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Travailleurs détachés & loi El Khomri : la solution d'un élu Républicain local pour éviter le trop grand recours aux travailleurs détachés
©Pixabay

Faire avec ce qu'on a

En l'absence de réglementation vraiment claire sur les travailleurs détachés, de plus en plus d'entreprises emploient ce genre de salariés, au détriment des autres souvent plus chers. Face à cela, un élu local Républicain a eu l'idée de contraindre ces mêmes entreprises à n'embaucher que des travailleurs parlant couramment français, ou à payer un interprète en plus. Se faisant, il augmente le coût des travailleurs détachés... et par conséquent diminue leur intérêt.

Vincent You

Vincent You

Vincent You est directeur d’hôpital en Charente. Conseiller Régional de Poitou-Charentes entre 2010 et 2016, il est, depuis avril 2014, Adjoint au Maire d'Angoulême chargé des finances et de la commande publique et, depuis décembre 2015, vice-président de GrandAngoulême chargé de l'urbanisme et du PLUI.

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Atlantico : Votre méthode pour diminuer la présence des travailleurs détachés fait parler d'elle, pouvez-vous nous la présenter ?

Vincent You : C'est très simple. Après avoir constaté le nombre de travailleurs détachés sur nos chantiers, j'ai consulté des architectes et des juristes pour cibler une solution adaptée. Le maître d'ouvrage est responsable du marché, le marché et les règles du chantier sont écrites en français, il est donc normal et nécessaire que les ouvriers du chantier comprennent et parlent le français pour pouvoir travailler en sécurité. J'ai donc ajouté une clause dans ce sens dans le CCAP du marché. Soit les ouvriers sont francophones, soit l'employeur doit leur adjoindre un interprète. Ce faisant, je renchéris le coût du recours aux travailleurs détachés et je donne un signal aux entreprises : pas de course vers le low-cost !

Vous prenez un risque juridique? Même s'il n'y a pas de jurisprudence sur le sujet, vous pouvez être attaqué ?

A un moment, il faut accepter d'ouvrir les yeux, cesser de vouloir "ceinture et bretelles" et sortir du cadre. Qui peut m'attaquer ? Une entreprise qui veut faire travailler ses ouvriers au mépris des règles de sécurité ? Soyons sérieux, cette course vers le vide n'est pas tenable. Nous ne pouvons plus cautionner une mécanique où l'on prend les ouvriers pour des robots. Je prends mes responsabilités de maître d'ouvrage, j'espère que le chemin ouvert va être emprunté par de nombreux élus. 

Tous les maîtres d'ouvrage peuvent agir. Élus, président d'office hlm, tous ceux qui gèrent de l'argent public doivent maintenant être encouragés à tout mettre en oeuvre pour que leur territoire bénéficie de l'activité créée par les marchés publics.

C'est une façon de critiquer la libre circulation des personnes qui est constitutive de l'Europe ?

Les règles mondiales et européennes sont abstraites et désincarnées. Elles gomment la réalité du travail. Avec les délocalisations, nous laissons partir de l'activité sans se soucier de savoir comment sera organisée la production. Avec les travailleurs détachés, nous baissons le regard pour confier notre activité non délocalisable à des ouvriers que l'on va faire travailler sans regarder la manière. Cela sous notre nez. Autant je ne suis pas capable de poser des exigences sur le travail en Asie, autant je peux et dois veiller à ce qui se passe devant moi. 

Je ne suis pas un idéologue. Mais l'Europe ne pourra tenir si elle continue à encourager le "moins disant social". Faire l'Europe, ce devrait d'abord consister à nous reconnaître des valeurs communes.

En exigeant l'usage du français, on est à la fois dans une logique de protection et dans une logique simple d'enracinement de l'activité. Il faut juste accepter de dire une chose : la libre circulation en Europe n'est pas un principe absolu qui écrase le travail décent. 

C'est donc une question de choix politique, au delà de votre astuce juridique ?

Il y a en effet un choix politique majeur : veut-on conserver une activité sur le territoire qui profite à l'emploi local ? Veut-on construire une Europe qui nous protège ?  Derrière tout cela, il y a une une question fondamentale : quelle est notre conception du travail ? S'agit-il d'une technique reproductible sans regarder la manière ou s'agit-il d'une oeuvre humaine qui nécessite de regarder comment on traite les personnes concernées ? Nous sommes au cœur de la conception politique du travail et du droit qui en découle.

Il semble que la loi El Khomri évoque la question des travailleurs détachés, pensez-vous que les adaptations prévues sont positives ?

Je ne connais pas le détail de ce qui sera in fine dans le projet de loi. Je constate que jusqu'à maintenant, la question des travailleurs détachés n'a donné lieu qu'à des usines à gaz. S'il s'agit encore de créer une administration pour vérifier le respect des 35 heures, nous resterons en panne. Vous savez, j'ai trouvé mon idée sur le terrain, en parlant avec des maîtres d’œuvres et des entreprises. Je doute que le dialogue entre les éléphants des différents courants du PS suffisent à apporter des réponses pertinentes. Le débat est maintenant lancé, j'espère que les élus locaux qui signent les marchés publics vont s'en emparer. Si nous arrivons à montrer qu'il existe des solutions simples, les élus locaux n'auront pas besoin de la loi. L'impuissance politique c'est davantage celle de nos gouvernants que celle des élus de terrain !

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