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La Roue de la fortune ou comment servir une émission de vieux
à un public de jeunes
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Vieux pots

C'est tout nouveau, c'est tout beau, TF1 nous propose une révolution dans le divertissement... La Roue de la fortune ! Le jeu télévisé, vieux de 25 ans, revient avec un duo Castaldi/Bègue révolutionnaire. La chaîne privée veut jouer sur le succès de l'émission pour capter un public jeune... sans trop se fouler !

François Jost

François Jost

François Jost est professeur à l’université Paris III où il dirige le Centre d'Etudes sur l'Image et le Son Médiatiques (CEISME). Il enseigne l’analyse de la télévision et la sémiologie audiovisuelle.

Il est l’auteur, entre autres, de L’Empire du Loft, la suite  (La Dispute, 2007), De quoi les séries américaines sont-elles le symptôme ? (CNRS éditions, 2011), Les Nouveaux méchants. Quand les séries américaines font bouger les lignes du Bien et du Mal (Bayard 2015), Breaking Bad. Le diable est dans les détails (Atlande 2016).

Il dirige également la collection A suivre sur les séries aux éditions Atlande.
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Atlantico : De l'argent en jeu, une blonde (devenue brune!) et un animateur agaçant au sourire ultrabright … ça fait 25 ans que la recette de la Roue de la fortune nous est servie ! Pourquoi est-ce que ça fonctionne encore ?

François Jost : Cette émission joue sur des ingrédients éternels : l'aléa, c'est à dire le hasard, et puis l'énigme, la devinette. Des constantes vieilles comme le monde. Ce type de jeux, de rébus, sont basiques. C'est la forme simple du divertissement et elle dure.

Le jeu met en compétition le candidat et le spectateur. Il met le spectateur, bien au calme chez lui, en situation d'avantage. Il est flatté par rapport au candidat. C'est une tendance forte qui devrait se maintenir. L'histoire de la télévision montre que l'on cherche toujours à mettre le spectateur à son avantage. Rien à voir avec des jeux comme Quitte ou double où l'on avait des joueurs particulièrement savants qui mettaient le public dans une position inférieure.

Le vrai changement opéré dans cette dernière refonte de l'émission, c'est que TF1 veut rajeunir son audience. L'esthétique et l'animateur étaient un peu vieillots et n'attiraient finalement que les parents. Là, la chaîne fait le pari de capter la famille vers l'écran en se servant d'abord des plus jeunes. C'est un public difficile car il est volatile et a tendance à s'éloigner de la télévision. D'où l'intérêt de récupérer Benjamin Castaldi, l'animateur de Secret Story, connu par cette génération.

La présentatrice aussi est modernisée. Là où il y avait auparavant une espèce de bimbo qui pourrait passer pour vulgaire, nous avons à présent Valérie Bègue, une ancienne miss France aux airs poli et bien élevé. Par ailleurs, légérement métissée, elle permet un petit pas vers la diversité. 

Capter un public jeune avec l'une des plus vieilles émissions du petit écran, c'est paradoxal non ?

A la télévision, les choix sont souvent faits par défaut. Le pari, ici, c'est de ne pas paraître ringard pour les jeunes. Les jeunes ne vont certainement pas se précipiter dessus mais ils ne devraient pas non plus la fuir. C'est l'objectif : si La Roue de la fortune passe à la télévision, il faut qu'ils n'aient pas l'envie de s'éloigner.

Il y a un léger changement dans le fonctionnement de l'animation. Christophe Dechavanne laissait beaucoup la main aux invités. Les femmes avaient de superbes décolletés plongeants. Ils avaient tous des personnalités assez exubérantes. Pour ce que nous avons vu de la nouvelle mouture de l'émission, les candidats sont plus passe-partout. En revanche, Benjamin Castaldi fait son show.

Actuellement, les grandes chaînes innovent très peu. Elles auraient tendance à dire qu'elles tentent des choses nouvelles mais dans le fond, elles recyclent surtout les vieilles recettes. Elles font preuve d'une prudence considérable. Elles préfèrent des formats qui fonctionnent que la création. C'est aussi pour ça qu'elles récupèrent énormément de programmes déjà testés à l'étranger. Si l'on peut attendre des nouveautés, ce serait plutôt de la part des petites chaînes de la TNT qui n'ont pas grand-chose à perdre. C'est d'ailleurs ce qu'avait fait M6 avec Loft Story qui lui avait permis de passer à 7% de part d'audience.

Benjamin Castaldi est systématiquement critiqué. Comment fait-il pour se maintenir malgré tout depuis une dizaine d'années ?

Je me pose aussi la question. Il joue le rôle qu'on lui confie : il rajeunit l'expression et apporte un côté déconneur auquel les jeunes semblent sensibles. J'ai toujours le sentiment de voir un vieux qui veut faire jeune. Cette interactivité avec le public et cette improvisation systématique doivent pourtant fonctionner. Il fait de bonnes audiences. Mais je pense qu'il a eu beaucoup de chance et qu'il a été accroché à des programmes porteurs. Que ce soit Loft Story ou Secret Story, il a probablement profité d'émissions qui ont eu du succès malgré lui.

Propos recueillis par Romain Mielcarek

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