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Pour Sir Alex Ferguson, Margaret Thatcher n'a pas sciemment voulu détruire le foot britannique, mais elle y est quand même parvenue
©Reuters

Bonnes feuilles

Tous les secrets pour multiplier les succès professionnels et toutes les techniques imparables révélés par le plus grand entraîneur de football, Sir Alex Ferguson, en matière de management.Construire des relations de confiance, s’imposer naturellement, prendre des décisions et les faire accepter, communiquer plus efficacement, travailler en équipe, créer une dynamique de leader, apprendre de ses échecs et rebondir, obtenir toujours plus de succès sont autant de notions utilisées et expliquées par un manager qui a fait ses preuves. Extrait de "Leading manager pour gagner" Sir Alex Ferguson Michael Moritz, aux éditions Marabout 2/2

Sir Alex Ferguson

Sir Alex Ferguson

Célèbre manager du club anglais de Manchester United de 1986 à 2013, Sir Alex Ferguson est l’entraîneur le plus couronné de l'histoire du championnat anglais avec 38 trophées à son actif dont treize titres de Premier League. En 1999, il est anobli par la reine Élisabeth II pour les services rendus au football britannique. Sir Alex Ferguson est l’icône incontournable du football.

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Sir Michael Moritz

Sir Michael Moritz

Investisseur en capital-risque, Sir Michael Moritz est aussi le président de Sequoia Capital, premier fonds de placement à investir dans les sociétés Apple, Cisco, YouTube et WhatsApp. Il a également été membre des conseils d'administartion de google, LinkedIn, PayPal et Yahoo. Ancien journaliste au Time Magazine, il a aussi retracé l'aventure d'Apple dans son livre Le jeu de la pomme.

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La mondialisation

Je n’ai jamais étudié l’économie, mais le football m’a permis d’apprendre beaucoup de choses dans ce domaine. J’ai toujours été favorable aux syndicats, principalement parce que mon père et les hommes de sa génération avaient eu la vie dure sur les chantiers navals écossais, mais je suis devenu partisan de la libéralisation, qui donne à tous l’occasion de participer. L’immigration soulève peut-être des questions d’ordre social ou politique, mais elle a radicalement transformé le jeu en Premier League.

Quand j’ai commencé à jouer au football, ce sport fonctionnait en vase clos. Tous les clubs britanniques s’étaient développés dans quelques quartiers ou quelques villes. Bon nombre de joueurs allaient à pied de chez eux jusqu’au stade et cela a continué longtemps. En 1967, quand le Celtic est devenu le premier club britannique à remporter la Coupe d’Europe, tous les joueurs de l’équipe étaient nés à moins de quarante-cinq kilomètres de Glasgow. L’année suivante, c’est Manchester United qui a gagné la Coupe d’Europe, sous la houlette de Matt Busby : l’équipe comprenait sept Anglais, un Écossais, un Irlandais du Nord et deux représentants de la République irlandaise. Avant la fin des années 1970, il n’y avait quasiment pas de joueurs étrangers dans des clubs anglais, puis Tottenham a acheté Ossie Ardiles et Ricky Villa après la Coupe du monde de 1978.

À mon arrivée à Aberdeen, le club ne comptait aucun joueur étranger, anglais, gallois et irlandais compris. Tous les joueurs étaient écossais. Et Manchester United en avait seulement deux quand j’ai intégré le club : les deux Danois John Sivebaek et Jesper Olsen. Une demi-génération plus tard, tout avait changé. Chelsea a été le premier club de division nationale à aligner une formation initiale de onze joueurs sans un seul footballeur britannique (en décembre 1999, quand ils ont sélectionné deux Français, deux Italiens, un Uruguayen, un Hollandais, un Nigérien, un Roumain, un Brésilien, un Norvégien et un Espagnol). En 2005, Arsenal, à l’occasion d’un match contre Crystal Palace, est devenu le premier club de Premier League à choisir une liste complète de sélectionnés sans aucun joueur britannique pour un jour de match. À Old Trafford, j’ai fait jouer pour la première fois une équipe dépourvue du moindre joueur anglais le 10 mai 2009, lors d’un match que nous avons gagné 2‑0, face à Manchester City. Nos joueurs venaient des Pays-Bas, du Brésil, de Serbie, d’Irlande du Nord, de France, du Portugal, d’Écosse, du Pays de Galles, de Corée du Sud, d’Argentine et de Bulgarie.

L’arrivée des joueurs étrangers s’est déroulée en deux étapes. Avant 1995, date à laquelle la Cour européenne de justice a rendu l’arrêt Bosman, les joueurs européens étaient encore partiellement prisonniers de leurs clubs. En Angleterre, dès le début des années 1980, les tribunaux de la Fédération nationale avaient réglé les conflits concernant le prix des transferts. Quand la Cour de justice européenne a décidé que les clubs n’avaient plus à payer de frais de transfert après l’expiration du contrat d’un joueur, il y a eu un vent de panique et cela a donné lieu à une vraie foire d’empoigne. Il y a eu des pressions fortes sur les clubs pour qu’ils renégocient les contrats bien avant leur expiration, et les joueurs, du moins les bons, se sont retrouvés en position de force pour négocier.

Le recrutement de joueurs étrangers s’est accéléré en Grande-Bretagne dans les années 1980, quand nous n’avons plus été capables de produire la grande majorité des meilleurs joueurs du monde. Pour mesurer l’ampleur de ce phénomène, il suffit de considérer la date où nos équipes se sont qualifiées pour la dernière fois en Coupe du monde : 1958 pour le Pays de Galles, 1986 pour l’Irlande du Nord, 1998 pour l’Écosse et 2002 pour la République d’Irlande. Margaret Thatcher et BSkyB peuvent être considérés comme responsables de cette situation.

Je ne prétends pas que Margaret Thatcher a sciemment voulu détruire le foot britannique, d’autant qu’elle a exprimé haut et fort, à juste titre, son mépris pour le hooliganisme et les comportements violents des spectateurs, mais elle y est quand même parvenue. Après un conflit avec le gouvernement, de nombreux enseignants ont cessé d’organiser des activités sportives extrascolaires, décision qui a eu des effets désastreux. D'après mon expérience, les jeunes garçons accordaient une grande attention à ce que pouvaient leur dire leurs enseignants. C’est en effet sous le regard critique et exigeant de leurs professeurs que des générations d’élèves ont découvert la nécessité de s’entraîner, ont progressé, appris la discipline et développé une expérience du jeu. Ce système a disparu en grande partie. Les enseignants ont été remplacés par des pères, des oncles, des grands-pères. Tous pleins de bonnes intentions, certes, mais sans doute sans l’exigence des professeurs. Le résultat ne s’est pas fait attendre : le niveau du football dans le secondaire a commencé à baisser progressivement. Les compétitions du secondaire, qui ont constitué un vivier de footballeurs pendant de nombreuses générations, se sont vu remplacées par des affrontements entre clubs dont la principale caractéristique était de disputer le plus de matchs possible à chaque saison. Quand Ryan Giggs avait quatorze ans, il a disputé plus de cent matchs pour les Salford Boys et Dean FC.

Cette tendance s’est trouvée exacerbée par des règles introduites par la Fédération anglaise de football pour encadrer le nouveau système des académies. Par exemple, il était interdit d’entraîner par semaine les garçons des académies juniors pendant plus d’une heure et demie. Cela revenait à dire à un enfant qui aimait jouer du violon ou du piano qu’il intégrerait peut-être un jour l’un des meilleurs orchestres du monde, mais qu’il ne devait pas répéter plus de quatre-vingt-dix minutes par semaine. On ne produit pas de grands footballeurs ni de grands artistes avec une pratique aussi réduite. Quand Stanley Matthews était enfant, avant la Seconde Guerre mondiale, il jouait au ballon six à huit heures par jour. Dans les années 1950, George Best a perfectionné sa technique à Belfast en passant toute son enfance près d’un ballon. Cristiano Ronaldo en a fait de même à Madère dans les années 1990.

Extrait de "Leading manager pour gagner" Sir Alex Ferguson Michael Moritz, publié aux éditions MaraboutPour acheter ce livre, cliquez ici

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