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La taille "Plus-size" devrait-elle être bannie du monde de la mode ?
©Paul ELLIS

XXL

Selon plusieurs témoignages, la taille "plus size" (grande taille) devrait être supprimée, car elle humilierait et démoraliserait les femmes rondes en les mettant à l'écart des filles plus minces.

Catherine  Lemoine

Catherine Lemoine

Catherine Lemoine, rédactrice en chef de Ma-Grande-Taille.com.

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Atlantico : Selon le témoignage d'une femme mûre publié sur le site vox.com (voir ici), la taille "plus size" (grande taille) devrait être supprimée, car elle humilie et démoralise les femmes rondes en les mettant à l'écart des autres femmes. Pensez-vous que les femmes françaises ressentent la même chose ?

Catherine Lemoine : Il est assez difficile de répondre à cette question car on nage en plein paradoxe. D'un côté, on ne parle pas de "maquillage grande taille", ni de "coiffure grande taille", etc. Les vêtements sont des vêtements, la mode est la mode quelle que soit la morphologie de celui ou celle qui la porte. On peut donc se demander pourquoi on continue à parler de mode "grande taille", ce qui est effectivement assez stigmatisant.

D'une autre côté, faire du shopping quand on est ronde est parfois si démoralisant que se dire que dans ce rayon, celui estampillé "grande taille" on pourra choisir ce que l'on veut sans être immédiatement frustrée car le vêtement de nos rêves s'arrête au 40/42… C'est assez confortable.

Au-delà de cet aspect factuel, ce qui me semble intéressant, c'est la raison pour laquelle on en est arrivé à parler de "mode grande taille".

Celles qui ont connu les année 1980/1990 se souviennent que la seule solution pour trouver des vêtements dans lesquelles elles pouvaient se glisser était d'entrer dans les rares boutiques qui osaient afficher en tout petit, sur la porte ou dans un coin de la vitrine "rayon grande taille".

Les modèles étaient alors ringards, et les prix multipliés par 5 ou 10.

On affichait cette petite pancarte de façon discrète comme si, dans l'esprit des créateurs et de l'industrie de l'habillement, un gros n'avait pas le droit de s'habiller… Après tout, pourquoi penser à ces frivolités quand on est "dans cet état" ? On devrait plutôt se concentrer sur le fait de maigrir, de rentrer dans le rang et dans la norme.

Et puis, dans l'inconscient collectif, il flottait (encore aujourd'hui) le fait qu'être gros était une maladie de la volonté. Cela ne pouvait pas être définitif. Un gros était en fait un mince en transit dans un corps gros et qui reviendrait à un état acceptable après un régime. L'industrie de la mode ne s'adressait donc pas à cette clientèle qui ne pouvait être que "furtive".

Toujours selon le même témoignage, il serait par ailleurs impossible pour les femmes rondes "d'être à la mode", faute de trouver leur taille dans les grandes chaînes de production vestimentaires classiques. Est-ce aussi le cas en France ?

Cela a été vrai, ça l'est un peu moins… Mais attention, la bataille n'est pas gagnée. Faites une simple expérience. Allez avec des amies dans un centre commercial. Faites les boutiques à la recherche de vêtements en taille 48/50 et au-delà. Vos amies s'habillant dans des tailles 36/38 à 40/42 ressortiront du centre commercial les bras chargés de vêtements en ayant eu le choix. Vous ressortirez dans 99% des cas avec des accessoires mais pas le moindre vêtement… A moins que l'on ne considère une écharpe ou un bonnet comme tel !

Certaines chaînes commencent à lancer un corner grande taille, mais c'est très timide encore. Aujourd'hui, à part quelques boutiques, c'est sur Internet que tout se joue pour les femmes rondes. Il y a en fait deux questions. La première est celle de la taille des vêtements proposés. Plus une personne est ronde, plus il est difficile de standardiser la coupe du vêtement, car les rondeurs peuvent se situer à différents endroits selon les personnes : ventre, cuisses, poitrine, etc. Jusqu'au 46, les marques savent à peu près faire. Ensuite, cela demande, comme pour n'importe quelle industrie, de la recherche et du développement. Il faut créer des patrons, travailler avec des mannequins cabine ronds… Tout cela a un coût. Les marques hésitent à se lancer d'autant plus que, quand elles fabriquent du 38/40/42, elles peuvent produire en plus grand nombre, donc faire des économies d'échelle.

Enfin, toujours selon le même témoignage, cette femme s'étonne que les producteurs de vêtements n'investissent pas dans la fabrication de pièces plus grandes, car cela aurait du succès auprès d'énormément de femmes, qui sont pour la plupart aux États-Unis, bien au-dessus des tailles "moyennes" vendues en magasin. Comment expliquer ce paradoxe ? Est-ce aussi le cas en France ?

Plus de 40% des Françaises s'habillent dans des tailles 44 et plus… Nous sommes donc loin d'un marché de niche !

La seconde question est celle de la mode. Très longtemps, les femmes rondes se sont contentées de vêtements dans lesquels elles entraient… Aujourd'hui, elles veulent plus… Ou plutôt, elles veulent la même chose que ce que l'on propose aux tailles 40, mais adapté à leurs morphologies.

Certaines marques l'ont compris et investissent dans des collections plus branchées, plus jeunes, mais il y a encore beaucoup à faire. Et puis, il y a toujours la question du prix. Une femme ronde ne comprend pas pourquoi elle doit payer son petit top 30€ alors qu'en taille 38 il ne coûte que 9€ !

Sur Ma Grande Taille, nous sommes très sensibles à l'ensemble de ces points. Nous parlons tendance, conseils morpho et proposons des sélections pour tous les budgets. Nous avons d'ailleurs référencé une liste de boutiques et sites proposant des vêtements grande taille pour tous les âges, toutes les morphos et à tous les prix.

La demande est là. Ce que les marques doivent comprendre, c'est que les femmes en ont assez d'être martyrisées par la mode, assez que les séances de shopping se transforment en séance de torture car on est toujours trop grosse d'ici ou là pour entrer dans le vêtement.

C'est à la mode de s'adapter aux femmes et pas le contraire. Les marques françaises doivent bouger car dans certains pays, la révolution est déjà en marche et avec Internet, tout devient accessible. Il y a donc un véritable enjeu économique.

La demande est là. Il y a même une certaine impatience et un vrai désir de reconnaissance. Les clientes rondes semblent aujourd'hui lancer un défi à la mode. Elles ne veulent plus être reléguées au fond du magasin, elles ne veulent plus que les vêtements soient présentés par des mannequins filiformes. Elles s'affirment et veulent que les marques relèvent le challenge : "Vous nous voulez, prouvez-le, séduisez-nous, n'ayez plus honte de nous !".

Ce challenge, elles ne le lancent pas qu'à l'industrie de la mode d'ailleurs, mais également à celle de la beauté. Elles aussi le valent bien et elles le font savoir !

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