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Elizabeth II : et si c'était elle la meilleure représentante du "british sense of humor" ?
©Reuters

Bonnes feuilles

L'histoire se conjugue spontanément au tragique et préfère l'exceptionnel à l'ordinaire. Ce constat vaut particulièrement pour les figures de proue dont on connaît les grandes heures, les mots célèbres, les conflits et les fins, surtout lorsqu'elles sont dramatiques, mais à peu près rien de la vie quotidienne qui constitue pourtant l'ossature de leur existence. Quelles étaient leurs habitudes ? Comment se déroulaient leurs journées ? Extrait de "Une journée avec", sous la direction de Franz-Olivier Giesbert et Claude Quetel, aux éditions Perrin 2/2

Jean des Cars

Jean des Cars

Jean des Cars est l’historien des grandes dynasties européennes et de leurs plus illustres représentants. Parmi ses grands succès : Louis II de Bavière ou le Roi foudroyé, Sissi ou la Fatalité, La Saga des Romanov, La Saga des Habsbourg, La Saga des Windsor, La Saga des reines et La Saga des favorites. En 2014, il a publiéLe Sceptre et le sang : rois et reines dans la tourmente des deux guerres mondiales. Ses ouvrages font l'objet de traductions, notamment en Europe centrale.

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Franz-Olivier Giesbert

Franz-Olivier Giesbert est journaliste, biographe et romancier. Il a récemment publié une Histoire intime de la Ve République en trois volumes, dont le dernier est paru en novembre 2023.

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A day in the life of Elizabeth II par Jean des Cars

L’art d’être une grande reine

Loin d’être figée dans la seule tradition, la reine est pourtant capable de surprendre la terre entière ! Au soir du vendredi 27 juillet 2012, en pleine célébration de son jubilé de diamant et pour l’ouverture des Jeux olympiques, elle a accepté pour la première fois de jouer son propre rôle dans un film de six minutes, spectaculaire et très drôle, prouvant que le british sense of humor est aussi un apanage de la Couronne. Star inattendue, souvent parodiée, Elizabeth II a donné la réplique à James Bond lui-même, alias le comédien Daniel Craig, dernier détenteur du rôle. La séquence fut préparée dans la plus grande confidentialité au mois de mars 2012. Jugez plutôt si vous ne l’avez pas vue : un taxi s’arrête dans la cour d’honneur de Buckingham Palace. Un homme en descend, élégant dans son smoking, sa tenue de travail préférée. L’agent 007 est d’abord accueilli par deux petits fauves, les inévitables corgis, nullement impressionnés. James Bond monte alors au premier étage en foulant le tapis rouge, puis est accueilli par un majordome qui lui ouvre le bureau de la reine où elle travaille. Celle-ci, vêtue de rose et d’un inévitable bibi à plumes, lève les yeux vers son visiteur et lui dit, avec le plus grand sérieux :

– Good evening, Mister Bond.

Droit comme un i, il répond :

– Good evening, Your Majesty.

L’agent est venu chercher la reine, sa reine, pour une mission très spéciale, olympique. Ils marchent côte à côte. Tous deux empruntent un corridor, puis descendent l’escalier de marbre. Ils montent dans un hélicoptère, laissant les deux chiens vexés et penauds  : le film continue sans eux! Cinq secondes plus tard, l’appareil survole le stade. Le vrombissement des rotors force 80000  spectateurs et près d’un milliard de téléspectateurs à lever les yeux. Deux silhouettes s’élancent dans le vide. A la stupéfaction de la foule – hilare ! –, la reine et James Bond sautent en parachute. Leurs corolles s’ouvrent aux couleurs de l’Union Jack, déclenchant un séisme d’applaudissements. Bien sûr, comme l’a immédiatement précisé un communiqué de Buckingham Palace, Sa Majesté était doublée par un cascadeur professionnel (qui s’est malheureusement tué quelques mois plus tard). En jouant le jeu et en partageant le goût de son peuple pour l’autodérision, la reine, si souvent mise en scène dans sa fonction depuis près de soixante-quatre ans, a touché le cœur de tous les Britanniques. Et, selon le palais, elle a pris « tant de plaisir » à être complice des caméras du réalisateur Danny Boyle qu’elle a ajouté un nouveau record, inoubliable, à son exceptionnel palmarès : la médaille d’or de l’humour muée en une immense popularité.

Le peuple britannique a suivi, souvent avec tristesse, parfois avec colère, les relations souvent compliquées, parfois conflictuelles, de la reine avec ses proches, car elle est aussi chef de famille. Elizabeth a eu quatre enfants : Charles, prince de Galles, son successeur désigné, né en 1948; Anne, née en 1950, Andrew, duc d’York, né en 1960, et Edward, comte de Wessex, né en 1964. La reine est huit fois grand-mère et cinq fois arrière-grand-mère. L’année 1992, qu’elle qualifia d’« annus horibilis », fut celle de divorces et de l’incendie spectaculaire du château de Windsor. Et, en 1997, la mort de son ex-belle-fille Diana – avec laquelle sa relation était notoirement exécrable – provoqua le tsunami médiatique et émotionnel que l’on sait. La froideur de la reine face à l’événement tourna presque à l’hostilité. Il fallut du temps et l’intervention du Premier ministre Tony Blair pour que le lien affectif entre la souveraine et la population, brisé par son apparente indifférence, soit reconstitué par son retour à Londres et un discours « obligé » saluant « la princesse des cœurs ». Son jubilé d’or (cinquante ans de règne) en 2002 fut terni par la perte de sa sœur, Margaret, en février, puis de sa mère, en mars. Depuis, avec son jubilé de diamant en 2012 et son record de longévité sur le trône en septembre 2015, Elizabeth II a achevé une formidable et exceptionnelle reconquête de l’opinion.

Extrait de Une journée avec, sous la direction de Franz-Olivier Giesbert et Claude Quetel, publié aux éditions PerrinPour acheter ce livre, cliquez ici

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