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Comment le (trop) grand nombre de plombages dentaires augmente dangereusement la quantité de mercure dans le sang des patients
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Les 100 dents

Selon une étude publiée par le département de santé environnementale de l'université de Georgia, les amalgames dentaires utilisés dans les plombages augmenteraient la quantité de mercure dans le sang, une substance hautement toxique et dangereuse pour la santé.

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Atlantico : Cette nouvelle étude publiée par le département de santé environnementale de l'université de Georgia (voir ici) décrit-elle une réalité  ? Dès lors, à quels risques les personnes ayant des amalgames dentaires sont-elles exposées ? Que sont les amalgames dentaires ?

Stéphane Gayet  : Les amalgames dentaires – terme plus adapté que celui de plombages, car ils ne contiennent en réalité pas de plomb - sont des matériaux composites utilisés pour combler les cavités provoquées par les caries et après leur nettoyage mécanique et chimique. Les amalgames dentaires ou "plombages" contiennent en effet du mercure, car ce métal lourd possède des propriétés particulièrement adaptées à ce type d’utilisation. Les amalgames dentaires se façonnent remarquablement avant de durcir et épousent ainsi presque parfaitement la cavité provoquée par la carie et nettoyée. De plus, ils sont antibactériens, ce qui est en l’occurrence excellent. Ces propriétés physiques et biocides sont essentiellement dues au mercure qu’ils contiennent. Or, le mercure est un produit assurément toxique, dangereux pour la santé. Mais cette toxicité ne se réalise qu’à dose importante et dans certaines conditions physiques. Car il est évident que ce métal lourd est naturellement présent dans la nature, cependant à concentration extrêmement faible. On peut en effet le trouver dans l’eau du réseau – eau dite "du robinet" - à l’état de traces. Du reste, l’Arrêté du 11 janvier 2007 relatif à la composition de l’eau destinée à la consommation humaine – eau dite "potable" - stipule que sa concentration en mercure ne doit pas dépasser un microgramme par litre, alors que sa concentration en arsenic (autre produit bien connu pour être plus que toxique) peut aller jusqu’à dix microgrammes par litre. Le mercure est donc sans aucun doute un produit dangereux, mais uniquement à concentration significative. Il faut préciser que l’on trouve de façon naturelle du mercure dans l’alimentation, tout particulièrement dans la chair des poissons carnassiers et alors sous forme organique, à l’état de méthyl mercure.

Quelle est la toxicité du mercure ?

La toxicité du mercure est connue depuis l'Antiquité. Ce métal lourd a plus récemment été à l’origine de maladies professionnelles reconnues comme telles (deuxième tableau des maladies professionnelles du régime général de la sécurité sociale et douzième tableau du régime agricole). Car il a longtemps été utilisé dans l'industrie du feutre et constitué un élément entrant dans la fabrication des piles, des thermomètres, des amorces de cartouches foraines et de bien d’autres produits courants. Ces activités ont en effet provoqué des maladies professionnelles bien caractérisées.

L'intoxication par le mercure s'appelle l'hydrargie ou l’hydrargyrisme. Le mercure est toxique par ingestion ou application cutanée et plus encore par injection, bien sûr, mais aussi par inhalation, particulièrement dangereuse. Cette intoxication peut être aiguë ou chronique. Elle se caractérise par des lésions des centres nerveux se traduisant par des tremblements, des difficultés d'élocution et des troubles psychiques plus ou moins graves, ainsi que par une atteinte des reins pouvant être sévère (insuffisance rénale). D’autres signes peuvent se manifester lors d’une intoxication aiguë : salivation excessive (ptyalisme), douleurs abdominales et vomissements.

Alors, qu’en est-il en pratique ?

Le port d’amalgames dentaires à base de mercure est certes susceptible d’augmenter, mais heureusement très faiblement, la quantité de mercure présente dans le corps. Les concentrations de mercure mesurées chez les individus ayant des amalgames dentaires sont bel et bien supérieures à celles de ceux qui n’en ont pas. C’est la preuve qu’il existe une diffusion à partir des dents "plombées". Mais ces concentrations restent très inférieures aux doses toxiques. On a ainsi pu montrer que la concentration du mercure dans les liquides biologiques et les tissus, en particulier dans l’urine et le sang, était corrélée au nombre d’amalgames en bouche et encore plus étroitement au nombre de surfaces dentaires porteuses d’amalgames. On évalue à un peu plus d’un quart la proportion d’adultes qui n’est pas porteuse d’amalgames dentaires, tandis qu’environ un cinquième en porte sur une ou deux dents et un peu plus de la moitié sur au moins trois dents. Un peu plus de quatre enfants sur cinq ne portent pas d’amalgame dentaire, tandis que plus d’un enfant sur dix porte un amalgame sur une ou deux dents et un peu plus d’un sur vingt sur au moins trois dents. -Il est évident que la quantité de mercure pouvant diffuser dans le corps augmente avec le nombre d’amalgames. Elle s’accroît également avec la consommation de chewing-gum, étant donné la pression exercée de façon répétée par cette pratique "alimentaire" habituelle sur les dents traitées.

Quelle est la réalité des risques encourus ?

Dans l’état actuel de la science et de la médecine, on ne pouvait plus ignorer ce risque et se contenter d’affirmer légèrement qu’il était virtuel. L’agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé ou ANSM (dont font partie les amalgames dentaires) a produit en décembre 2014 un document sur le sujet intitulé "Le mercure des amalgames dentaires. Recommandations, à l’attention des professionnels de santé, à respecter lors de l’utilisation des amalgames dentaires." Sans affirmer l’absence de tout danger lié aux amalgames dentaires, l’ANSM redit que les quantités libérées dans l’organisme par les amalgames sont très inférieures aux doses toxiques, tout en recommandant de réduire de façon importante leur utilisation. Elle précise qu’ils sont contre-indiqués chez les sujets ayant une diminution de la fonction rénale (insuffisants rénaux) et bien sûr chez les personnes ayant une allergie connue au mercure. -En fait, ce qui n’est pas évident de prime abord, le risque toxique est maximal lors de la pose (obturation dentaire) d’un amalgame et lors de sa dépose. Ensuite, quand il est bien solidifié, le risque diminue considérablement en raison de l’état physico-chimique du mercure qui se modifie lors de son durcissement. C’est ainsi que la pose et la dépose d’amalgames dentaires doivent être évitées chez la femme enceinte ou allaitante, et que la pose d’amalgames dentaires doit être réduite le plus possible pour le traitement des dents temporaires dites "dents de lait". De plus, le blanchiment mécanique des dents obturées par un amalgame est fortement déconseillé.

A partir de combien d'amalgames dentaires y a-t-il des risques pour la santé ?

Etant donné ce que nous avons vu, le risque est officiellement considéré comme particulièrement faible, voire négligeable. L’ANSM toujours, dans un rapport publié en mai 2015, confirme cela et affirme qu’il n’existe pas de preuve scientifique de l’existence d’un lieu de cause à effet entre le port d’amalgames dentaires et la survenue de certaines maladies chroniques chez des sujets ainsi traités.

Toutefois, certaines études ont montré qu’au-delà de trois amalgames dentaires chez un enfant, la quantité de mercure diffusant dans le corps pouvait devenir toxique à la longue et dans certaines conditions. Ces études sont déjà anciennes et concernaient des enfants ayant des caries multiples et obturées selon des pratiques aujourd’hui révolues. Car on est beaucoup plus vigilant et strict vis-à-vis de l’utilisation des amalgames dentaires au mercure qu’on l’a été dans le passé et notamment dans les pays en développement. Chez de tels enfants aux caries multiples et obturées "à l’ancienne" avec des amalgames au mercure, une toxicité neurologique ou rénale ne peut pas être complètement exclue.

Pourquoi le mercure est-il présent dans les amalgames dentaires ?

Nous avons vu que le mercure avait des propriétés remarquables qui en faisaient un élément de choix dans la composition des amalgames dentaires. Mais il existe une réelle volonté européenne ainsi que nationale de réduire le plus possible leur utilisation pour l’obturation des dents cariées. De fait, des pays tels que la Suède, le Danemark ou la Suisse ont interdit l'utilisation du mercure dans les amalgames dentaires. Selon une enquête de l'ANSM, le taux d’obturation dentaire réalisé avec de l'amalgame a diminué en France entre 2003 et 2011, passant de 52 % à 25 %. La France s'est effectivement formellement engagée en faveur des mesures de réduction progressive de l'utilisation des amalgames dentaires.

Quelle est l'alternative viable de ces amalgames dentaires ?

A l’heure actuelle, pour les obturations des dents, il y a un choix entre plusieurs produits. D’une part, l’obturation dite composite métallique ou amalgame, réalisée avec ce fameux composé d’alliage métallique. Cette obturation résiste entre 10 à 15 ans et c’est la moins coûteuse. L’amalgame métallique résiste bien à l’usure, mais peut se fissurer avec le temps. D’autre part, l’obturation dite composite non métallique. Elle donne un résultat esthétique (sa couleur est proche de la couleur naturelle des dents). De surcroît, le produit composite non métallique – de plus en plus souvent appelé "composite" tout court – se lie chimiquement à la dent, nécessite moins de mise en forme de la dent et se pose plus facilement. Toutefois, car il y a évidemment le revers de la médaille, le coût des composites non métalliques est plus élevé et leur durée de vie est légèrement plus faible que celle des amalgames métalliques. Il ne serait pas bien de terminer cet interview sans insister sur l’importance de la prévention : si 25 % des adultes ne portent pas d’amalgame dentaire, cela est lié en grande partie à une bonne hygiène bucco-dentaire. Oui, il est possible d’éviter les caries dentaires, mais cela demande une discipline stricte.

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