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Après le rabot, le demi rabot : pourquoi la danse du ventre de Hollande autour de la réduction des dépenses des collectivités locales est symptomatique de son manque de méthode
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A la mode Leonarda

François Hollande s'est rendu ce jeudi 2 juin au 99e Congrès des maires. Il y a annoncé un allègement de 50% de la baisse des dotations aux collectivités locales, offrant ainsi une petite bouffée d'air aux communes, régions et autres départements.

Jean-Luc Boeuf

Jean-Luc Boeuf

Jean-Luc Bœuf est administrateur général. Auteur de nombreux ouvrages, son dernier livre : les très riches heures des territoires (2019), aux éditions Population et avenir. Il est actuellement directeur général des services du conseil départemental de la Drôme (26)

 

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Atlantico : Lors du Congrès des maires de France, François Hollande a annoncé que la baisse des dotations sera divisée finalement par deux. Pour les communes, cette limitation représente 1 milliard d'euros. Comment interpréter ce nouveau "cadeau" fait par François Hollande ? Faut-il y voir un renoncement à faire porter les efforts budgétaires par des collectivités ? En quoi ces efforts étaient pourtant justifiés ?

Jean-Luc Boeuf : Soyons très clairs : à cette question, il y a deux réponses à faire. La réponse politique, d'abord, puis la réponse financière. La première n'est pas si complexe, quand on se souvient de l'échéance qui approche : nous sommes à un an de l'élection présidentielle. François Hollande est littéralement malmené dans les sondages. Face à la bronca de son propre camp, face à l'ambiance glaciale du Congrès des maires, il ne pouvait pas - ou très difficilement - ne rien annoncer. Sur l'aspect purement financier, cette nouvelle n'est évidemment pas bonne. Et pour cause ! Les efforts entrepris, depuis deux ans maintenant, par la France sur ses finances publics (et par les collectivités locales dans un effet de cascade logique) donnent le sentiment - à tort - qu'on distribue de l'argent. Ce n'est pas vrai ! Si l'on devait schématiser, l'Etat a expliqué aux collectivités locales qu'au lieu de leur prendre deux euros, il n'en prendrait qu'un mais réclamerait un euro de plus de dépenses. Cette annonce du chef de l'Etat finance à peine le coût de la revalorisation du point d'indice des fonctionnaires et celui du PPCR, le plan de revalorisation de carrière des agents. Cela ne finance pas non plus les transferts de compétences rampants, comme celui détaillé dans le projet de loi proposé par le ministre de la Justice : faire enregistrer les taxes dans les mairies et les préfectures. Cela correspond à 700 postes au niveau national que devront se payer les villes-préfectures. Quimper, par exemple, si le projet de loi passe en l'état, se devra d'enregistrer les taxes en tant que chef-lieu de préfecture.

Pour autant, on ne peut pas aller jusqu'à y voir un renoncement à faire porter le moindre effort budgétaire par nos collectivités. Cela nous ramène à la première partie de la réponse, celle qui ne touche qu'au domaine de la politique. Là où c'est très malin de la part de François Hollande, c'est qu'il ne s'agit pas ici de la distribution d'argent, mais d'une simple "moindre diminution". En outre, rien ne permet de savoir ce qu'il se passera en 2018, une fois que le nouveau président de la République sera élu. Dans tous les cas, il devra faire valider son plan budgétaire par Bruxelles. Quoiqu'il veuille faire, il devra tenir la trajectoire de la France en matière de déficit public. Or, dans ce déficit public, on compte les collectivités locales.

Enfin, il faut souligner que les efforts demandés aux collectivités sont, effectivement, pleinement justifiés. Cela se manifeste d'une façon très concrète et très visible : pour la première fois depuis l'histoire de la République, les dépenses de fonctionnement des collectivités locales sont stabilisées. C'est le cas en 2014, c'est également le cas en 2015 et il est tout à fait probable que ça soit le cas en 2016. Concrètement, cela signifie que l'effort demandé a rendu nécessaire la recherche d'économie au sein des collectivités locales. Je ne parlerais pas d'équilibre dans la mesure ou, par construction, le budget d'une collectivité locale doit toujours être équilibré. Tant en fonctionnement qu'en investissement. Mais le fait est que cela a contraint les collectivités locales à de sérieux efforts d'ajustement de leurs dépenses courantes. Il faut également prendre en compte les aspects macro-économiques et micro-économiques. Avoir diminué les recettes de fonctionnement des collectivités locales en a naturellement obligé certaines à augmenter les impôts. Cela représente néanmoins un cas particulier, selon qu'on parle de commune, de département ou de région... Cette baisse des dotations a eu un double effet : d'une part, l'Etat a diminué ses dépenses car il donnait moins aux collectivités. D'autre part, il les a forcées à faire des économies puisqu'elles ne pouvaient pas compenser l'ensemble de cette baisse avec les seules hausses d'impôts. C'est clairement un cercle vertueux.

Cependant, les collectivités éprouvaient de réelles difficultés à réaliser les objectifs fixés, avec pour conséquence de voir fondre leur niveau d'investissement. Comment expliquer que les efforts réalisés n'ont pas porté là où ils se justifiaient le plus ?

Il est primordial de faire la différence, dans le budget des collectivités locales, entre les deux parties qui le composent. L'une est consacrée au fonctionnement, l'autre aux investissements. Chacune d'entre elle doit être équilibrée. Pour celle relative au fonctionnement, c'est assez simple : il s'agit d'une simple soustraction entre recettes et dépenses, qui résulte sur ce que l'on appelle l' "épargne brute". Concrètement, il s'agit de ce que l'on pourrait désigner comme de l'autofinancement. On reporte ensuite ce dernier dans les recettes d'investissements, et il contribuera à financer les investissements. Ca n'est pas la seule façon de le faire, il en existe en effet trois. D'abord au travers de l'autofinancement, ensuite au travers des dotations et enfin grâce à l'emprunt.

Les baisses de recettes de fonctionnement de l'Etat ont nécessairement généré des baisses dans l'épargne brute des collectivités locales. Certaines collectivités ont donc fait le choix de ne pas augmenter les impôts, mais de moins investir l'année suivante. Il est difficile de dire néanmoins que ne pas investir soit "dangereux" à proprement parler. Cela nuit clairement au dynamisme de la collectivité, mais selon le prisme que l'on emploie pour observer la situation, elle n'apparaîtra pas de la même façon. Les collectivités doivent d'abord entreprendre un effort drastique dans la maîtrise de leur dépense courante, puis, dans un second temps, baisser leurs investissements pour reconstituer leurs marges. Pour ne pas dégrader les investissements des collectivités locales, il aurait fallu qu'elles baissent leurs dépenses de fonctionnement de la même manière que l'Etat a baissé les dotations. Ce n'est pas impossible, mais c'est particulièrement difficile, notamment à cause de la rigidité des dépenses de personnel. Quand on recrute un agent, il faut le payer l'année suivante. Face à la baisse des dotations de l'Etat, les collectivités ont utilisé (ou non) les trois leviers suivants : l'impôt pour compenser la baisse (le plus simple, mais très peu l'on fait), la baisse partielle des dépenses de fonctionnement, ou la baisse partielle de l'épargne brute... avec les conséquences qu'on sait sur l'investissement l'année suivante.

Moins d'épargne brute implique moins d'investissement. Moins d'investissement implique que le secteur du bâtiment, par exemple, souffre. Toutes les collectivités sont moins dynamiques dans ce genre de situation. Si l'on se place du côté des entreprises, c'est une situation catastrophique, particulièrement quand elle cherche à conquérir des marchés publics. En revanche, du point de vue du contribuable, c'est plutôt positif en cela qu'il n'y a pas eu d'utilisation du levier fiscal et qu'il n'y aura pas de dépenses à l'avenir pour financer l'investissement. Enfin, l'Etat et les collectivités peuvent afficher patte blanche vis à vis de l'Union européenne. Dès lors, il est difficile de dire que c'est seulement négatif.

Quelle serait la solution, permettant de faire porter les efforts sur les postes nécessaires, notamment sur les effectifs, comme a déjà pu l'indiquer la Cour des Comptes, en lieu et place des choix de facilité, comme l'investissement ?

En premier lieu, avant de rentrer dans le fond du sujet, il m'apparaît intéressant de rappeler une brève anecdote relative à la Cour des Comptes. Cette dernière ne manque guère de sel, tout spécialement quand on sait qui en est le président aujourd'hui. L'actuel président de la Cour des Comptes a été, lors de l'exercice de sa dernière fonction, président d'une communauté d'agglomération. Il en a fait exploser l'endettement et a utilisé des emprunts toxiques. Un autre président de la Cour des Comptes était auparavant ministre et a fait voter la loi relative aux intercommunalités en 1992. Il a fait exploser le nombre d'intercommunalités auxquelles l'Etat se devait de fournir de l'argent. Quelques années plus tard, alors qu'ils occupent dorénavant d'autres fonctions, ils viennent faire la leçon aux collectivités locales. Cela ne manque définitivement pas de sel, mais nous pouvons fermer la parenthèse.

Pour en revenir à la question de l'emploi des collectivités locales, il y a plusieurs possibilités d'actions. La première d'entre elles est bien évidemment de cesser le recrutement. On peut également supprimer des postes, ne pas remplacer des départs en retraites ou encore supprimer des missions... Il est également possible de revoir le régime des prix des agents ou de s'assurer que ceux-ci travaillent au moins 35h. Par facilité, le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux s'est imposé en France. C'est loin d'être la meilleure façon de procéder. Au niveau d'une collectivité locale, cela ne fonctionne pas : les agents allongent leur durée de carrière aujourd'hui. En outre, cela provoque d'autres dépenses liées aux prestations qu'il faudra facturer à un autre prestataire. Il faudrait jouer sur un peu tous ces éléments.

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