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Pour devenir champion il faut gagner, mais aussi prendre du plaisir et en donner
©Reuters

Bonnes feuilles

Cet ouvrage propose de plonger au coeur des obstacles auxquels se trouvent confrontés les sportifs. Cédric Quignon-Fleuret, psychologue clinicien, partage la sphère intime des grandes personnalités sportives et pourvoyeurs de médailles. Il analyse les maux ou épreuves auxquels les champions sont confrontés, depuis leur enfance jusqu'à leur consécration sur le podium. Son propos s'appuie sur des interviews et des témoignages exclusifs qui, chaque fois, servent de socle à la présentation de l'auteur. Extrait de "Devenir champion", de Cédric Quignon-Fleuret, aux éditions Solar 2/2

Cédric Quignon-Fleuret

Cédric Quignon-Fleuret

Cédric Quignon-Fleuret est psychologue clinicien et responsable de l'unité de psychologie du sport au département médical à l'INSEP, il a côtoyé les plus grands. Des rencontres d'où il tire une grande expérience dans le domaine de la psychologie du sport.

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La sauvegarde nécessaire du Plaisir : préserver le "Je" dans le Jeu

"Vous faites du sport : pour gagner, pour rendre les gens heureux et pour prendre du plaisir".

Earvin "Magic" Johnson (ex-star de la NBA)

Comme l’illustrent les parties précédentes, le sportif doit, pour libérer tout son potentiel, atteindre une alchimie psychique composée d’éléments contradictoires. Parmi les ingrédients "à bien doser", telle une recette de cuisine qui lui serait propre, il lui faudra trouver un savant mélange afin que toutes les conditions soient réunies pour sa performance. 

Parmi ces ingrédients, on trouvera notamment la notion d’intensité, qui se pose en ennemi du relâchement. Il devra également composer avec son perfectionnisme, qui engendrera fatalement une frustration, elle-même en opposition avec la notion de Plaisir.

Pour résumer cette idée, l’intensité et le perfectionnisme, tous deux nécessaires à la réussite sportive, s’opposent directement au bon développement des notions de relâchement et de Plaisir, elles aussi fondamentales dans la perspective du succès.

Comment donc préserver le Plaisir dans la pratique à haut niveau, sans pour autant renoncer aux plus hautes ambitions de réussite ? Tout d’abord, il nous faut définir plus précisément ce que l’on entend par ce terme de "Plaisir".

Si les sportifs ont souvent des difficultés à conserver présente en eux cette notion spécifique, c’est en partie lié au fait d’en avoir une définition floue ou en opposition avec la notion d’engagement. Comme souvent dans le sport, avoir des définitions claires des mots employés au quotidien s’avérera un aspect décisif pour les SHN.

Le Plaisir, dans la pratique sportive de haut niveau, est avant tout à considérer comme un outil de réussite et de performance. On se réfère à un état d’esprit centré sur soi et sur la notion de relâchement qui aidera le sportif à supporter les contraintes d’un environnement de plus en plus oppressant. Plus le sportif passera des paliers, des caps, plus il augmentera son niveau de performance et avancera dans son projet sportif, et plus la préservation de son relâchement naturel sera mise en difficulté.

Le sportif doit en effet s’adapter à des facteurs environnementaux de plus en plus stressants : attentes personnelles du sportif, de sa famille et de son entourage, des entraîneurs et dirigeants, des médias, etc. Ses capacités de coping devront donc suivre sa progression sportive réelle. Ce faisant et malgré lui, la fameuse notion de Plaisir laissera souvent place à un désir d’efficacité et à une volonté de contrôle renforcée.

Arrivé à un certain niveau d’enjeu, le Plaisir peut facilement paraître futile ou secondaire pour le sportif. "Est-on là pour prendre du plaisir ? Car on est surtout là pour gagner…"

C’est justement à ce niveau que se situe le blocage mental du champion. Avec une pression du résultat qui a monté en intensité, la notion de Plaisir, ainsi mal définie, se retrouve à présent en opposition avec l’idée de performance. Le Plaisir n’est plus investi d’une façon fonctionnelle, utile et l’athlète a oublié que c’est le plus souvent aussi par et grâce à cette notion qu’il s’est construit. Qu’il est arrivé dans cette position et à ce challenge qui est le sien aujourd'hui.

Gérer la pression passe donc par la préservation en lui de cette notion et ce, malgré les enjeux grandissants. Le Plaisir se doit d’être appréhendé comme l’affirmation d’une identité. L’identité sportive du champion. Se référant ainsi aux attributs psychologiques essentiels qui le porteront vers la performance et qui le caractérisent, il pourra alors citer (notamment et en fonction de son identité) la confiance, la combativité, la concentration et, enfin, la prise de Plaisir.

Vers le sens réel du Plaisir

Le Plaisir caractérise en réalité la capacité de pleine expression du sportif. Il ne s’agit pas de "s’amuser", mais "de prendre du Plaisir à"… À être dans le combat, dans le duel, à vivre un événement unique, à repousser ses limites, à aller puiser quelque chose que je sais être là et que je veux voir s’exprimer, sortir de moi-même… Cette approche mentale jouera un rôle positif dans le relâchement de l’esprit, mais aussi dans celui du corps. Il s’agira donc de privilégier l’expression de ce double relâchement.

Dans un mouvement de connexion avec son corps en mouvement, le Plaisir aura pour finalité de favoriser l’épanouissement en compétition chez l’athlète. Cette pleine expression, c’est l’identité du sportif et son challenge est de ne pas y renoncer face à la pression. Il doit bien au contraire affirmer cette identité et ce Plaisir à être là et profiter de l’événement au lieu de le subir. Le Plaisir est donc également à appréhender comme méthode antistress. L’une des plus simples, mais aussi des plus efficaces, sans doute.

On n’imagine pas combien de fois la seule recommandation faite au sportif de reprendre du plaisir à jouer en se détachant de la notion performance s’avérera d’un grand intérêt et bénéfice pour lui. Pour préserver cette notion de Plaisir, je recommande donc fréquemment lors des premières séances l’astuce basique suivante au sportif : "Faire de son mieux." Tout simplement. 

Cesser de se crisper, de s’énerver face à ses échecs et lâcher prise, en essayant de faire de son mieux. Je nuance pour autant ce conseil comme tel : "Faire de son mieux, faire de ton mieux, ce n’est pas abandonner l’idée de performance. Car ton mieux, c’est beaucoup. C’est potentiellement le plus haut niveau sportif."

Extrait de "Devenir champion", de Cédric Quignon-Fleuret, publié aux éditions Solar, août 2016. Pour acheter ce livre, cliquez ici

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