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Comme une envie de mordre quand vous avez faim ? Voilà l’hormone qui rend désagréable et impulsif
©Pixabay

Moi, avoir faim ! Moi, pas content !

La grhéline, connue comme l'hormone de l’appétit, influence le comportement lorsque nous avons faim. Selon une étude suédoise de l'université de Göteborg, celle-ci affecterait notre self-control et notre capacité à prendre des décisions.

Catherine Grangeard

Catherine Grangeard

Catherine Grangeard est psychanalyste. Elle est l'auteur du livre Comprendre l'obésité chez Albin Michel, et de Obésité, le poids des mots, les maux du poids chez Calmann-Lévy.

Elle est membre du Think Tank ObésitéS, premier groupe de réflexion français sur la question du surpoids. 

Co-auteur du livre "La femme qui voit de l'autre côté du miroir" chez Eyrolles. 

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Atlantico : Les études sur la ghréline affirment que cette hormone affecterait notre self-control et notre capacité à prendre des décisions. Comment ?

Catherine Grangeard : La ghréline est connue depuis 1999 comme "l’hormone de la faim". Elle est produite par l’estomac et agit sur l’hypothalamus. La racine "ghre", indoeuropéenne, signifie "grandir", (grow, croître en anglais). C’est un peptide d’origine gastrique qui stimule la sécrétion de l’hormone de croissance. C’est aussi une hormone de régulation de l’appétit, elle déclenche la faim. Elle est donc très utile. Elle pénètre dans l’hippocampe depuis la circulation sanguine et agit sur la mémoire. Ainsi, diminuer la ghréline pour diminuer l’appétit et l’adiposité pourrait être perçue comme LA solution miracle pour lutter contre l’excès de poids. Mais… Un taux particulièrement bas chez des personnes obèses a été constaté et étudié par l’équipe Inserm de l’Unité 1073, dirigée par Pierre Dechelotte.

Le rôle des immunoglobulines s’y est révélé comme essentiel en transportant plus ou moins de ghréline vers le cerveau, là où la stimulation agit. Conclusion : il ne suffit pas de considérer le seul taux de ghréline pour diminuer l’excès de stimulation aboutissant à l’hyperphagie. Des études ont montré que le taux plasmatique s’élève chez des sujets soumis à un jeûne, ce qui est plutôt inattendu. L’étude suggère que la ghréline agit comme une hormone de régulation opposée à la leptine, hormone issue du tissu adipeux qui réprime les centres hypothalamiques de l’appétit. Une autre étude récente suédois, publiée dans Addiction Biology montre qu’inhiber la ghréline diminue l’activité sexuelle. "On savait déjà que la ghréline agit sur le circuit cérébral de la récompense déclenché par les aliments, l’alcool et les drogues" déclare Elisabeth Jerlhag de l’université de Gothenburg. Ce circuit de la récompense occupe un rôle central dans les addictions. Vous voyez, on sait encore peu de choses sur le rôle de la ghréline dans l’organisme.

Quels sont ses effets sur l'organisme et pourquoi nous rend-t-elle désagréable lorsque l'on a faim ?

Puisque vous interrogez une psychanalyste sur la ghréline, vous savez que le corps n’est pas qu’une machine, même merveilleuse ! Depuis des années je travaille le rapport entre le corps et la psyché et inversement, en particulier dans les questions d’obésité. L’interaction entre les messages envoyés au cerveau par les hormones et les messages envoyés au corps par la psyché est particulièrement complexe. Qui plus est ce rapport est singulier. Deux personnes ayant les mêmes dosages biologiques ne vont pas avoir les mêmes comportements, n’est pas ? De même, deux personnes élevées dans la même famille, ayant à peu près la même histoire, n’auront pas non plus exactement un même vécu… 

Quand une stimulation interne se produit, il y a de fortes chances pour qu’une réponse s’en suive… Quand on a faim, l’important est de se nourrir. Donc si des empêchements se présentent, cela contrarie le sujet. Plus ou moins fortement, au même degré de production de stimulation, selon la personne ! Cela se manifeste dans divers domaines de l’existence, le "point de non-retour" dépend à la fois des hormones et de la perception psychique induite. Ce ressenti physique est réinterprété psychiquement. N’ayant pas le même rapport les uns et les autres, à la frustration, à la nourriture, etc… ce qui est perçu comme désagréable par certains est insupportable par d’autres. La réponse est proportionnelle à ce qui est vécu subjectivement. Les effets dans l’organisme ne déterminent pas à eux seuls les conséquences sur le comportement. Certes, c’est une composante importante, une condition nécessaire mais pas suffisante.

La grhéline peut-elle influencer les comportements alimentaires de certaines personnes, par exemple lorsqu'un taux est soit trop élevé soit trop bas ?

Bien sûr, nous y voilà, "certaines personnes" sont plus déterminées par les éléments biologiques que d’autres. Pourquoi ? Pour des raisons psychiques, structurelles, résultant de leur construction, tout aussi importantes que la biologie. Quelqu’un qui a un surmoi très fort, par exemple, recevra de l’intérieur des ordres l’empêchant de satisfaire telle envie, irrésistible pour d’autres. Ce qui peut être bien, sur le plan comportemental, dans certains cas et moins dans d’autres, évidemment. Le seul taux de tel ou tel indicateur biologique ne suffit pas à tout expliquer car la tolérance personnelle, intrapsychique intervient. Elle se détermine à la fois individuellement et socialement. L’éducation d’un jeune enfant dépend (aussi) de la culture dans laquelle elle se déroule, on sait fort bien que les sociétés évoluent et que les normes sont variables. Aussi, tout ramener à un fonctionnement d’un corps-machine serait aussi réducteur que l’ignorer.

Bien évidemment, cette mixité des approches contrarie à la fois les spécialistes et les personnes, on aimerait trouver des solutions simples, définitives, à des problèmes complexes, retrouver la maîtrise et le pouvoir… Plus ce besoin primaire se manifeste et moins on part sur de bonnes bases, pourrions-nous conclure, diriez-vous… Mais pas seulement. Si les causes sont d’abord et avant tout biologiques, alors les traitements aussi. Ainsi la façon de poser le problème induit les réponses, vous êtes d’accord ? En accentuant le facteur biologique, on se dirige vars une réponse médicamenteuse. Tout médicament ayant des effets secondaires, on ouvre une boîte de Pandore. Les laboratoires pharmaceutiques ne sont pas pour rien dans ces accents posés sur un type de recherche. La manipulation se situe dans l’ombre. Le coup de projecteur sur d’autres aspects est indispensable.

Dans l’obésité, on dit et on répète partout que les aspects psychologiques sont considérables. Mais, les consultations ne sont pas remboursées alors que les interventions chirurgicales, les x médicaments le sont et coûtent une fortune à la collectivité. La question mérite d’être débattue et non tue comme elle l’est. C’est aussi vrai dans de nombreux autres domaines, prenons la dépression avant d’en terminer. Les antidépresseurs sont surconsommés en France. Coût à la fois pour la Sécurité Sociale et pour les personnes car les effets secondaires existent… mais les consultations psychologiques pour soigner le mal à la racine ne sont pas prises en charge. Paradoxe, non ? Paradoxe à méditer.

Propos recueillis par Thomas Gorriz

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