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Une nouvelle étude montre que ce que maris et femmes attendent l’un de l’autre a bien changé depuis 1939… sauf sur certains points
©wikipédia

Cupides-on

Trois chercheurs ont comparé dans une étude publiée dans le "Journal of Family Issues" comment les hommes et les femmes hétérosexuels classaient par ordre d'importance 18 qualités qu'ils attendent de leur conjoint idéal, d'abord en 1939, puis de nouveau en 2008. Résultat : les évolutions des désirs de chacun démontrent qu'on ne se marie plus aujourd'hui dans une perspective de vie, mais dans une perspective de séparation.

Catherine Pierrat

Catherine Pierrat

Catherine Pierrat est psychologue clinicienne, spécialisée dans la prise en charge des couples en difficulté. 

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Pascal Anger

Pascal Anger

Pascal Anger est psychologue, psychanalyste, psychothérapeute, sexothérapeute, systémicien et médiateur familial.

Il est également chargé de cours à Paris VII. 

Il est l'auteur de Le couple et l'autre, livre publié aux éditions l'Harmattan.

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Atlantico : En 1939, les sites de rencontres amoureux de type "Meetic" "adopte un mec" ou "Tinder" n'existaient pas. Comment les personnes se rencontraient-elles avant l'arrivée des réseaux sociaux ?

Catherine Pierrat  : Les personnes se rencontraient souvent au bal du village, lors de réunions amicales ou dans les mariages. La pratique des mariages arrangés était également courante dans les années 40. Il y avait une dimension économique dans ces alliances, surtout dans les milieux ruraux, où elles étaient par exemple conclues pour agrandir le domaine agricole et le patrimoine des deux familles. Puis, petit à petit, les femmes ont eu accès aux études supérieures et se sont mises à travailler ce qui a permis aux individus de sexe opposé de faire connaissance pendant leurs études ou sur leur lieu de travail.

Pascal Anger : les personnes se rencontraient souvant via leurs loisirs ou lors de fêtes organisées à cet effet, mais toujours en restant dans les mêmes milieux sociaux.

Selon les données d'une étude publiée dans le Journal of Family Issue, pour les deux sexes, "l'éducation, l'intelligence, la beauté, une bonne situation financière, la sociabilité, un mode de vie et de pensée politique similaires" sont des attentes du partenaire amoureux vis-à-vis de l'autre qui ont augmenté régulièrement au fil des ans. Comment expliquez-vous les évolutions de ces attentes ?

Catherine Pierrat  : Le critère de la beauté physique a pris plus d'importance au fil du temps, car nous vivons actuellement dans une société où l’image et l’aspect physiques sont très importants avec des normes de taille, poids… 

Concernant l'éducation et l'intelligence, l'augmentation de l'importance de ce critère est tout simplement due au fait que la plupart des femmes font désormais des études. 

Enfin, pour ce qui est de la pensée politique, celle-ci était réservée à certains milieux sociaux intéressait beaucoup moins de foyers et alimentait peu les discussions au sein des couples, le sujet était souvent réservé aux discussions "de bar" entre hommes. Il faut rappeler que les femmes ont pu voter pour la première fois le 29 avril 1945 ! Pendant longtemps, le droit de vote a été refusé aux femmes en raison d’arguments misogynes : celles-ci seraient faites pour être des mères et de bonnes épouses, ce qui ne serait pas compatible avec l’exercice du droit de vote ou d’un mandat politique.

A l'inverse, toujours pour les deux sexes, "la chasteté, le raffinement, la propreté, la stabilité émotionnelle, la maturité, avoir un caractère facile à vivre, une bonne santé" sont des attentes du partenaire amoureux vis-à-vis de l'autre qui ont baissé régulièrement au fil des ans. Comment expliquez-vous les évolutions de ces attentes ?

Catherine Pierrat  : Aujourd’hui, les moyens mis à notre disposition en matière d’hygiène sont nombreux ce qui a normalisé ce critère. En 1940, Un tiers des foyers n’avait pas accès à l’eau courante, et moins d’un dixième était équipé  d’une machine à laver, ce qui naturellement faisait de la propreté un critère discriminatif dans le choix d’un partenaire.

Pascal Anger : Sauf dans certains milieux religieux très pratiquants, la chasteté de la femme n'est vraiment plus du tout une attente de la part de leur potentiel partenaire masculin, en tout cas aucun de mes patients ne m'a jamais interpellé sur ce thème-là. La libéralisation de la femme fait qu'elles ne sont plus jugées par la société si elles ont eu d'autres partenaires sexuels avant de se marier.

Pour ce qui est de la santé, il faut avoir conscience que la médecine a fait d'énormes progrès depuis 1939. Se marier avec quelqu'un en bonne santé était à l'époque un critère très important, car on mourrait beaucoup plus jeune.

Pour les hommes et les femmes, "l'attraction mutuelle et l'amour" sont devenus les attentes les plus importantes du partenaire amoureux vis-à-vis de l'autre, tandis qu'en 1939, avoir un "caractère fiable" était la première des attentes du partenaire amoureux vis-à-vis de l'autre. Comment expliquez-vous l'évolution de cette attente ?

Catherine Pierrat  :Cela peut s’expliquer par le fait qu’en 1940, les couples se mettaient ensemble pour la vie. Et dans ce cas-là, il valait mieux épouser quelqu’un de fiable, de sérieux et de stable.

Aujourd’hui, on recherche davantage le plaisir facile et immédiat, les sensations fortes, et lorsque les sensations et sentiments se calment, se stabilisent et ne sont plus équivalents à ceux du début de la relation, les couples ont parfois tendance à passer très vite à autre chose, et ce d'autant plus que le divorce est aujourd’hui banalisé et ses procédures simplifiées.

On ne se marie plus forcément dans l'optique de construire toute sa vie avec quelqu'un, et de plus en plus fréquemment le mariage est l’occasion de faire une grande fête. C’est d'ailleurs un phénomène socio-psychologique inquiétant car les premières "victimes" collatérales sont les enfants en souffrance et en perte de repères que je reçois chaque jour à mon cabinet.

Pascal Anger : De ce que j'ai pu observer chez mes patients inscrits sur les sites de rencontre, nous sommes dans une époque régie par l'immédiateté et la consommation, où la construction durable n'est plus un objectif premier.  C'est en tout cas très vrai pour les hommes, qui espèrent souvent conclure rapidement le premier rendez-vous par une relation sexuelle ; ça l'est un peu moins pour les femmes, qui, même si elles disent apprécier ce mode de rencontre éphémère, cherchent en fait pour la plupart une relation durable, sans pour autant se l'avouer. Et cela cause chez elles certainement plus de dégâts psychologiques qu'on ne le pense, car la plupart de ces rencontres se soldent par des échecs sur le long terme.

Paradoxalement, les hommes chercheraient autant aujourd'hui qu'en 1939 des femmes au foyer, sachant s'occuper des enfants, faire la cuisine et assurer les tâches ménagères. Comment expliquez-vous cette absence d'évolution ?

Catherine Pierrat  :Il est clair que l'idée que la femme qui doit nécessairement s'occuper des tâches du foyer a la vie dure, dans la mentalité des hommes comme dans celle des femmes, car il ne faut pas oublier que ces dernières acceptent peut-être trop facilement ce rôle qui leur est attribué par leur conjoint, mais qui est aussi l’héritage du modèle familial.

En 70 ans, l'évolution de la société a rajouté des tâches aux femmes car désormais elles travaillent, mais elles continuent à assumer les tâches ménagères même si les hommes participent de plus en plus. Cependant, le partage équitable des tâches n’est pas encore en place !

Et les hommes qui ne cherchaient avant qu’une femme au foyer capable de s’occuper de la maison et des enfants cherchent désormais aussi une femme qui travaille et  rapporte de l'argent au foyer.

Pascal Anger : Je pense que beaucoup de mères élèvent encore leur petit garçon selon le modèle traditionnel de la femme qui gère tout au sein du foyer, sans les habituer à participer aux tâches ménagères, ce qui explique que ce schéma perdure encore aujourd'hui et a probablement de beaux jours devant lui, même si l'équilibre a quand même un peu évolué depuis 1939.

Les femmes accordent aujourd'hui plus d'importance à la situation financière de leur partenaire qu'en 1939. Pourquoi ?

Catherine Pierrat  En 1939, une jeune femme passait souvent directement du foyer parental à son propre foyer et n’avait pas forcément droit de regard sur la gestion financière du budget familial.  Mais lorsque les femmes ont commencé à travailler, elles ont de plus en plus eu droit de regard sur cette gestion financière. Bien sûr, on parlait déjà à l’époque de "bon parti", mais il y avait aussi le système de la dot !

Aujourd’hui, les femmes ont certainement compris l’importance de la situation financière de leur conjoint qui leur permet non seulement un confort matériel, mais aussi une position sociale.

Pascal Anger : L'histoire financière a bougé entre les hommes et les femmes.

Même si la plupart ne travaillaient pas, je ne pense pas que les femmes ne s'intéressaient pas à la situation financière du foyer en 1939. C'est par exemple souvent les femmes qui ont arrété les grèves ouvrières en mettant le pression sur leur mari, car elles ne pouvaient plus nourrir leur famille ; il fallait que l'argent rentre de nouveau.

Aujourd'hui, les femmes s'intéressent aussi aux revenus financiers de leur futur conjoint, mais c'est surtout pour avoir un point de comparaison avec les leurs, et aussi pour se protéger en cas de divorce, comme en témoigne l'augmentation des contrats de mariage. On ne se marie plus aujourd'hui dans une perspective de vie, mais dans une perspective de séparation.

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