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L’anti-Hollande : pourquoi la "majorité claire" dont rêve Alain Juppé après 2017 risque d’être plus compliquée à construire que prévu
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En manque de soutiens

Régulièrement présenté comme le grand favori à la primaire de la droite, Alain Juppé est parfois décrié par ses adversaires pour sa façon d'incarner un consensus "mou", un peu à l'instar de François Hollande. Mais le maire de Bordeaux et le président de la République partagent une autre particularité : ils ont (ou auraient) beaucoup de mal à rassembler une majorité.

Atlantico : Alain Juppé, candidat favori de la primaire de droite, a récemment expliqué qu'il voyait dans la campagne de François Hollande en 2012 un "contre-modèle" parfait puisque celui-ci avait finalement été élu "avec une majorité qui n'était pas la sienne", mais le fruit d'un attelage entre le PS de Martine Aubry et les écologistes. Quelles chances a quant à lui le marie de Bordeaux de parvenir à réunir une véritable majorité ?

Maxime Tandonnet : Dans la pratique habituelle de la Ve République, jusqu'à maintenant, le président de la République obtenait une majorité présidentielle conforme à son orientation en cas d'élections législatives juste après l'élection présidentielle. Ce fut le cas en 1981, 1988, 2002, 2007. Désormais, c'est beaucoup plus difficile car la France est en train de sortir d'un système bipolaire droite/gauche. La vie politique devient de plus en plus multipolaire : droite lépénienne, droite souverainiste, droite libérale, centre, gauche libérale, gauche souverainiste, extrême gauche anticapitaliste... Avec l'expérience François Hollande, on voit bien que l'autorité présidentielle ne suffit plus à tenir une majorité et à imposer une discipline de vote. Il est vraisemblable que la situation sera encore plus ingérable sous la prochaine présidence avec probablement une présence significative de députés lepénistes et mélenchonnistes. Il est peu probable que le prochain président dispose d'une majorité absolue. Les chances de M. Alain Juppé d'atteindre 50% des sièges sur la base de ses soutiens naturels, droite libérale et centre, paraissent de fait limitées. Il est paradoxal de voir les candidats à la présidentielle préparer des programmes ambitieux alors qu'ils n'ont aucune idée de la majorité dont ils disposeront dans un contexte politique nouveau qui n'aura peut-être plus grand rapport avec le "présidentialisme majoritaire" de jadis. 

La stratégie de personnalités comme Laurent Wauquiez et Guillaume Peltier ne consiste-t-elle pas précisément à réunir de futurs "frondeurs" de droite, susceptibles de s'opposer au reste de la future majorité dans l'éventualité où le président élu serait trop centriste à leurs yeux ?

En effet, un bon tiers des députés Républicains ne partage pas la ligne européiste et libérale, centriste sur les questions de société telle qu'Alain Juppé l'incarne aujourd'hui. On peut tout à fait imaginer dans cette hypothèse un phénomène "frondeurs de droite" puissant. Sur des sujets comme la Nation, l'Europe, la sécurité ou l'immigration, une partie de la société française s'est radicalisée mais quoi qu'il arrive ne se ralliera jamais au FN. Une frange importante de la droite, plutôt proche du discours sarkozyste, sera tentée de répondre à cette attente, et refusera de laisser au FN le monopole sur ces questions. M. Juppé, élu président ne pourrait pas se contenter d'ignorer cette sensibilité. 

Alain Juppé ne sous-estime pas également la menace que représente la droite "hors les murs" récemment invitée à Béziers par Robert Ménard pour son projet de majorité ? Une large partie de la droite, bien plus radicale qu'Alain Juppé, ne refuserait-elle pas de le suivre ?

Oui, on voit bien que les clivages sont très forts en ce moment à droite. Les exemples de Hors les murs et des rendez-vous de Béziers n'est pas forcément le plus pertinent car on voit bien qu'un seul député Républicain y était présent. Mais en revanche, des mouvements comme la droite forte ou la droite populaire ont de bonne chance d'obtenir des succès électoraux importants et de réaliser des beaux scores aux législatives. Le phénomène peut d'ailleurs jouer en sens inverse. Si M. Nicolas Sarkozy était élu président sur une ligne droitière, il aurait face à lui des députés de la frange centriste des Républicains très réservés. Il me semble que dans un cas comme dans l'autre, le choix du Premier ministre serait alors déterminant pour permettre de trouver une majorité cohérente. Il faudra revenir à une approche plus traditionnelle de la pratique constitutionnelle, avec un président qui préside en se tenant au dessus de la mêlée et un Premier ministre puissant et autoritaire d'une sensibilité différente qui gouverne, de manière à ce que tout le monde s'y retrouve. Il faudra aussi chercher des compromis sur les projets.  En tout cas, plus rien ne sera sans doute comme avant. La formule de "l'hyper président" qui fait tout lui même, en permanence sous le feu de l'actualité et des caméras,  responsable de tout, de la politique économique, du social, de la défense et de l'international serait, me semble-t-il, dans le contexte tel qu'il se profile, totalement suicidaire. 

Alors qu'au moins deux tiers des investitures pour les législatives 2017 devraient être décidées par le parti Les Républicains, présidé par Nicolas Sarkozy, dans quelle mesure les députés seraient-ils réellement acquis à Alain Juppé dans le cas où il serait élu ? 

C'est très difficile à dire a priori...Beaucoup dépendra aussi de la manière dont le futur président sera élu. Son autorité personnelle et sa capacité à imposer une volonté à une majorité de députés, sera conditionnée par la manière dont il sera élu :une forte avance au premier tour, une victoire écrasante au second contre le candidat socialiste, et une très forte participation lui assureraient un prestige et une autorité capables de faire taire les voix dissidentes au moins pendant deux ou trois ans. Dans cette hypothèse, une large majorité dépassant les clivages internes aux Républicains lui sera acquise. Mais tout laisse penser que ce scénario n'est pas le plus vraisemblable, et notamment la probalilité de la présence au second tour de la candidate FN. En revanche, une avance faiblarde au premier tour, une qualification avec moins de 30%, une victoire sans mérite avec un soutien socialiste contre une candidate FN au second, une faible participation : tout cela créérait les conditions d'un quinquennat extrêmement difficile.  

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