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Chauffage, c’est parti ? Voici combien vous risquez de payer cette année par rapport à l’hiver 2015
©Reuters

A vos bouillottes

Après deux hivers assez doux, et un hiver historiquement chaud, le froid devrait être de retour en cette fin d'année. Cependant, d'autres tendances de fond relatives aux tarifs de l'énergie devraient également faire gonfler les prix du chauffage.

Régis Crépet

Régis Crépet

Régis Crépet est prévisionniste à Météo Consult, spécialiste des prévisions saisonnières et des modèles climatiques.

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Stephan Silvestre

Stephan Silvestre

Stephan Silvestre est ingénieur en optique physique et docteur en sciences économiques. Il est professeur à la Paris School of Business, membre de la chaire des risques énergétiques.

Il est le co-auteur de Perspectives énergétiques (2013, Ellipses) et de Gaz naturel : la nouvelle donne ?(2016, PUF).

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Atlantico : L'hiver 2015 a été historiquement doux. Quelles sont les dernières prévisions relatives à l'hiver 2016 ? Faut-il s'attendre à une vague de froid particulière, à des températures assez clémentes ? Comment envisager les mois à venir, concrètement ?

Régis Crépet : L'hiver météorologique correspond aux mois de décembre, janvier et février. Novembre, par exemple, n'est pas considéré comme un mois de l'hiver, bien qu'il puisse faire froid dès novembre et jusqu'en mars.

L'hiver 2015-2016 a été le plus chaud depuis 1900, avec un écart de température de +2,6 degrés sur l'ensemble de l'hiver par rapport à la moyenne. Ces écarts sont importants pour les secteurs de l'énergie, car ils doivent prendre des bases de référence pour déterminer les besoins de chauffage (c'est le même principe pour l'électricité). L'objectif des prévisions saisonnières est de définir des écarts de température, positifs ou négatifs, par rapport à ces moyennes. Ces écarts de température permettent ensuite aux énergéticiens de calculer les réserves nécessaires. 

Cette année, l'hiver ne s'annonce pas du tout aussi doux que l'année dernière : la France va renouer avec un hiver plus "standard" par rapport aux normales. Les différentes modélisations qui ont été faites ne constatent pas d'écart significatif (c’est-à-dire que l'écart reste contenu entre +0,5 et -0,5 degrés) par rapport à la moyenne sur la France. Si on s'attend à un hiver de saison (donc potentiellement assez froid), il n'est pas exclu qu'il fasse plus froid que ce que je viens de vous dire. C'est en effet ce que prévoient certains scénarios : des indicateurs montrent qu'il fera un peu plus froid que la normale.

Un hiver de saison en France est ressenti comme plutôt froid. D'autant plus que les gens sont de plus en plus frileux et que l'on sort de trois hivers "sans hiver". Le mois de mars 2013 est la dernière période de grand froid sur la France : à la mi-mars 2013 il neigeait encore sur le bassin parisien et il faisait -10 degrés sur la Picardie. De 2009 à 2013, il a fait très froid avec des épisodes neigeux, ce qui a poussé la population à développer une forme de résilience au froid. Mais comme cela fait trois années que les températures sont douces, il me semble que les premiers froids sont plus sujets à des pics de consommation d'énergie.

Les températures ne seront pas homogènes pour autant, de décembre à mars. Quand on fait une moyenne sur l'hiver ou sur un mois, on peut avoir au sein d'un mois considéré comme hivernal, une période où il fait effectivement très froid, suivie d'une période de redoux. Ainsi, rien n'empêche qu'en décembre ou en janvier, on ait quelques matinées où il fasse -10 et que l'on se retrouve la semaine suivante avec une température de +12. Le climat français est tempéré : par définition, il varie beaucoup et on peut passer du froid au doux en l'espace de quelques jours sur la France. 

Cependant, la moyenne nationale des températures de décembre et janvier (qui statistiquement sont les deux mois les plus froids de l'année en France) est de 5 degrés dans la journée sur la moitié nord et de 12 degrés en moyenne dans le sud. Les gros froids, qui sont les plus susceptibles d'entrainer une hausse de consommation d'énergie sont ceux qui surgissent dans la nuit lorsque les températures descendent à -10 degrés et qui sont concomitants à des journées sans dégel. En effet, quand il n'y a pas de redoux dans la journée, le froid devient plus handicapant au niveau du risque de gel des canalisations, des surfaces etc. 

Selon le météorologue Régis Crépet, les températures de l'hiver 2016 devraient être plus froide que l'hiver précédent, voire les plus froides depuis 2013. Comment cela peut-il se traduire dans les coûts, en matière de chauffage pour les Français ? Faut-il craindre une hausse de la consommation combinée à une hausse des tarifs ? 

Stephan Silvestre : La facture énergétique des Français dépend en premier lieu des volumes consommés, eux-mêmes liés à la température extérieure. L’effet économique des variations climatiques est donc très variable en fonction de la région et du combustible. En moyenne, on peut considérer que chaque degré perdu se traduit par une hausse de 5 à 10% de la consommation de combustible (gaz naturel ou fioul domestique). Ainsi, un déficit de 8°C par rapport aux normales saisonnières peut se traduire par un doublement de la consommation énergétique. En cas de période de froid durable, l’impact financier est donc très fort. Le deuxième facteur de variation des factures est le tarif du combustible. La situation est très différente selon le combustible utilisé. En moyenne, le chauffage au gaz naturel (le plus utilisé, par 45% des foyers) coûte environ 1 600 € par hiver, contre 1 750 € pour l’électricité (env. 30% des foyers) ou le fioul (env. 15% des foyers). Le prix du gaz naturel sur le marché français est orienté à la baisse depuis fin 2013, notamment grâce à l’abondance de l’offre mondiale. De plus, la concurrence accrue provoquée par l’ouverture du marché de détail pousse les fournisseurs à proposer des offres à tarif attractif contractualisées sur trois ans. Pour ce combustible, il n’y a donc pas de hausse brutale à craindre cet hiver. Le prix de l’électricité est, lui, en hausse tendancielle depuis 2009, en raison essentiellement de l’alourdissement du coût de rachat d’électricité verte par EDF. Cependant, le prix de vente aux particuliers du kWh est peu sensible aux fluctuations saisonnières car il est calculé sur la base de la production globale annuelle, dont les coûts de production (nucléaire et hydraulique) sont stables et prévisibles ; seule une petite partie est achetée sur les marchés internationaux (dits spot), où les prix sont très volatiles et peuvent s’enflammer durant les périodes de grand froid. Enfin, le prix du fioul est plus volatile. Il dépend de celui du pétrole, qui est très rapidement répercuté sur les consommateurs qui remplissent leurs cuves. L’effondrement du prix du pétrole a permis des tarifs très bas durant les deux derniers hivers. Les prix sont actuellement stables, mais pourraient légèrement remonter avant la fin de l’hiver ; cette hausse ne devrait toutefois pas excéder 10%. Enfin, la facture des foyers est aussi l’occasion d’une grande quantité de prélèvements et ponctions divers : financement des réseaux d’acheminement (gaz et électricité), des tarifs sociaux de l’énergie, des énergies renouvelables, des retraites des salariés de ce secteur, des collectivités locales, etc. Ces prélèvements ont hélas une fâcheuse tendance à croître dans le temps et cet hiver ne laisse guère entrevoir d’espoir de baisse. 

Outre ces seuls tendances, quel peut être l'impact de la fermeture de multiples réacteurs nucléaires par EDF ? Comment se préparer à l'hiver et quelles habitudes prendre pour optimiser sa facture ? 

Stephan Silvestre : La fermeture (temporaire) des réacteurs nucléaires ne posera pas de problème à EDF en début d’hiver : sa capacité de production est largement suffisante pour couvrir la demande. En revanche, cela pourrait devenir critique si les autorisations de remise en route tardent en janvier, surtout si l’hiver est rigoureux. EDF devra alors recourir à l’importation depuis les pays voisins, à un tarif élevé en cette période de forte demande. Le surcoût ne sera pas immédiatement répercuté sur la facture des consommateurs, mais il pourrait impacter le calcul des tarifs dans les mois qui suivront. 

Les foyers français sont maintenant très familiarisés avec les enjeux d’économie d’énergie. Beaucoup de particuliers et de résidences collectives ont entrepris des travaux de rénovation thermique en vue d’améliorer l’efficacité énergétique de leurs habitations. Il existe des incitations fiscales pour favoriser ces travaux. Le remplacement de chaufferies anciennes par un modèle récent est aussi très efficace : il peut engendrer des gains de 15% à 25%, surtout lorsque l’on passe au gaz, meilleur marché. Enfin, il est toujours possible de réduire d’un degré sa température de chauffe ; comme on l’a vu, un degré de moins se traduit par une économie de 5 à 10%.

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