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Journée mondiale du don du sang : pourquoi la France en manque tant et pourrait le payer cher en cas de nouvel attentat (ou autre catastrophe)
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A l'occasion de la journée nationale du don du sang, ce mardi 14 juin, il est primordial de souligner le risque de pénurie auquel la France est aujourd'hui soumise : les Français ne donnent plus suffisamment de sang et les stocks sont sur le déclin.

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Atlantico : Ce mardi 14 juin a lieu la journée mondiale du don du sang et la France compte particulièrement sur l’événement pour éviter une pénurie d’ici l’été. Un tel scénario est-il effectivement à craindre ? Pour quelles raisons ?

Stéphane Gayet : Le niveau des réserves en produits sanguins est en effet très bas aujourd’hui en France et la situation est donc particulièrement fragile. C’est pourquoi l’Établissement français du sang (EFS) lance un appel urgent à la mobilisation des donneurs de sang, en cette journée mondiale des donneurs de sang. En plus des 132 sites fixes de prélèvement, quelque 300 collectes festives sont organisées dans cette semaine du 14 juin.

Non seulement l’été approche à très grands pas, et c’est une période où les dons de sang diminuent naturellement chaque année, en raison d’une baisse de fréquentation des collectes, essentiellement due aux déplacements et changements d’habitude liés aux vacances. Mais de plus, nous sommes au début de l’Euro 2016 et l’on sait qu’un tel événement majeur dans le monde du football peut être à l’origine d’accidents de personne en grand nombre, qui sont consommateurs de sang. Ainsi, l’EFS se multiplie actuellement en appels aux dons, avec l’objectif d’obtenir une hausse d’au moins 15% des dons, soit 30 000 dons supplémentaires par rapport aux objectifs habituels, de façon à recouvrer un niveau de sécurité en réserves de sang.

Car les produits sanguins ont une durée de vie limitée (42 jours pour les globules rouges, 5 jours pour les plaquettes) et il faut des dons réguliers afin que les stocks se reconstituent. Il est utile de préciser qu’il faut chaque année en France pas moins de deux millions et demi de dons pour répondre aux besoins en produits sanguins d’un peu moins d’un million de malades. Avec l’allongement de la durée de vie, l’âge moyen des personnes transfusées augmente. Or, plus l’âge des malades en besoin de transfusion sanguine est élevé, plus les traitements transfusionnels se prolongent dans le temps et plus les quantités de sang nécessaires sont grandes. En d’autres termes, un sujet jeune en besoin de transfusion va se rétablir beaucoup plus vite, et il aura de ce fait besoin de moins de sang et pendant moins longtemps. Voilà pourquoi en cette mi-juin on manque de sang d’une façon critique.

De quelles solutions disposons-nous pour nous protéger contre cette pénurie ? Que dire de la rémunération du don, ou encore du sang artificiel ? Dans quelle mesure ces solutions sont-elles limitées ?

Les décisions de transfusion sanguine ont longtemps été laissées au libre arbitre des médecins, comme du reste les prescriptions de la plupart des médicaments. Mais aujourd’hui, des recommandations précises ont été édictées par les autorités de santé en matière d’utilisation de produits dérivés du sang humain. Parallèlement, la transfusion sanguine est devenue très sécurisée et les accidents transfusionnels sont vraiment rares actuellement. On peut donc affirmer que les produits dérivés du sang humain sont beaucoup mieux utilisés que dans les années 1980. Mais, malgré toutes ces mesures qui contribuent à limiter le nombre des transfusions sanguines, les besoins restent très importants. On dénombre en effet à ce jour plus de 80 maladies du sang ou "hémopathies", pour le traitement desquelles des produits sanguins demeurent le plus souvent plus que nécessaires.

Dire que le sang est indispensable au fonctionnement du corps humain est un truisme. Mais il est moins banal de dire que rien aujourd’hui ne peut véritablement le remplacer : c’est pourquoi les dons de sang sont aussi essentiels. Constitué de globules rouges ou hématies, de plasma, de plaquettes et de globules blancs ou leucocytes, le sang dit " total" provenant des donneurs permet à l’Établissement français du sang (EFS) d’élaborer et de distribuer en permanence des produits sanguins dits "labiles", c’est-à- dire ayant une durée de conservation limitée.

En France, le don du sang est régi par les principes fondateurs de la transfusion sanguine (loi du 21 juillet 1952). Ces principes fondateurs sont l’anonymat, le bénévolat, le volontariat et le non-profit. La loi du 4 janvier 1993 relative à la sécurité en matière de transfusion sanguine et des médicaments a renforcé ces principes éthiques, qui figurent par ailleurs dans des recommandations et chartes de droit international. Si l’Union européenne recommande également le don anonyme et gratuit, elle n’en a pas fait une obligation réglementaire, pour l’instant du moins. La très grande majorité des professionnels interrogés estime qu’il faut préserver ces valeurs à tout prix (86,2%). Près de 8% pensent qu’il pourrait y avoir des exceptions et près de 6% sont sans opinion. C’est dire que la rémunération du don du sang n’est absolument pas à l’ordre du jour en France. Mais qui peut affirmer que cette position n’évoluera pas un jour  ? Il est certain qu’une "marchandisation" du sang humain entraînerait des dérives mercantiles et bien des excès : exploitation des plus pauvres, trafic, choix des receveurs, mise en danger des donneurs tentés de trop donner, etc.

Le sang artificiel reste une voie de recherche. Régulièrement, on lit que l’on vient de faire une avancée décisive dans ce domaine, puis plus rien. Car c’est extrêmement complexe. Chaque globule rouge est une usine prodigieuse où se réalisent en permanence des milliers d’opérations biochimiques. On a cru également, il y a quelques années, qu’avec les hématies d’un ver marin "donneur universel", on pourrait remplacer les globules rouges de l’homme, mais il a fallu là aussi déchanter. Bien sûr, ces différentes voies restent à l’étude. Mais rien d’opérationnel pour le moment et sans doute pour longtemps encore.

Outre le simple fait que les réserves soient basses, quelles complications cela est-il susceptible de provoquer cet été ? Une pénurie signifie-t- elle que nous ne serions pas en mesure de faire face à un troisième attentat, ou à une autre catastrophe majeure ?

L’Établissement français du sang a le devoir de reconstituer ses stocks, cela fait partie de sa mission de service public. C’est pourquoi il multiplie les alertes et autres actions de communication actuellement, pour inciter les donneurs enregistrés et les donneurs potentiels à donner leur sang, quitte à exagérer la gravité de la situation. Car il doit absolument se montrer à la hauteur des besoins, c’est dans son essence même. Il est à dire vrai fort peu probable que l’on se trouve un jour en pénurie telle que l’on ne puisse pas répondre à des besoins urgents de sang.

En outre, il ne faut pas méconnaître le fait qu’en cas de situation de catastrophe, un élan de solidarité nationale pousse de très nombreuses personnes à se précipiter pour donner leur sang. De plus, en cas d’extrême urgence, on autorise des modalités particulières de prélèvement et surtout de traitement du sang, qui permettent d’accélérer ces différents processus qui en temps normal sont longs.

De surcroît, en cas de besoin particulier, on peut également probablement compter sur une solidarité européenne : il est plus que probable que des pays riverains seraient tout à fait prêts à nous aider, tout permet de le penser en raison des fondements et des valeurs de la Communauté européenne.

Ainsi, une pénurie de sang en France atteignant un niveau qui ne permettrait plus de sauver des vies humaines, reste tout de même une éventualité vraiment peu probable. Mais qui sait ?

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