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Sex addict : où placer la frontière entre hyperactivité sexuelle et pathologie ?
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Bonnes feuilles

Cet essai se propose de mettre à jour les dérives d’une récupération excessive, par la médecine et la psychiatrie, de certaines de nos conduites sexuelles, même excessives, qui ne sont en rien une maladie. Être hypersexuel ne signifie pas être déviant ou malade inéluctablement. Extrait de "Fantasmes et réalités sur les Sex addicts", de Jean-Claude Matysiak, publié chez JC Lattès (1/2).

Jean-Claude Matysiak

Jean-Claude Matysiak

Jean-Claude Matysiak est psychiatre, directeur médical du centre hospitalier du Littoral à Villeneuve-Saint-Georges. Il a publié de nombreux livres, dont Les Pathologies de l’excès (Lattès, 2006) et Le Désir malade (Lattès, 2011) avec la collaboration de Marc Valleur. Il participe régulièrement à des émissions de radio et de télévision, et est également sollicité par la presse écrite.
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Bien sûr, la masturbation devant un site pornographique n’a rien d’une maladie, pas plus que des relations sexuelles multiples. Avoir une vie sexuelle riche et variée peut être un facteur positif d’équilibre psychologique. Mais où peut-on tracer la frontièrere entre hyperactivité sexuelle et maladie ? Il me semble très compliqué et hasardeux de la délimiter, car empreinte d’une relativité, et variabilité, personnelle incontestable. Ainsi, je crois que seule la souffrance individuelle ou les conséquences néfastes de ces excès peuvent, dans un premier temps, être un élément de démarcation entre normalité et addiction.

En effet, la sexualité est, par excellence, le domaine de nos conduites où il reste extrêmement arbitraire de fixer la frontière entre normalité, déviance, criminalité et maladie. La culture, la religion et l’histoire sont toujours impliquées largement dans cette détermination. Je le constate chaque jour dans mes consultations.

Plus encore, cette frontière peut largement évoluer en fonction des époques. De nos jours, l’homosexualité ou encore la masturbation ne sont plus regardées comme un crime, mais comme un choix, ou une pratique, légitime. Mais cela peut aussi, déjà, être un début de malaise et source de difficultés personnelles ! Certains de mes patients souffrent seulement du décalage entre leurs pulsions, même naturelles, et la censure imposée par leurs croyances religieuses ou morales.

Alors où débute la maladie ? Dans le domaine sexuel, seules les perversions sont, actuellement, reconnues scientifiquement comme des maladies. Pour éviter toute confusion conceptuelle, je pense qu’il est important de réserver, en première intention, le terme d’addiction sexuelle aux conduites qui n’impliquent justement pas ces déviations que sont les perversions (pédophilie, zoophilie, nécrophilie…) ou encore sadisme ou masochisme. Même si nous pouvons, dans certains cas, y retrouver une part addictive. Nous le verrons chez certains de mes patients.

Par de nombreux autres ouvrages plus généraux sur les addictions, nous avons pu, avec Marc Valleur, commencer à montrer les similitudes qui existent entre la dépendance au sexe et d’autres addictions, comme l’alcool ou le jeu. Ces travaux ont permis à ces accros de ne plus considérer leurs excès comme un vice ou un péché, de pouvoir analyser leurs conduites comme similaire à d’autre addictions reconnues, et d’oser consulter. En contrepartie, la diversité de leurs histoires de vie a été à l’origine de la progression de la définition du concept d’addiction sexuelle et donc de ce livre. Quelles que soient leurs histoire familiales, leurs croyances religieuses ou encore leurs difficultés amoureuses, les compulsions sexuelles détruisent leur vie sournoisement. Pour d’autres, cependant, ce sont plus leurs conduites d’infidélité ou la masturbation qui entrent en conflit avec leurs valeurs morales ou religieuses et les font souffrir.

Je vous propose donc d’inscrire comme fil conducteur de cet essai l’addiction dans une pratique anormale et engloutissante de relation sexuelle, qui devient le centre de l’existence, et nuit à tout le reste des investissements, sans ne plus apporter de réelles satisfactions.

Ainsi, nous découvrirons que trois profils principaux de patients viennent me demander de l’aide. Les premiers, qui ne présentent aucune maladie, mais dont les conduites entrent en conflit avec leurs valeurs morales ou religieuses. Les seconds, qui souffrent d’une problématique proche de l’addiction à l’amour, accros aux coups de foudre et aux symptômes de la passion, donc aux aventures sexuelles. Enfin, la troisième situation, de loin la plus fréquente, se caractérise par la répétition envahissante de conduites masturbatoires, devant des sites pornographiques. Nous verrons que la masturbation est ici un moyen de se livrer, en fantasme, à des activités que le sujet réprouve consciemment, ce qui bien souvent est alors un motif d’inquiétude et de consultation.

Extrait de "Fantasmes et réalités sur les Sex addicts", de Jean-Claude Matysiak, publié chez JC Lattès. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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