L'incroyable musée de Kiev où vous ne verrez pourtant rien à l'œil nu<!-- --> | Atlantico.fr
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A mesure que l'on déambule d'un objet à l'autre, une routine s'installe. Observer la microminiature à travers le verre grossissant. Reculer, lire la description qui précise la taille, la matière et la méthode.
A mesure que l'on déambule d'un objet à l'autre, une routine s'installe. Observer la microminiature à travers le verre grossissant. Reculer, lire la description qui précise la taille, la matière et la méthode.
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THE DAILY BEAST

Dissimulé au sein d'un complexe religieux de Kiev, le musée des microminiatures abrite des navires sculptés dans de l'or, des livres de poésie et des chaussures pour puce, tous trop petits pour être vus à l'œil nu.

William O’Connor

William O’Connor

William O'Connor est journaliste éditorialiste pour The Daily Beast.

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Copyright The Daily Beast  - William O’Connor

Minuscule. C'est ainsi que l'on se sent lorsque l'on pénètre dans l'espace sacré des différents monastères et églises présents en grand nombre dans Kiev. Leur intérieur est recouvert du sol au plafond de dorures et de fresques. L'atmosphère est saturé d'encens et de chants religieux. Souvent surmonté d'un dôme à bulbe doré étincelant, leur extérieur éblouit également, en général très coloré, ou, dans le cas de Pechersk Lavra (la Laure des grottes en français), le site le plus sacré, d'un blanc aveuglant.

Mais ce dernier monastère renferme un autre spectacle, dont la renommée ne vient pas de sa capacité à nous écraser de ses fastes mais de sa subtilité : il s'agit du musée des microminiatures. Le musée, qui n'est qu'une des nombreuses merveilles d'un site où l'on trouve grottes, tunnels, squelettes et objets en or à foison, abrite l'une des plus grandes collections des œuvres du maître des microminiatures, Mykola Syadristy.

Ses sculptures, en l'absence d'un mot plus adapté, mesurent de quelques millimètres à une fraction de millimètre. Elles sont fascinantes, pas seulement pour leurs simples mérites esthétiques, mais surtout pour la prouesse presque impossible que représente la création d'un objet aussi complexe à une échelle aussi petite. C'est l'effet du Christ Rédempteur, mais inversé. Et, à mesure que l'on déambule d'un objet à l'autre, une routine s'installe. Observer la microminiature à travers le verre grossissant. Reculer, lire la description qui précise la taille, la matière et la méthode. Murmurer "Incroyable", "C'est pas vrai" ou une variante plus fleurie en six lettres.

Puis se pencher à nouveau pour admirer l'objet, cette fois en connaissance de cause. Prenez par exemple la frégate en or du musée. Nommée en l'honneur du romancier russe Alexander Grin, cette frégate mesure seulement 3,5 millimètres de long. Les fils d'or qui composent le gréement entre ses voiles gonflées ne font que 0,003 millimètres de diamètre (ce qui est 400 fois moins qu'un cheveu humain, souligne le musée à titre de comparaison).

Une autre sculpture intitulée "Temps" comporte une horloge en état de marche, fixée dans la tête d'une libellule. Une autre, l'une des premières œuvres de l'artiste datée de 1969, est formée d'une puce traitée pour sa conservation, chaussée de souliers en or.

La "Polonaise d'Oginsky" présente les 600 notes de cet air sur un pétale de chrysanthème de 2 mm x 5 mm. Un jeu d'échec en or sur un plateau de jeu réglementaire de 1973 tient sur une tête de clou. Un morceau de verre de 2 mm x 3 mm, est orné d'un portrait de la mère de l'artiste, sculpté à la pointe diamant. Une des œuvres recrée une scène du Petit Prince, dans laquelle le pilote ne mesure que 0,8 millimètre. Un livre créé par l'artiste, regroupant 12 pages de la poésie de Taras Shevchenko, serait le plus petit au monde, avec seulement 0,6 millimètres carrés. Sa couverture est tellement petite qu'elle est constituée d'un seul pétale d'immortelle.

Mais ce qui m'a le plus impressionné, c'est la "Rose dans un cheveu". Voici la description de l'œuvre, reproduite ci-dessous : "Le cheveu est creusé dans sa longueur et poli à l'extérieur comme à l'intérieur jusqu'à devenir transparent. Une rose artificielle est insérée dans le cylindre. La fleur a un diamètre de 0,05 millimètre tandis que celui de sa tige est de 0,005 millimètre."

Mykola Syadristy est un autodidacte de la microminiature. Né en 1937 en Ukraine, il a, selon la biographie du musée, travaillé comme agronome de 1960 à 1967, puis comme ingénieur à l'Académie ukrainienne des sciences de 1967 à 1974. Celle-ci affirme aussi qu'il a été champion de sports aquatiques dans l'ex-Union soviétique de 1976 à 1978. Ses œuvres sont toutes réalisées à la main. Le matériau travaillé va de l'or aux graines, en passant par le marbre et le verre. Pour peindre, il utilise un seul poil de pinceau.

On se demande forcément comment il a réalisé tout cela. Où a-t-il trouvé la patience ? Le talent ? "Pour y arriver, vous devez avoir une certaine connaissance et expérience du design, de la composition et de la plastique. De plus, vous devez bien connaître les propriétés des matériaux que vous allez utiliser et savoir contrôler votre corps pour effectuer des gestes délicats du bras entre deux battements de cœur, écrit l'artiste dans The Secrets of Microtechnique. Mais pour résumer, on peut certainement affirmer que les fondements créatifs et psychologiques de tout artiste se trouvent ancrés profondément dans l'enfance".

Et c'est en cela que réside le charme du musée. L'art exposé n'exige aucune compréhension du fauvisme, ni de tout autre théorie ayant bouleversé l'art. Au contraire, c'est un pur spectacle, mais dont la nature nous rappelle la joie que nous éprouvons à voir quelqu'un réaliser une chose qui nous paraît impossible à obtenir sans une dose de magie.

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