Ouverture des JO de Rio : comment Hitler a inventé la flamme olympique (parce que oui, c'est lui qui l'a fait...)<!-- --> | Atlantico.fr
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La flamme olympique à Berlin en 1936.
La flamme olympique à Berlin en 1936.
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THE DAILY BEAST

Vendredi, la flamme olympique est arrivée à Rio pour la prestigieuse cérémonie d'ouverture des JO. Mais l'histoire secrète de ce symbole et de son voyage autour du monde est beaucoup plus sombre et dérangeante que ce que l'on pourrait imaginer.

Copyright The Daily Beast - par Gabrielle Glaser

On peut reprocher beaucoup de choses au Brésil pour ces Jeux olympiques, de la baie de Guanabara jonchée d'immondices putrides à la circulation apocalyptique prévue dans les rues de Rio. Mais en dépit de tous leurs défauts, il y a une chose que les Brésiliens possèdent en abondance : la capacité à rire d'eux mêmes.

Le contraste avec les Jeux de Londres en 2012 est frappant : les Jeux de Londres s'étaient ouverts par une reine en "Bond girl" sautant en parachute. Pour les Jeux de Rio, qui ont débuté vendredi, on est allé jusqu'à imaginer une parodie d'un vol à la tire contre la top model brésilienne Gisele Bundchen tandis qu'elle défilait dans le stade au son de la chanson emblématique du Brésil, “The Girl from Ipanema”. Après tout, les articles sur les athlètes et les spectateurs détroussés ou agressés à Rio s'accumulent déjà. Et pan, prenez ça, les gars.

Le programme du spectacle d'ouverture a été tenu secret… mais les secrets sont difficiles à garder. Les répétitions ont permis de faire fuiter beaucoup d'infos sur les réseaux sociaux, vraies ou fausses. On savait donc déjà que chacun des 206 pays participant entrerait dans l'arène accompagné d'une mini-école de samba. Les plus grandes super stars brésiliennes ont fait une apparition : les titans de la musique Gilberto Gil et Caetano Veloso ont chanté. L'actrice Fernanda Montenegro, nommée à un Oscar, et Dame Judi Dench, qui en a remporté un et qui n'est pas du tout Brésilienne, allaient réciter des messages. L'un des concepteurs du spectacle, Fernando Meirelles, le réalisateur de 'La cité de Dieu', film sur la révolte des favellas de Rio nommé aux Oscars en 2002, a dit aux journalistes l'an dernier que le show serait “une synthèse de notre culture populaire”. C'est apparemment un euphémisme : le scénario comprenait, après la fausse agression de Gisèle pour son porte-monnaie, une chasse à l'homme des policiers volant au secours de Gisèle et pourchassant le voleur tout autour du stade jusqu'à ce qu'ils soit attrapé.

Un autre metteur en scène du spectacle, Leonardo Caetano, a confié à la BBC que la cérémonie “allait montrer...l'hospitalité à la brésilienne.”  Bien sûr, on sait que le village olympique a souffert de retards de construction mais la chaleur humaine des Brésiliens est indéniable. Les Brésiliens utilisent une multitude de termes différents pour le verbe “se détendre” et n'ont aucun problème pour donner des conseils en la matière. Ils sont affectueux, ils appellent les étrangers “fils” et “fille” - et il n'est pas inhabituel pour des collègues de travail qui ne se sont jamais rencontrés de signer leurs mails par des baisers et des embrassades.

Chaque année, le pays accueille des millions de visiteurs pour le Carnaval, souvent décrit comme la plus grande fête du monde. La cérémonie d'ouverture des JO devrait attirer 900 millions de téléspectateurs et remporter sans problème ce titre : 3 tonnes de feux d'artifice,  2 000 pistolets à lumière et plus de 100 projecteurs. Cependant, vous ne devinerez jamais qui a inventé toutes ces paillettes et ce glamour : les services de la propagande nazie.

De quoi refroidir la surprise et l'émotion ressenties en découvrant Muhammad Ali descendant d'une plate-forme sur la scène lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux d' Atlanta en 1996. Ali avait pris la flamme des mains de la nageuse Janet Evans. La maladie de Parkinson faisait trembler ses mains. La flamme s'embrasa en courant jusqu'à un chaudron géant situé au-dessus du stade. La caméra s'attarda sur les spectateurs en délire et un président Bill Clinton aux yeux humides tandis que Bob Costas entonnait : “Regardez-le ! Toujours cette grande, grande présence, il respire toujours la noblesse et la dignité.”)

La torche de la flamme olympique parait arriver tout droit de l'aube de la démocratie en Grèce, mais ce n'est pas le cas : le périple moderne de la flamme commence de nos jour par une cérémonie à Olympe, berceau des premiers jeux vers  776 avant J.C. La flamme qui voyage autour du globe vers les villes qui les hébergent est une idée de Carl Diem, au début des années 1930. Diem, coureur de fond allemand et historien du sport, fut l'organisateur en chef des jeux de Berlin. “Diem était conscient de la présence d'une torche embrasée durant les jeux antiques mais il n'existait aucune course pour porter la flamme à l'époque” précise Susan Bachrach, historienne du Mémorial américain de l'Holocauste et auteur de 'The Nazi Olympics: Berlin 1936'.  

Même les accessoires créés pour ces jeux de Berlin évoquaient de façon sinistre les destructions massives qui allaient avoir lieu. Les portes torches massifs à Berlin étaient fabriquées par les aciéries Krupp,  qui ont produit les armes des Allemands durant la Seconde guerre mondiale. L'artillerie Krupp deviendrait un atout capital pour les nazis lors de batailles décisives. Comme l'a décrit Max Fisher dans un article pour The Atlantic en 2012, les établissements Krupp amenaient en camions des prisonnières juives du camp d'Auschwitz dans une usine Krupp proche, comme esclaves. 

Les créateurs de la propagande et du décorum nazi voulaient imposer l'idée que les Aryens d'Hitler étaient les héritiers directs de l'antique civilisation grecque, rappelle David Wallechinsky, président de la Société internationale des historiens des Jeux olympiques, qui écrit sur les Jeux depuis des décennies. La réalisatrice Leni Riefenstahl a immortalisé l'imagerie olympique nazie en filmant la course de la torche à travers la Bulgarie, la Yougoslavie, la Hongrie, l'Autriche et la Tchécoslovaquie dans Olympia, son film de 1938 sur les Jeux.

Mais les ignominies des cérémonies d'ouverture ne se sont pas limitées à celles des JO de Berlin. Rappelons les jeux de 1904 à Saint Louis aux Etats-Unis, qui s'ouvrirent sur des hordes d'athlètes déambulant autour de bâtiments publics dans ce qui fut un chaos à peine maitrisé. Seule une douzaine de pays daignèrent participer aux jeux dans cette ville provinciale américaine, qui accueillait aussi l'Exposition universelle (en 2008, Slate rappela que même la tentation de la barbe à papa, du beurre de cacahuète et des cornets de glaces en gaufre n'avait pu convaincre les athlètes de faire le voyage).

La cérémonie d'ouverture ouvrit cinq mois de compétitions et si, aujourd'hui, ceux qui regardent les Jeux croient que seuls les athlètes contemporains tentent d'acquérir un avantage injuste en se dopant, ils devraient se souvenir de Fred Lorz, médaille d'or et tricheur. Il fut le premier à traverser la ligne d'arrivée du marathon mais fut ensuite disqualifié quand on découvrit qu'il avait sauté dans une voiture pour parcourir presque la moitié du parcours. Cette fraude n'est à son tour qu'un petit scandale face à un autre, que les organisateurs avaient appelé “Anthropology Days,” des groupes de Pygmées, de Sioux, d'Igorot philippins et autres attractions des expositions ''Human Zoo'' (Zoo humain) furent rémunérés pour participer à des compétitions, dont le combat dans la boue, l'ascension d'un mat enduit de graisse et le tir à l'arc.Le baron Pierre de Coubertin, l'aristocrate parisien qui avait fondé les jeux modernes à Athènes en 1896, en fut scandalisé : “ La scandaleuse plaisanterie perdit de son attrait quand des humains noirs, rouges, et jaunes apprirent à courir, sauter et lancer et distancèrent les blancs.

Les Jeux de Rio se tiennent dans un pays où plus de la moitié de la population se considère comme métisse ou noire, ce qui donnera à coup sûr une image plus 'inclusive' des Jeux. Les organisateurs disent que son budget est modeste par comparaison à ceux de Londres et Sochi. La cérémonie d'ouverture des Jeux de Londres ’s en 2012 aurait couté 42 millions de dollars, sous la houlette du metteur en scène du film 'Slumdog Millionaire', Danny Boyle, avec des acteurs et des danseurs projeté dans de célèbres épisodes de l'histoire britannique. "J'aurais honte de gâcher ce que Londres a dépensé, dans un pays qui a besoin d'infrastructures de tout-à-l'égout, où l'éducation a besoin de financements'' a déclaré Meirelles. Londres avait investi 14,8 milliards de dollars au total dans la cérémonie d'ouverture et l'organisation des jeux. C'est peu, comparé aux Jeux d'hiver de Sochi, qui auraient couté 51 milliards.

Rio tente de maîtriser les coûts et de rester dans l'enveloppe de 7,4 milliards de Reais (1,8 milliard de dollars) pour 16 jours de compétitions et la cérémonie d'ouverture. L'économie du Brésil a souffert ces dernières années en raison, principalement, de l'effondrement du pétrole. Le pays connait sa plus grave crise financière depuis les années 1930. Caetano juge que la cérémonie, qui a lieu au beau milieu d'un chaos politique mondial, mettra l'accent sur l'importance de préserver la planète et sur les Brésiliens moderne qui créent une société multi-raciale. Pour le reste du monde, il s'agira d'une mise à jour de ce qu'être Brésilien représente. Une occasion pour le monde de constater les résultats récents de notre histoire et de notre métissage. “La cérémonie montrera, a-t-il conclu, que les Brésiliens peuvent faire plus avec moins.”

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