installations, ainsi que d’autres possessions de Pékin, donnent à la marine chinoise et à son aviation, la capacité de contrôler cette zone de la mer de Chine.

Le dirigeant chinois Xi Jinping, debout à côté du président Barack Obama dans le Rose Garden de la Maison Blanche en septembre 2015, avait déclaré qu'il n'y avait pas l'intention de militariser ces nouvelles possessions.

Malgré la déclaration de M. Xi, Pékin a presque immédiatement commencé à fortifier les îles. James Fanell, qui a récemment pris sa retraite après avoir été directeur des "Intelligence and Information Operations" for the U.S. Pacific fleet, a déclaré au Daily Beast, qu’il prévoit une nouvelle accumulation de moyens militaires sur ces ilots, y compris "le déploiement de chasseurs et bombardiers sur au moins une des trois nouvelles bases aéronavales, qui sera suivie par les escales, dans ces ports en eau profonde, de navires de guerre et de sous-marins de la marine chinoise".

L’Armée Populaire de Libération allait le faire cela de toute manière, note Fanell, et les militaires vont probablement accélérer la construction de fortifications, en utilisant le témoignage de Tillerson et d'autres déclarations de l’entourage de Trump comme prétexte. Fanell soutient que Pékin considère ces déclarations comme une « menace pour la souveraineté de la Chine ».

Pékin utilise le terme « sol national bleu » pour qualifier cette zone de la mer de Chine. Les cartes officielles de la Chine revendiquent environ 85 pour cent de la mer de Chine méridionale. Par ailleurs, les médias d'Etat, y compris l'agence Xinhua, disent que ce sont des eaux territoriales chinoises.

Les États-Unis et d'autres pays sont en désaccord, affirmant que la quasi-totalité de la mer de Chine méridionale fait partie des biens publics mondiaux. Et La Cour permanente d'arbitrage de La Haye a désavoué Pékin en mer de Chine, le 12 Juillet , en rendant une décision incompatible avec la quasi-totalité des prétentions chinoises.

La décision Philippines contre Chine basée sur la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, a non seulement invalidé les revendications de la Chine sur les zones maritimes situées à l’intérieur de la « ligne en neuf traits » mais a également estimé que les constructions réalisées par la Chine sur ces ilots violaient les droits souverains des Philippines.

Jusqu'à présent, aucun pays ne s’est montré disposé à prendre des mesures pour faire appliquer la décision au-delà des condamnations théoriques de l'attitude de Pékin. Tillerson, lui, a promis que l'administration Trump allait agir.

Et ce n’est peut-être pas trop tôt, parce que la Chine fait non seulement fi de ses obligations, minant ainsi le droit international, mais elle essaie aussi de spolier ses voisins.

Le geste le plus important et le plus agressif de ces dernières années, c'est l’annexion du récif de Scarborough par Pékin. Au début de 2012, les navires philippins et chinois fourmillaient dans la région, située à seulement 124 miles nautiques (220 km) de la principale île philippine de Luzon. Scarborough, ce sont quelques rochers qui émergent de l’eau, mais stratégiques car ils contrôlent l’accès aux baies de Manille et Subic.

Washington a demandé aux deux parties de retirer leurs navires, mais seules les Philippines l’ont fait, laissant ainsi, à la Chine le contrôle du récif et de cet atoll.

Pour éviter la confrontation, l'administration Obama n'a rien fait pour faire respecter l'accord qu'elle venait de négocier. Comme Arthur Waldron, le grand historien de la Chine, à l'Université de Pennsylvanie, m'a dit dimanche "Ce laisser-aller est très dangereux."

La Maison Blanche en ne faisant rien à propos de Scarborough a justifié la position des éléments les plus belliqueux au sein du pouvoir chinois en montrant à tout le monde, à Pékin, que l'agression était une méthode efficace.

Et Waldron a raison. Les dirigeants chinois, enhardis par leur succès à Scarborough, ont immédiatement fait pression sur Tokyo pour obtenir les îles Senkaku en mer de Chine orientale, en envoyant continuellement leurs navires et aéronefs dans les eaux territoriales japonaises. En outre, la Chine a intensifié ses efforts pour annexer le récif de Second Thomas, une autre île de la mer de Chine du Sud, appartenant, elle aussi, aux Philippines.

"Xi Jinping ne va pas immédiatement reculer face aux menaces publiques de Trump" a dit Anders Corr (Corr Analytics) au Daily Beast samedi. Bien que Corr, un observateur averti de la Chine, considère le discours guerrier de Pékin, après le témoignage de Tillerson devant le sénat, comme une « fanfaronnade », beaucoup sont néanmoins préoccupés par un éventuel conflit entre les Etats-Unis et la Chine, à ce propos.

Et à cause de cela, certains pensent que les États-Unis devraient céder le contrôle de la mer de Chine méridionale à Pékin. Pourtant, l'histoire suggère que ce serait une erreur. «Chaque fois que la paix, vue comme un moyen d’éviter une guerre, a été l'objectif principal d'une puissance ou d'un groupe de puissances, l’équilibre mondial s’est trouvé à la merci du membre le plus impitoyable de la communauté internationale», a écrit Henry Kissinger, en tirant les leçons de la situation en Europe au moment du Congrès de Vienne dans la deuxième décennie du 19e siècle.

Par contre « Chaque fois que l'ordre international a considéré que certains principes ne pouvaient pas être remis en cause, même pour le bien de la paix, et de la stabilité, cela a permis de montrer que l’équilibre des forces fonctionnait. »

Pendant des décennies, à de nombreuses reprises, Washington a tenté de gérer la montée en puissance de la Chine, en essayant d'éviter la confrontation dans l'espoir que les dirigeants de Pékin finiraient par accepter les règles, les traités et les conventions du système international.

Tillerson mercredi, a tout simplement dit que l'administration de Trump ne va pas continuer sur cette voie. Au lieu d'être à la merci de Pékin, la nouvelle équipe au pouvoir aux USA, veut faire respecter les principes du droit international, dans les mers qui entourent la Chine et ailleurs.

Donc, mercredi,  à Washington, au Sénat, vous avez assisté à la fin de plus de quatre décennies de la politique américaine face à la Chine, et à l'énonciation d'une nouvelle approche qui peut sembler provocatrice, mais qui est en fait destinée à maintenir la paix.

Traduction Gilles Klein

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