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Hystérie partout, politique nulle part : mais comment la fin du quinquennat Hollande en est-elle venue à ressembler à une situation d’urgence psychiatrique ?
©Allociné

Défiance mutuelle

Alors que Manuel Valls a imposé le recours à l'article 49-3 de la Constitution dans le cadre du vote de la loi Travail, la situation est plus que jamais tendue dans les hautes sphères de l'exécutif français. Une situation qui pourrait malgré tout durer jusqu'à la fin du quinquennat de François Hollande.

Jean-Jérôme Bertolus

Jean-Jérôme Bertolus

Jean-Jérôme Bertolus est un journaliste politique français. Spécialiste des questions de l'Elysée et du Gouvernement pour i-Télé, il a déjà publié divers ouvrages dont Tir à vue: La folle histoire des présidentielles, avec Frédérique Bredin, aux édtions Fayard, 2011 (disponible ici). 

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Atlantico : Ce mardi 5 juillet, le député PS Olivier Faure a présenté en réunion de groupe un amendement à l'article 2 de la loi Travail pour lequel il s'était mis d'accord avec les frondeurs, garantissant au texte de passer sans 49-3. Pourtant, Manuel Valls a refusé cet amendement, parlant de "trahison" et imposant le 49-3. Au-delà de cet épisode, et au vu du contexte actuel, peut-on parler d'une fin de quinquennat "hystérisée" ?

Jean-Jérôme Bertolus : Je n'emploierais pas forcément cet adjectif. Mais c'est assurément un quinquennat qui s'achève dans la défiance, puisque Manuel Valls a effectivement refusé l'amendement d'Olivier Faure qui est, rappelons-le, porte-parole du Parti socialiste. Il faut d'ailleurs observer le silence de Jean-Christophe Cambadélis depuis quelques jours... C'est moins une hystérisation qu'une défiance, parce que si Manuel Valls a refusé cet amendement, c'est qu'il ne faisait plus confiance aux frondeurs. Il pensait qu'ils étaient capables à travers cet amendement de redétricoter le texter et de reprendre du poil de la bête dans la discussion générale.

Il y a eu trois recours à l'article 49-3. La première fois, c'était pour la loi Macron, après une discussion générale, article par article. Finalement, l'exécutif avait jugé qu'un vote présentait un certain risque, mais toute la procédure parlementaire avait été respectée.

La deuxième fois, déjà pour la loi El Khomri, faisait suite à une discussion générale, notamment sur l'article 1. C'est au terme de cette discussion que le gouvernement a pris la décision d'utiliser le 49-3.

Là, il y a eu seulement un travail en commission pendant trois jours... Cela montre que le gouvernement n'a plus de majorité, et que dans la majorité qui lui reste, il a des interrogations.

Ce qui est intéressant dans cette histoire d'amendement, outre le poids de celui qui l'a déposé, c'est que cela allait bien au-delà des frondeurs. Il y avait d'anciens ministres hollandais, des députés légitimistes... Cela montre que ce groupe parlementaire est en mille morceaux. D'ailleurs, même la gauche de la gauche du groupe parlementaire est divisée : les aubrystes ont refusé de s'associer à la démarche des frondeurs sur la motion de censure et ont critiqué les députés, comme Karine Berger, qui appellent à la démission de Manuel Valls.

C'est donc moins une hystérisation qu'une défiance, et on ne gouverne pas dans la défiance. Dans les institutions républicaines, un gouvernement gouverne avec l'assemblée, il faut donc un minimum de confiance. Aujourd'hui, cette confiance n'existe plus.

Comment expliquer ce climat délétère au plus haut niveau de l'exécutif depuis plusieurs mois ? Est-ce davantage la responsabilité de Manuel Valls, de François Hollande, ou simplement de l'alchimie entre les deux ?

Il est très clair qu'aujourd'hui, Manuel Valls trace son sillon, qui est celui de la fermeté. Il est persuadé que les attentats de 2015 ont fait entrer la France dans une nouvelle époque, et que dans cette nouvelle ère, il convient de valoriser la fermeté et l'autorité. Pour lui, cela va jusqu'à la clarification et la rupture avec une certaine gauche.

Manuel Valls fait du Manuel Valls, avec cette pensée profonde que la France a changé d'époque dans tous les domaines (pas seulement le domaine de la lutte antiterroriste). François Hollande fait du François Hollande. Il ne prend pas la parole, il est très distant par rapport aux journalistes sur le terrain. Celui qui a eu le mot juste sur ces quatre mois de débat autour de la loi Travail, c'est Laurent Bergé, qui a dit mardi que le gouvernement était incapable de donner du sens à cette loi.

Cette loi ne sera votée que vers le 20 juillet, mais on se demande tous aujourd'hui ce qu'il y a dedans. Pourquoi quatre mois de débat et de déchirements ? Cela laisse les Français pantois. On sortait en plus d'une séquence sur la déchéance de nationalité qui était tout aussi ubuesque. Séquence après séquence, le gouvernement ne donne plus de sens à son action, à la fermeté prônée par Manuel Valls. La fermeté c'est bien, mais encore faut-il défendre une position. Aujourd'hui, cette position n'est pas expliquée, il n'y a aucune pédagogie, au sens noble du terme, autour de cette loi.

Il faut bien noter que, de manière incroyable, la veille de l'utilisation du 49-3 par le Premier Ministre, un ministre – Thierry Mandon pour ne pas le citer – a dit qu'il fallait retirer cet article de la Constitution ! Ce gouvernement n'est plus tenu. Nous avons ainsi Matignon, qui est une forteresse de la fermeté, le gouvernement, qui est un peu en apesanteur avec des positions contradictoires, et l'Elysée qui est une autre forteresse, celle du flou. On laisse partir Manuel Valls puis on lui retire quelques fois le tapis sous les pieds comme lors de la manifestation interdite.

Encore une fois, François Hollande fait du François Hollande. Ce n'est pas un homme à trancher dans le vif et à se mettre dans une position d'autorité. Il aime bien laisser toutes les hypothèses se développer et faire en sorte que la situation se tranche pratiquement d'elle-même. On a par ailleurs assisté à un autre épisode ubuesque lors de cette séquence loi Travail, avec des Hollandais monter au créneau au Sénat et à l'Assemblée nationale contre le Premier ministre ! Finalement, François Hollande, depuis le Japon, a tranché en faveur de ce dernier. Pourquoi ne l'a-t-il pas fait avant ?

Je ne sais donc pas si on peut vraiment dire qu'il n'y a pas d'alchimie entre les deux. Peut-être qu'au contraire, chacun est complètement dans son rôle. Ce qui est vrai, c'est que Manuel Valls est pressé publiquement, avec certaines personnes qui le poussent à quitter Matignon.

A quoi peut-on s'attendre pour la suite et la fin du quinquennat Hollande ? Est-il réellement envisageable de poursuivre le climat actuel jusqu'au terme du quinquennat ? Quelles en sont les éventuelles portes de sortie ?

On peut poursuivre comme cela pour la simple et bonne raison que la loi Travail est le dernier grand texte du quinquennat. Il y aura la loi de finances à la rentrée, mais au niveau parlementaire c'est fini.

Aujourd'hui, chacun a en tête la présidentielle. Les prochains épisodes seront purement politiques, où il n'y aura même plus de textes de lois qui serviront de prétexte. En tout état de cause, le quinquennat s'achève sur le fond le 20 juillet lorsque la loi El Khomri sera définitivement votée. Après cela, tous les éventuels épisodes (démission d'Emmanuel Macron, interrogations de Manuel Valls, bons chiffres du chômage...) seront passés à la moulinette de la présidentielle. On rentrera vraiment dans la perspective de la présidentielle. Dans cette optique-là, tout peut être géré. On sera ainsi débarrassé des pesanteurs, de savoir si l'on a une majorité ou pas, etc. On rentrera dans une autre séquence, celle de la présidentielle.

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