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Ce portrait intime de la France que dessine la liste des prénoms donnés par les parents français à leurs enfants
©REUTERS/David Mdzinarishvili

Goûts, inquiétudes et clivages hexagonaux

Le Top des prénoms les plus donnés en France vient de sortir et aucune surprise en vue. Les prénoms préférés des Français sont presque les mêmes depuis environ 10 ans. Ce phénomène est en fait une forme de réponse à la crise qui s'exprime par le caractère sécurisant des prénoms donnés.

François Bonifaix

François Bonifaix

François Bonifaix est psychanalyste. Ses recherches l'ont conduit à s'interroger sur les raisons du choix du prénom par les parents et les conséquences psychologiques qui pourraient en découler. Pendant près de 4 ans il reçoit près d'un millier de témoignages, en 1999, il publie alors : Le Traumatisme du prénom, Réédité et réactualisé à 3 reprises.

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Atlantico : Le top 10 des prénoms par région a été dévoilé par l'Insee. Concrètement que pouvons-nous pouvons en apprendre ? 

François Bonifaix : Le premier constat face à ces données est que la mode ne passe pas. Depuis 10 ans, nous nous demandons quels vont être les prénoms à la mode et en fait ce sont toujours les mêmes. Beaucoup de personnes se penchent sur ce phénomène car d’habitude une durée de vie de prénom dure 3 ou 4 ans (grand) maximum. On s'aperçoit que pour la première fois, ce ne sont pas des prénoms dits à la mode mais des prénoms de consensus, des prénoms qui rassurent, ce que j’appelle : des prénoms de crise qui prédominent dans ce classement. Les prénoms à la mode américaine peuvent prêter à la moquerie, et l'idée que les Brenda et les Brendon auront plus tard des difficultés, dans le monde du travail mais pas seulement est très répandue. A la grande époque de ces prénoms, le phénomène répondait plutôt au "rêve américain". On avait là un projet porteur d’espoir, nous souhaitions à l’enfant notre réussite, mais en mieux.

Depuis le début de la crise il y a 10 ans, nous n’avons plus cet élan initié après les années 70. Les parents ont presque renoncé à l'idée que leurs enfants vivront mieux qu’eux. Les sociétés, malgré les difficultés, ne renoncent pas à faire des enfants, cependant les prénoms reflètent ce manque d’espoir, ce sont les prénoms de crise.

Depuis quelques années, les Français se tournent vers des prénoms anciens, de l'époque à laquelle on pense lorsque l'on dit que c’était mieux avant. Ainsi, des prénoms rassurants reviennent à la mode, les Marcel et les Robert par exemple. Il y a dix ans le prénom Marcel paraissait ancien dans un sens péjoratif, tandis qu’aujourd’hui on lui trouvera une esthétique, tout comme pour Joséphine. Fini les prénoms américains, de héros ou mythologiques qui faisaient rêver, les valeurs sûres se sont bien installées.

Le prénom est donc un résumé du projet que nous avons pour notre enfant. Aujourd’hui les Français ne savent pas de quoi sera fait demain et c’est pour cela qu’ils choisissent des prénoms comme ceux présents dans le top 10 : Louise, Emma, Gabriel, qui étaient il y a 30 ans des prénoms bourgeois. Les parents contemporains entretiennent donc peut-être une forme d’espoir. 

D’où viennent les prénoms donnés de nos jours aux enfants ? Le clivage entre Paris et la province est-il toujours d’actualité ? Quel est le poids des origines sur le prénom de nos enfants ?

A Paris comme en province, ce sont les même prénoms qui reviennent. Autant Gabriel est devenu un prénom complètement laïque, de la même façon, Mohamed n’est pas non plus très connoté religieux. C’est aussi un prénom refuge. Pendant des années dans un souci d’intégration les communautés choisissaient des prénoms très français. Hors, la population parisienne n’a pas changée, et ces prénoms d’origines étrangères sont en quelque sorte une forme de repli rassurant sur leurs origines. Par exemple, nous ne trouvons pas d’équivalent féminin à Mohamed. Depuis la loi de 1992 qui permet de choisir n’importe quel nouveaux prénom, l’imagination des Français n’est pas très importante. Ces fameux 10 prénoms représentent environ 10% des prénoms donnés.

On dit Paris cosmopolite, mais c’est à Paris qu’on trouve beaucoup d’influence régionale. Parce que nous sommes à Paris nous montrons notre appartenance à une région ou à une origine étrangère. Pendant des années, les sociologue pensaient qu’un retour en force en région des prénoms locaux était à prévoir, mais ce n’est pas arrivé.

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