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Non vous n’aviez pas rêvé, le jetlag est bien plus difficile à supporter dans un sens que dans l’autre, et voilà pourquoi notre cerveau est allergique aux voyages vers l’est
©Flickr

D'est en ouest

L'horloge interne qui règle notre rythme de vie ne réagit pas de la même façon quand on part de France pour Pékin ou pour Los Angeles. Il y a fort à parier pour qu'elle nous laisse tranquille en Californie et point en Asie. Et ce parce que nous-même sommes déjà décalé par rapport à l'horloge globale.

Joëlle Adrien

Joëlle Adrien

Joëlle Adrien est neurobiologiste et directrice de recherche à l'INSERM et à la SFRMS (Société française de recherche et médecine du sommeil). Elle est aussi présidente de l'Institut National du Sommeil et de la vigilance, etauteur de Mieux dormir et vaincre l'insomnie, paru chez Larousse en juin 2014.

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Atlantico : Une étude scientifique pour la revue Chaos montre qu'il est beaucoup plus difficile de vaincre le jet-lag quand on va d'ouest en est que dans le sens inverse. Pourquoi est-ce que l'horloge interne vit plus mal ce type de déplacements vers l'ouest ?

Joëlle Adrien : C'est quelque chose que l'on connait depuis longtemps. La justification est assez simple : toutes nos fonctions de l'organisme sont réglées par des horloges biologiques. L'horloge biologique principale se trouve dans le cerveau. Elle coordonne toutes les autres horloges biologiques de l'organisme qui sont la digestion, la régulation de la température interne, l'énergie déployée pour les activités musculaires etc. Sont intégrés dans cette horloge notre activité ou notre repos, et enfin le sommeil. Il y a des moments où l'horloge biologique principale, celle du cerveau, nous dit de ne pas bouger et de dormir. Et donc à d'autres moments où il y a beaucoup d'énergie libérée, elle nous dit d'être éveillés.

Malheureusement, cette horloge biologique n'est pas nécessairement réglée sur les 24 heures nécessaires à la rotation de la terre. Elle peut être réglée sur 23h40, 24h30. Elle peut ainsi retarder ou avancer de plusieurs minutes. La plupart des gens retardent.

Pour des trajets de longue durée (plus de quatre heures), ce type de voyage provoque nécessairement une réévaluation des repères temporels par l'horloge biologique. C'est l'imposition brutale qui provoque cela : l'horloge reste encore plusieurs jours à l'heure de son fuseau horaire d'origine. 

Si les voyages d'ouest en est sont plus simple, c'est parce qu'il est plus simple de se coucher plus tard et de dormir plus tard. Par exemple si on va aux Etats-Unis, on demande à notre horloge de retarder, ce qu'elle fait spontanément parce que généralement elle a un retard naturel. C'est donc assez facile de se mettre à l'heure dans ces conditions. 

Dans le sens inverse, on éprouve des difficultés car il est plus difficile d'avoir sommeil et de dormir plus tôt. On ne se force pas à s'endormir.

Pourquoi ces jet-lags généralisés que l'on connait particulièrement quand le décalage est fort, et donc plus souvent quand on voyage d'est en ouest, provoquent des maux de ventre, des nausées ou coupent la faim ?

On ressent la nausée, des ballonnements, des manques d'appétit parce que nos horloges internes ne sont synchronisée ni entre elles et ni au rythme de vie local. Toutes les cellules de l'organisme vont demander qu'on leur fournisse de l'énergie nécessaire alors qu'on n'est pas forcément le jour, et l'inverse la nuit. La température du corps n'est pas encore réglée : la nuit, cette température baisse. Evidemment, avec le jet-lag, la température devient haute alors qu'on veut dormir et basse alors qu'on veut être éveillé. Cette dernière horloge prend beaucoup de temps à se régler, contrairement à l'horloge du sommeil par exemple. On expérimente donc le décalage non pas seulement de notre horloge de sommeil mais de toutes les horloges de notre organisme. Tant qu'elles ne sont pas coordonnées entre elles et à l'horaire local, il est normal de ne pas se sentir bien. 

Les lève-tôt vivront-ils mieux ce type de troubles du sommeil que les couche-tard ?

Les "lèves-tard" correspondent à ceux qui ont une horloge interne plus courte que celle de la rotation de la terre, donc qui n'ont besoin pour une journée que de 23h50 par exemple. Donc en effet, ils ont plus de facilités que les couche-tard, qui eux auront par exemple une horloge de 24h30. Dans ce cas, un couche tard devra rattraper 30 minutes de plus par jour et un lève-tôt aura un avantage de 10 minutes : cela provoque des cas de jet-lags très inégaux.

Peut-on savoir quelle est la durée de notre horloge interne ?

On peut la deviner, mais il est très difficile de la savoir avec certitude. Parce que dans la vie de tous les jours, l'horloge est synchronisée parce que tous les jours il y a des signaux qui synchronisent l'horloge. Un peu comme si tous les jours il y avait un horloger qui venait la régler. Le principal signal est la lumière. Les autres sont l'activité physique ou la nourriture. Pour pouvoir expérimenter son rythme, il faut sortir de la temporalité habituelle. Il existe pour cela des "bunkers" ou laboratoires du soleil avec de la lumière artificielle et aucun lien avec le dehors. La première initiative de ce genre est restée célèbre : c'est celle de Michel Siffre dans le gouffre de Scarasson en 1962. Ce spéléologue était resté pendant deux mois dans une grotte sans lumière avec une tepérature constante et sans lien avec l'extérieur. Il s'était rendu compte que son horloge interne décalait de 30 minutes. En sortant de la grotte, Michel Siffre croyait être quelques jours avant la véritable date. 

Ce sont donc dans ces conditions extrêmes que l'on peut avoir une idée précise de son horloge interne. Ces conditions sont recrées artificiellement. La moyenne mondiale est autour de 24h30.

Que faire si l'on souffre vraiment trop du jet-lag une fois arrivé à destination ? Y-a-t-il des comportements à risque à éviter si l'on ne veut pas trop en souffrir longtemps ?

Deux signaux principaux synchronisent l'horloge : la lumière et l'activité physique. On se recale plus vite si on donne des signaux de synchronisation. Il faut donc bien s'exposer à la lumière du matin. Il est aussi conseillé de faire un peu d'exercice juste après son réveil pour éveiller son horloge et accéléré la remise à l'heure. Il faut aussi reprendre le plus vite possible son rythme de vie, ne pas subir. 

Il faut éviter d'avoir trop recours aux écrans pendant ce temps-là. La lumière bleue est le signal du matin, la lumière pour se réveiller. Mais c'est aussi la lumière des écrans d'ordinateur. Il faut donc éviter de désorienter encore plus son horloge interne en lui envoyant un signal contradictoire et artificiel de plus.

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