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Que pèsent encore les Etats-Unis sur la scène internationale ?
©Reuters

Trans-amérique Express

Barack Obama s'est rendu à Cuba. De son côté, Donald Trump a donné une interview Washington Post et livré son avis sur les attentats de Bruxelles Mais, il ne faut compter sur aucun d'eux dans la guerre contre le terrorisme.

Gérald Olivier

Gérald Olivier

Gérald Olivier est journaliste et  partage sa vie entre la France et les États-Unis. Titulaire d’un Master of Arts en Histoire américaine de l’Université de Californie, il a été le correspondant du groupe Valmonde sur la côte ouest dans les années 1990, avant de rentrer en France pour occuper le poste de rédacteur en chef au mensuel Le Spectacle du Monde. Il est aujourd'hui consultant en communications et médias et se consacre à son blog « France-Amérique »

Il est aussi chercheur associé à  l'IPSE, Institut Prospective et Sécurité en Europe.

Il est l'auteur de "Mitt Romney ou le renouveau du mythe américain", paru chez Picollec on Octobre 2012 et "Cover Up, l'Amérique, le Clan Biden et l'Etat profond" aux éditions Konfident.

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C’est sans doute une coïncidence,  mais en commettant leurs attentats contre l’aéroport et le métro de Bruxelles alors que le président américain Barack Obama était en visite officielle à Cuba, les islamistes ont bien choisi leur moment. Même aux Etats-Unis, ces  attaques ont éclipsé le déplacement du président américain, alors que celui-ci était « historique ».  Elles ont surtout souligné combien l’Amérique d’Obama s’est détournée de l’Europe et du Moyen Orient, pour se recentrer sur une sphère purement « américaine ». Ce faisant, ils sont sortis de la scène internationale. Le poids des Etats-Unis est devenu symbolique, voire insignifiant, dans la crise la plus importante que traverse le monde. Et ce n’est pas prêt de changer…

L’Europe est à nouveau le centre du monde. Mais pour les mauvaises raisons. Parce qu’elle est en crise. Au bord de l’explosion. Menacée par le « Brexit » (la sortie du Royaume Uni de l’Union européenne) d’une part, la fragilité économique et politique de ses Etats fondateurs d’autre part – la France et la Belgique entre autres –  l’effondrement de ses valeurs morales et une vague d’immigration a la fois transformatrice et déstabilisatrice de la société. L’Europe est aussi confrontée à sa pire vague terroriste et à sa pire situation politico-économique depuis les années trente. Pendant ce temps, l’Amérique de Barack Obama se complaît dans un petit mélodrame sentimentalo-idéologique. Elle s’occupe de rabibocher un lien avec une île tropicale dénuée de valeur stratégique depuis la fin de la guerre froide. Pour sortir de cette crise, l’Europe ne devra donc pas compter sur les Américains.

Le contraste des images était saisissant ce 22 mars. D'un coté, Barack Obama discutant en tête à tête avec Raul Castro assis dans un fauteuil en osier sur fond de jardin tropical. De l’autre des passagers victimes des attentats, les vêtements en lambeaux, la chair à nue et le visage ensanglanté. D'un côté un gentleman dilettante discutant tout sourire avec le vieux sage du village.  De l’autre la guerre des islamistes contre l’occident dans son horreur quotidienne. Des civils, systématiquement pris pour cibles parce  que dans une société libre, les protéger  tout le temps et partout n’est pas possible.

Rétablir des relations avec Cuba peut importer à l’Amérique. Après tout ce fut longtemps son petit paradis tropical privé. Un jardin des délices où la bourgeoisie conservatrice américaine allait s’encanailler en toute discrétion… Mais dans un monde post 11 septembre et à l’heure du combat contre le terrorisme islamique, Cuba est devenu un sujet périphérique. L’île castriste n’a,de toute  façon, plus d’autre choix que de se rapprocher des Etats-Unis. Elle a perdu son premier protecteur, l’Union soviétique voici vingt-cinq ans. Son second protecteur, le Venezuela, est en voie de déliquescence. Personne ne viendra plus désormais à son chevet. La main tendue d’Obama, est celle qu’on tend à un noyé sur le point de sombrer. Rien à voir avec l’ouverture de Nixon à la Chine en 1971, même si certains à la Maison Blanche ont osé la comparaison…

Hillary Clinton, si elle est élue présidente, ne changera rien à cet état de fait. Malgré sa réputation d’interventionniste. Entre les pays musulmans clients de l’Amérique, et l’idéologie « droit-de-l'hommiste » de l’ancienne secrétaire d’Etat, il subsistera peu d’espace pour lutter efficacement contre l’Etat islamique. Il y aura plus de gesticulations qu’avec Barack Obama, mais à l’arrivée, sans doute guère plus d’action.

Quant à Donald Trump,il a déjà prévenu qu’il ne ferait rien. A part « fermer les frontières aux musulmans » et frapper l’Etat islamique de loin.  Ironie du sort le jour des attentats était-il avait choisi pour confier ses ambitions en politique étrangère aux journalistes du Washington Post. Dans un long entretien, Trump se révèle avoir une connaissance limitée des enjeux géopolitiques globaux, et une vision encore plus limitée du rôle de l’Amérique face à ces enjeux. Pour lui les Etats-Unis ont beaucoup donné pour la défense de leurs alliés et du monde libre et n’ont pas été payés en retour. N’étant plus aussi puissants, ou aussi riches qu’ils ont pu l’être, leur priorité est de se recentrer sur eux-mêmes avant de s’occuper des autres…

Dans ses discours de campagne, Trump promet souvent de « faire pleuvoir l’enfer sur l’Etat Islamique ». Ici il se montre plus prudent : « Les généraux du Pentagone ont récemment déclaré qu’il faudrait entre vingt mille et trente mille hommes sur place,en Iraq, pour confronter l’Etat Islamique. Il me serait très difficile d’accepter de déployer autant de nos soldats. Je suis prêt à donner aux autres pays de la région un appui aérien déterminant mais je mettrais la pression sur ces pays, pour qu’ils déploient leurs soldats dans la lutte contre l’Etat islamique… »

En clair, pas question que des Américains aille se faire tuer pour protéger le Moyen Orient et l’Europe de l’Etat islamique.

Face à la menace d’attentats sur le sol américain, il campe sur sa position de campagne : « Le problème musulman est très sérieux… Il existe une  haine très dure à notre égard… C’est un problème temporaire mais sérieux qu’il faut traiter… Nous (Les Américains) devons  être prudents, on ne peut pas laisser entrer chez nous des gens sans savoir qui ils sont ni d’où ils viennent. Il a été question d’accepter 55 000 migrants Syriens, ou même dix mille, mais je ne pense pas que nous devrions en prendre un seul. Ils n’ont pas de papier, pas de document, rien.»

Ce recentrage sur la seule protection des frontières et des intérêts américains s’applique aussi aux autres questions internationales concernant l’Europe et l’Asie.

Favoriser l’évolution démocratique de telle ou telle région du monde, le fameux « nation building » voulu et tenté par l’administration de George W. Bush, n’est plus à l’ordre du jour.  « Il faut abandonner l’idée de reconstruire des pays. Ça ne marche pas et nous ne sommes plus en mesure de le faire. Nous avons une dette de 19 mille milliards. C’est les Etats-Unis qu’il faut reconstruire. Notre pays est dans un sale état…En Iraq nous avons construit des écoles qui ont été détruites par des attentats une fois deux fois, trois fois… Mais nous ne sommes pas capables de construire une école à Brooklyn… »

Pour le candidat républicain présumé, il faut aussi réformer l'Otan. « L'Otan nous coûte une fortune… et nous ne sommes pas payés en retour… Nous protégeons l’Europe à travers l'Otan…Mais cette organisation a été établie à une autre époque, quand nous étions un pays riche… J’approuve le concept de l'Otan, mais il n’est plus aussi bon qu’il a été. »

Idem pour la protection américaine à la Corée du sud ou au Japon. « La Corée du sud est un pays très riche. C’est une grande nation industrielle. Et pourtant nous ne sommes pas remboursés pour tout ce que nous faisons pour eux. Notre flotte est constamment sur place, nos avions aussi,  nous organisons des manœuvres et nous ne sommes payés qu’une fraction des coûts engagés ?

Par ce recentrage sur l’Amérique, Donald Trump est en parfaite osmose avec l’opinion publique américaine du moment. Les Américains sont fatigués d’être les gendarmes du monde. Trump est prêt à abandonner ce rôle, quitte à  ce que les Etats-Unis renoncent à une partie de leur influence. Il s’est ainsi s’est déclaré sceptique sur « l’utilité des bases américaines du Pacifique ». « Sincèrement,  je ne pense pas, je ne suis pas sûr»a-t-il répondu aux journalistes du Post qui lui demandaient avec insistance « si les Etats-Unis tirent profit de leur capacité à maintenir la paix». « Nous ne sommes plus dans la position que nous occupions avant. Nous ne sommes plus aussi riches. Nous sommes une nation endettée… » 

Là où Trump se démarque nettement du président Obama et des deux candidats  démocrates, c’est sur le changement climatique. Il n’y croit guère et conteste que l’activité humaine en soit la cause.  « Je n’y crois pas… d’ailleurs on ne sait pas trop si c’est du réchauffement, maintenant j’entends partout la phrase de « phénomènes météorologies extrêmes »…Pour lui le danger le plus imminent qui menace la planète reste les armes nucléaires. « Nous ne savons plus vraiment qui en possède, ni où elles sont, ni qui est sur le point d’en obtenir. Le plus grand risque auquel ce pays et le monde sont exposés, ce sont les armes nucléaires. Interrogé sur un possible recours à cette arme contre l’Etat islamique, Trump a répondu qu’il ne voulait pas « être l’initiateur du processus nucléaire », « Souvenez-vous en je suis un contre-puncheur. »

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