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Crise cardiaque : votre situation professionnelle est un indicateur clé des risques que vous courez
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Trop à cœur

Si vous travaillez dans le secteur de la vente ou de nuit, prenez garde : même s'il ne faut pas généraliser, une nouvelle étude a identifié les populations professionnelles les plus susceptibles de vous faire faire une crise cardiaque.

Serge  Volkoff

Serge Volkoff

Serge Volkoff est co-auteur du livre “Les risques du travail. Pour ne pas perdre sa vie à la gagner” (éditions Eyrolles).

Il est statisticien (administrateur de l’Insee) et ergonome (HDR), spécialiste des relations entre l’âge, le travail et la santé. Anciennement responsable des études et statistiques sur les conditions de travail à la Dares, il a dirigé ensuite, et jusqu’en 2012, le Centre de Recherches sur l’Expérience, l'Age et les Populations au Travail (CREAPT), un Groupement d’Intérêt Scientifique rassemblant plusieurs organismes publics, entreprises et universités. Nommé directeur de recherche au Centre d’Etudes de l’Emploi en 2001, il demeure chercheur invité dans ce Centre depuis sa retraite en décembre 2012. Il siège au Conseil d’Orientation des Retraites depuis la création de celui-ci en 2000. Il est notamment auteur ou co-auteur de : Le travail au fil de l’âge (Octarès, 1995), Age, travail, santé (éditions Inserm, 1996), Efficaces à tout âge ? (Dossiers du CEE, 2000), Les conditions de travail (La Découverte, 2007), et d’articles sur ces sujets.

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Atlantico : Selon une nouvelle étude (voir ici), certains métiers pourraient s'avérer mortels. Quelles sont les professions françaises les plus à même de nous amener à faire une crise cardiaque et pourquoi ?

Serge Volkoff : Il y a maintenant une trentaine d’années, le psychologue suédois Robert Karasek a déterminé les facteurs jouant sur la santé au travail : la "job latitude", c’est-à-dire la marge de manœuvre que l'on a dans son travail, la "job demand", c'est-à-dire les exigences du poste occupé, et le "social support", c’est-à-dire le fait d'avoir des collègues amicaux avec lesquels on peut s’entraider ou pas. Les personnes cumulant dans leur travail une forte "job demand", une faible "job latitude" et un faible "social support" ont, selon Robert Karasek, plus de risques de mourir d'une crise cardiaque, car ce sont des facteurs qui engendrent de très forts taux de stress. On peut penser qu’il y a des situations de ce type dans des professions comme le cas du secteur de la vente ou de la publicité par exemple, où les employés sont constamment évalués sur leurs performances (faible "job latitude"), sont sans arrêt en train de s'adapter aux exigences et à la personnalité du client (forte "job demand") et n'ont pas forcément de bonnes relations avec leurs collègues (faible "social support"), car le secteur est très concurrentiel. A l'inverse, les personnes travaillant dans la gestion par exemple sont beaucoup moins soumises au stress et donc au risque de faire une crise cardiaque.

Sont aussi concernées toutes les populations professionnelles travaillant de nuit. Il est désormais bien établi que, par des mécanismes directs ou indirects, une exposition longue au travail de nuit est un facteur de fragilisation à long terme du système cardiovasculaire, provoquant des décès sur le lieu de travail mais aussi après, lorsque les employés ont pris leur retraite. Les travailleurs de nuit meurent de manière générale plus jeunes que les autres.

Après, il ne faut pas trop généraliser. Pour être tout à fait exact, je ne parlerais pas de "professions à risque" mais de "situations de travail à risque". En effet, ce n'est pas une profession en tant que telle qui provoque des crises cardiaques, mais les facteurs établis par "le modèle de stress" de Kérasec, qui peuvent se retrouver dans n'importe quelle profession, pour peu que l'entreprise soit par exemple instable financièrement ou qu'un service soit mal organisé. Les managers, classés par l'étude comme les professions les moins susceptibles de déclencher des crises cardiaques, peuvent être en très mauvaise santé au sein d'entreprises qui font plan de licenciement sur plan de licenciement par exemple.

L'impact mortel du travail sur la santé augmente-t-il avec l'âge ?

Oui, même si les risques cardio-vasculaires concernent toutes les populations professionnelles, l'âge affaiblit nos défenses biologiques et augmente donc les risques de faire une crise cardiaque, à partir de 45 ans et plus.

Quelles sont les autres populations professionnelles qui peuvent être mortelles en France ?

Les accidents mortels au travail ont beaucoup diminué à long terme, mais ils sont quand même quelques centaines chaque année en France, disons de l’ordre de deux par jour, ce qui concerne très très massivement les populations ouvrières.

De même, s'il est dit dans l'étude que les arrêts cardiaques sont les premiers facteurs de décès dans le monde, ce n’est pas le cas en France. Si on regroupe tous les cancers, ce sont eux qui constituent le premier facteur de décès de la population générale, et donc également professionnelle. Les évaluations tournent autour de 10 000 décès par cancer chaque année en France dus à l’exposition de produits toxiques professionnels sur le lieu de travail.Cela concerne toutes les professions manuelles et les professions de service.

Le travail en France peut-il engendrer d'autres risques non mortels pour la santé ?

Oui, il y en a énormément et cela concerne beaucoup de populations professionnelles.

Les douleurs articulaires et les problèmes rhumatologiques représentent 90% des maladies professionnelles reconnues. Cela concerne les métiers ouvriers, les personnes travaillant sur écran, les coiffeurs, les chirurgiens dentistes... Bref toutes les professions qui impliquent de travailler dans une même posture toute la journée.

Après viennent en deuxième position tout ce qui attrait aux problèmes neuropsychologiques, comme l’angoisse, l'anxiété, les troubles du sommeil voire la dépression. Ces problèmes peuvent toucher l'ensemble des professions.

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